Koyoharu Gotouge - Histoires Courtes - Actualité manga

Koyoharu Gotouge - Histoires Courtes : Critiques

Gotôge Koyoharu Tanhenshû

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 30 Novembre 2021

En octobre 2019, la frénésie Demon Slayer bat son plein. La diffusion télévisée de la première saison de l'anime vient de se conclure, et les différents volumes du manga occupent les top des vente. Il y a un phénomène évident autour de la série de Koyoharu Gotôge, une explosion plutôt rare due au rapport à l'adaptation animée, élargissant l'œuvre à un autre public qui découvre le récit d'origine par la même occasion. Le manga se vend par dizaines de milliers de tome, un engouement qui se poursuivra en 2020 avec la sortie du film « Le train de l'infini » qui deviendra un vrai phénomène de société.
Alors, quand cette ascension fulgurante débute, l'édition Shûeisha a la bonne idée de publier un recueil des premières histoires courte de son auteur (très fortement supposée autrice). Il n'est pas forcément donné à tout mangaka de voir paraître un tel ouvrage aussi rapidement, les éditeurs profitant généralement de forts engouements autour de leurs artistes, comme l'a démontré Tatsuki Fujimoto qui a récemment vu ses premiers travaux condensés en deux ouvrages.

De notre côté, Panini profite aussi du succès de Koyoharu Gotôge et de sa série pour nous proposer tous les titres disponibles. Alors que la parution de Demon Slayer approche doucement mais sûrement de sa fin, nous pouvons aujourd'hui lire les quatre premières histoires de l'artiste, dans un recueil tout sobrement nommé « Koyoharu Gotouge : Histoires courtes ».

Ces récits sont un véritable témoignage des premiers pas balbutiants de la mangaka puisqu'ils datent tous d'avant Demon Slayer dont le début de la parution remonte à février 2016. Quatre histoires parues entre 2013 et 2015 et qui nous permettent à la fois de voir comment l'autrice se débrouillait sur ses premières œuvres, quelle était sa patte esthétique émergente, et quels liens on peut y voir avec son unique (pour l'heure) série longue.

Dessinée en 2013 mais jamais proposée au lectorat avant ce recueil, l'histoire « Kagarigari – Ceux qui chassent les chasseurs » est le prototype de Demon Slayer, et le récit qui a laissé le plus de traces dans l'aventure de Tanjirô. Grâce à ce premier one-shot, Gotôge a reçu une mention honorable au concours des nouveaux mangaka Jump Treasure, un premier fait d'arme des années avant le succès planétaire que connaitra son œuvre.
Dans Kagarigari, nous suivons une traque d'un démon par plusieurs des siens, plus pacifiques, avant que s'emmêle un chasseur humain maniant le sabre. Les premiers ingrédients de Demon Slayer sont là : La dualité entre humains et démons est présentée avec nuance, prétendant immédiatement que certaines de ces créatures se fondent dans la masse pour ne pas perturber leur entourage, tandis que Tamayo et Yushiro apparaissent déjà, de manière fidèle à ce qu'ils seront plus tard. Etonnamment, le « prototype » de Muzan est ici dans le bon camp. Pour cette notion d'héritage, le récit est plaisant à suivre, mais une autre forme d'intérêt ne manquera pas d'étonner : La narration confuse de l'histoire. De son aveu, Koyoharu Gotôge a abouti à un résultat largement imparfait. Si cela pouvait lui coûter une parution professionnelle à l'époque, le one-shot a aujourd'hui la forme d'un témoignage à accepter pour ce qu'il est, et qui démontre la progression de l'autrice comme la manière dont elle a réinterprété ces premiers éléments pour en faire, trois ans plus tard l'édifice Demon Slayer.

« Les Frères Monjushiro », la deuxième histoire, vit le jour en 2014. Après la mort de son père, assassiné, la jeune Shizuka se retrouve dans un orphelinat. C'est là qu'elle fait la connaissance des frères Monjushiro, l'un impulsif et l'autre étant un pianiste réfléchi, tous deux agissant comme mercenaires moyennant finances. C'est ainsi qu'ils acceptent la mission confiée par Shizuka : Tuer le yakuza responsable de la mort de son père. Mais le duo n'a rien de très humain, aussi c'est en usant de leurs capacités qu'ils mèneront à bien cet engagement...
Garni d'une touche d'excentricité, Les Frères Monjushiro est un récit qui tranche avec l'élégance que nous connaissons de Demon Slayer. Ici, les deux protagonistes combattant n'ont rien d'aussi gracieux que des sabreurs, et affichent des apparences insectoïdes dont on soupçonnerait presque l'influence de l'arc de Kimera Ant du manga Hunter X Hunter. Il en résulte une histoire assez particulière dans l'ambiance mais qui, contrairement à Kagarigari, n'affiche pas de confusion narrative. Pas de doutes, Koyoharu Gotôge progressait déjà.

Vient ensuite « Monsieur Rokkotsu », troisième histoire initialement parue dans le Shônen Jump en 2014. Toujours ancré dans le domaine du surnaturel, le récit suit Abara, un purificateur chargé d'exorciser les individus imprégnés par la malice. Dans l'idée, on reste dans l'optique de Demon Slayer, présentant un héros doté de talent chargé de se confronter à des êtres mauvais sur le plan mystique. Plus fluide et précise que les one-shot précédents, celui-ci est peut-être le mieux rythmé. Et au-delà de toute considération qualitative, c'est sans aucun doute son héros ambigu, Abara, qui donne à cette petite œuvre son charme.

L'ouvrage se conclut avec « Zigzag du jardin des mouches », quatrième histoire courte initialement parue en 2015, elle aussi dans le si apprécié Shônen Jump. Le titre est issu du nom du protagoniste, un jeune homme flirtant sur la frontière entre le bon et le mauvais, ce qui en ferait presque un anti-héros. Fidèle à sa coutume narrative, Gotôge présente ici une autre forme de chasseur d'entités malsaines avec cet individus chassant les lanceurs de malédictions. Entre l'excentricité de ses personnages, leurs ambiguïtés et les touches d'humour que l'autrice instaure malgré les situations graves, l'histoire se rapproche à ce manière de la patte qui donnera Demon Slayer.

Chacune de ces histoires suit donc sa propre voie, mais se rejoignent aussi pas certains paternes. Dans sa qualité de témoignage, ce recueil d'histoires courtes atteste la direction que souhaitait prendre la mangaka pour une œuvre ambitieuse. Il est évident que chacun de ces récits possède ses forces comme ses limite, et que chaque histoire ne peut plaire à tout lecteur. Mais il est toujours agréable d'observer les idées qui ont germé chez de jeunes auteurs, comment ils ont progressé d'un travail à l'autre, et quel chemin artistique ces mangaka ont suivi. Pour Koyoharu Gotôge, dont on ne peut effacer le fantôme de Demon Slayer qui est l'œuvre qui suit directement cet ouvrage, l'expérience est particulièrement satisfaisante si on apprécie le style si marqué de l'autrice. Ses histoires courtes ne sont pas sans défaut et plus que l'espoir de lire des œuvres abouties, on prend justement plaisir à apprécier leurs différentes nuances, qualitatives comme artistiques. Outre le bon moment passé sur ces scénarios, c'est aussi la compilation des premières copies d'une artiste qui ne manque pas de talent et qui marquera sa décennie, qu'on aime découvrir. Au-delà de la volonté de surfer sur l'aventure de Tanjirô et des siens, Panini a donc eu raison de nous proposer sans trop attendre le recueil des premiers travaux de Koyoharu Gotôge.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
14.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs