Giacomo Foscari Vol.1 - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 11 Septembre 2013

En 1993, un vieil homme, canne à la main, se promène dans une rue japonaise. Il est étranger, italien pour être précis, et prend encore le temps d'observer ce qui l'entoure alors qu'il habite au Japon depuis 1960. Ainsi croise-t-il inlassablement de nouveaux visages, et, surtout, en retrouve-t-il qui, de fil en aiguille, le replongent dans son passé. Au gré de ces rencontres et petits riens se dresse alors le portrait d'une vie, celle de Giacomo Foscari, italien de naissance, ayant passé toute son enfance en Italie avant de partir enseigner en université au Japon. Témoin de son siècle, il a vu doucement évoluer deux pays : son pays de naissance, l'Italie, et son pays de coeur, le Japon, le premier dans les années 30-40 en pleine guerre et montée du fascisme italien, le deuxième en plein coeur du Tokyo intellectuel des années 60, à une époque où le pays connaissait une émancipation de la jeunesse.

Dieu romain des voleurs (entre autres), Mercure offre son nom à ce premier volume, comme s'il s'amusait lui-même à dresser devant Giacomo, passionné d'antiquité romaine, les petits détails, faits troublants et personnes destinés à le replonger dans les diverses époques de sa vie. Tantôt on suit sa jeunesse, aisée puis plus délicate, partagée entre la crainte du fascisme qui s'immisce jusque dans sa famille, ou son amitié pour le jeune Andrea, fils d'un des serviteurs de son père. Tantôt on se plonge dans ses souvenirs du Tokyo des années 60, au détour de rencontres avec les lettrés de l'époque. Au lecteur, alors, de reconstituer doucement un fil, au gré de différents chapitres se retournant souvent vers le passé.

Les époques ne sont pas toujours clairement posées, se dessinent au gré des souvenirs de Giacomo, et le lecteur devra souvent prendre soin de ne pas se perdre, à moins qu'il se contente de se laisser emporter par la narration posée et les dialogues introspectifs de Mari Yamazaki, dont le principal talent réside ici dans sa faculté de tout raconter, de tout laisser transparaître, sans forcément tout montrer. Si l'on se laisse séduire, l'oeuvre dévoile une richesse insoupçonnée au premier abord, allant des portraits d'époque des deux pays aux goûts les plus personnels de Giacomo (aaaah, la Callas...), en passant par d'autres personnages ayant eu un impact considérable sur notre homme, tel ce jeune serveur du nom de Shusuke Koga.

Et, évidemment, difficile d'échapper au parallèle entre Japon et Italie si cher à l'auteure et déjà pleinement visible dans son oeuvre-phare Thermae Romae. Car au fil de sa découverte du Japon, de son lien fort avec la nature, de ses nombreuses divinités, de ses fêtes traditionnelles, Giacomo se rend également compte de tout ce qui rapproche le Japon de l'époque romaine antique qu'il aime tant. Et lui-même, en tentant de faire découvrir la littérature japonaise aux italiens ou d'initier ses amis japonais aux arts occidentaux comme le chant de Maria Callas, tente constamment de créer un pont entre ses deux pays.

Si certains éléments peuvent rebuter, comme les époques parfois un peu floues, l'aspect un peu bobo ou des petits détails étranges (on nous affirme que Tabe est médecin, puis quelques pages plus loin Giacomo dit à son ami qu'il a bien fait de ne pas devenir médecin, il faudrait savoir), il y a dans Giacomo Foscari une véritable richesse, portée par un personnage central tout à fait unique dans la manière dont il semble avoir assimilé les deux cultures dont il est issu pour en retirer l'essentiel et se construire son propre équilibre. L'éditeur Rue de Sèvre, branche BD de L'école des loisirs qui se lance en ce mois de septembre, s'offre là un joli représentant de ses ambitions, vouées à primer le qualitatif sur le quantitatif et à établir une réelle proximité avec les auteurs et les lecteurs.

A présent, il ne reste plus qu'à attendre patiemment une éventuelle suite, aucun tome 2 n'ayant pour l'instant succédé à ce premier volume sorti au Japon en septembre 2012.


koiwai


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction