Gros Chat et la Sorcière grincheuse (le) Vol.2 : Critiques

Il y a un demi-siècle, elle était l'héroïne du royaume. A présent, beaucoup de monde semble avoir oublié ça, et elle est reléguée au statut de sorcière évitée par quasiment tout le monde, depuis sa maison-arbre nichée dans la forêt et où elle vit dans la solitude depuis 50 ans... enfin, "vivait". Car depuis peu, Jeanne a vu débarquer dans sa vie un bien étrange familier qu'elle a invoqué: Nâ, un énooorme matou certes encombrant et parfois capricieux (c'est un chat, quoi), mais qui a déjà commencé à changer son quotidien et sa manière de voir les choses. Et ce n'est certainement pas avec ce deuxième tome que cet état de fait va changer, au gré de plusieurs entrées en scène importantes dans la vie de la vieille dame.

Après un premier volume réellement poignant dans sa manière, mélancolique, de dévoiler petit à petit le passé des deux personnages principaux se rappelant par bribes à leur mémoire (dans une atmosphère évoquant volontiers Frieren, pour les fans ce cette superbe oeuvre), ce deuxième tome prend une forme un peu plus classique et linéaire, dans la mesure où il va installer, à tour de rôle, trois nouveaux visages autour de Jeanne et de Nâ.
Tout d'abord, Frado, un ancien chevalier du roi, qui se voit chargé d'éliminer le duo principal pour d'obscures raisons, qui est surnommé le tueur de dragons, que l'on dit cruel et sanglant, et qui semble placer l'argent avant tout le reste. Mais qu'en sera-t-il une fois qu'il aura découvert la douceur et la chaleur du bon gros Nâ ? Alors qu'il est censé être une menace, cet homme pourrait bien, finalement, devenir une sorte de protecteur, y compris face aux habitants du village qui se montrent toujours si désagréables envers celle qu'ils considèrent comme une sorcière.
Ensuite, Lou, une jeune esclave mi-humaine mi-elfe d'une dizaine d'années, parvenant à s'échapper de ses horribles tortionnaires, et trouvant refuge chez la vieille dame. Si solitaire jusqu'à encore peu de temps, que fera Jeanne en découvrant cette enfant traumatisée ? La réponse est peu surprenante, bien sûr, et d'entrevoir encore un peu plus le vrai bon fond de cette femme faussement grincheuse.
Et enfin, Hanigan, une autre combattante envoyée pour éliminer la "sorcière" et qui révèlera vite non seulement les grandes lignes de son propre passé, mais aussi un état de fait forcément assez poignant quand on voit quelle fut la vie de Jeanne pendant ce dernier demi-siècle: non, tout le monde n'a pas forcément oublié son glorieux passé et quelle grande héroïne elle fut dans sa jeunesse.

Bien que classiques, les trois grandes étapes de ce volume restent attachantes, dans la mesure où elles apportent chacune quelque chose dans le quotidien de Jeanne: le cas de Frado met en lumière le rôle bénéfique qu'a Nâ auprès d'elle (même si bon, on pourra trouver le revirement de l'assassin très rapide une fois qu'il a rencontre le duveteux félin), celui de Lou amène une présence supplémentaire aux côtés de la vieille dame, et celui de Hanigan montre que son passé héroïque n'est pas totalement oublié. Surtout, ces étapes permettent, petit à petit, d'installer une figure antagoniste que l'on cerne de plus en plus au fil des pages, même s'il restera à expliquer pourquoi elle veut tant éliminer Jeanne et son nouveau familier. De plus, une interrogation supplémentaire vient doucement poindre le bout de son nez: et si l'ancien compagnon d'aventure de Jeanne l'avait, en réalité, protégée secrètement pendant tout ce temps ?

Enfin, pour accompagner tout ça, il y a toujours la patte visuelle très soignée de Hiro Kashiwara: le mangaka régale à nouveau avec ses décors extérieurs et intérieurs omniprésents et ayant une belle pointe bucolique parfois (difficile de se lasser de la maison-arbre de Jeanne), mais aussi avec son exploitation efficace de Nâ, matou capable d'attendrir dans ses expressions faciales, mais aussi d'amuser dans ses comportements de félin mais en plus gros (il faut le voir s'amuser avec le balai de Lou).

Bien que la très belle surprise (en particulier dans la construction narrative) du tome 1 soit passée pour laisser place ici à un déroulement plus classique, Le Gros Chat et la Sorcière Grincheuse conserve son charme au fil de ce deuxième volume, en plus d'installer quelques enjeux un peu plus consistants et qui devraient logiquement s'accentuer par la suite.