Grande invasion mongole (la) - Actualité manga
Grande invasion mongole (la) - Manga

Grande invasion mongole (la) : Critiques

Chôdôryoku Mongol Invasion

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 24 Mars 2021

Il est enfin là. Annoncé par les éditions IMHO dès avril 2015 pour une sortie initialement prévue en octobre de la même année, La grande invasion mongole a ensuite accumulé les reports, du fait de la très (très très) faible activité de l'éditeur pendant quelques années. A tel point qu'il a ensuite fallu attendre jusqu'à la fin de l'année 2020 pour qu'IMHO donne des nouvelles de l'oeuvre, en annonçant sa sortie pour la fin du mois de janvier 2021. C'est finalement début mars que ce one-shot d'environ 190 pages est enfin arrivé chez nous, marquant le retour en langue française de l'un des maîtres du manga underground, que l'on apprécie particulièrement ici: Shintarô Kago, l'un des auteurs phares d'IMHO, qui était absent dans notre langue depuis la parution d'Une collision accidentelle sur le chemin de l’école peut-elle donner lieu à un baiser ? en janvier 2014.

Paru au Japon en 2014 chez Ohta Shuppan sous le titre Choudouryoku Mouko Daishurai, La grande invasion mongole est un ouvrage démarrant presque comme un manga historique en nous plongeant dans les jeunes années de Temüdjin, le futur Gengis Khan, fondateur du vaste Empire Mongol qui régna en maître sur l'Asie pendant les 12e et 13e siècles. Kago commence son oeuvre en narrant l'un des premiers exploits du futur grand conquérant, terrassant une armée tatare bien plus nombreuse pour récupérer sa promise... à ceci près qu'en guise de chevaux, on trouve des "créatures" beaucoup plus particulières, par lesquelles l'auteur, tel que le ferait un historien, explique la suprématie de l'armée mongole. Bien entendu, il s'agit d'un point de départ on ne peut plus absurde... mais un point de départ que l'auteur va ensuite pousser à fond, au fil des siècles, en faisant de ces "chevaux mongols" des créatures ayant marqué l'Histoire par bien des aspects.

Dès lors, chaque nouveau chapitre vient revisiter certaines grandes lignes de l'Histoire (surtout occidentale) par le prisme de ces chevaux d'un autre genre. Ici, Kago revisite l'époque des Grandes Découvertes où Vasco de Gama effectue son voyage jusqu'en Inde où il compte bien commercer pour acquérir ces chevaux. Là, il nous plonge dans l'Angleterre de la fin du 18e siècle, au coeur de la rivalité entre les ingénieurs James Watt et Richard Arkwright qui posèrent des bases de la révolution industrielle, ce qui permet entre autres au mangaka de reprendre à sa sauce la création de la machine à filer via l'exploitation des animaux mongols. Puis il nous plongera tour à tour pendant la 1e Guerre mondiale dans le conflit entre allemands et français avec par exemple sa version des chars d'assaut, puis pendant la révolution automobile de Ford avec une nouvelle vision de son fordisme, avant une conclusion allant encore un peu plus loin dans l'impact qu'ont pu avoir ces chevaux mongols dans l'Histoire humaine.

Revisitant l'Histoire par le prisme absurde de ces chevaux mongols, Kago ne s'arrête pas à une simple accumulation de moments d'Histoire revus: au fil des chapitres, le mangaka bâtit également toute une petite mythologie autour de ces créatures en exposant ses forces, ses faiblesses, ses possibles origines quai divines... et ça fonctionne du tonnerre en rendant encore plus prégnant ce trip grotesque. Et si l'on aurait pu craindre que l'idée devienne vite redondante, ce n'est heureusement pas le cas, du fait de la variété des utilisations des chevaux, mais aussi parce que l'auteur reprend aussi à sa sauce nombre d'autres petites choses, par exemple en imaginant Vasco de Gama comme un gars vomissant toujours en mer (avec une utilisation ingénieuse de son vomi pour parler, entre autres) et dont le phimosis sauvera son équipage (si si), en faisant de l'épouse de James Watt une masochiste bourrée de MST, en offrant une vision moins appétissante de la fameuse gastronomie française (les têtes de veau ont bien changé), en imaginant tout ce qui pouvait être fait dans les tranchées, ou en montrant un "travail à la chaîne" bien différent de ce que l'on croit... Shintarô Kago a ici un ton gentiment moqueur en détournant ces éléments, mais effectue toujours les choses sur un ton sérieux, comme un véritable exercice d'historien, ce qui rend la lecture d'autant plus décalée.

Dans le fond, cet ouvrage est peut-être un brin plus sage que pas mal d'autres travaux de l'artiste parus en France, et n'est même que très relativement trash en jouant surtout sur l'absurde et l'humour corrosif. De ce fait, La grande invasion mongole pourrait être une excellente porte d'entrée dans l'univers de Kago, pour qui voudrait s'y essayer 'en douceur".

L'édition, française, elle, est assez bonne malgré une couverture potentiellement fragile (personnellement, une partie du pelliculage de la couverture était parti quand j'ai reçu mon exemplaire). A l'intérieur, le papier est souple et assez épais malgré une très légère transparence, et permet une très bonne impression. Simplement sous-titrées, les onomatopées sont respectées. Enfin, la traduction d'Aurélien Estager (déjà traducteur des autres travaux de Kago parus chez IMHO) est aux petits oignons, en mêlant à merveille le ton sérieux aux éléments absurdes et grotesques (certaines répliques de Margaret Watt m'ont personnellement plié de rire).
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction