Gannibal Vol.13 : Critiques

Shirogane, le "Dieu" que vénéraient les Gotô et entité quasi sacrée de Kuge, n'est plus. Le colosse s'est éteint dans un ultime moment d'humanité, ce qui ne signe pas le retour de la paix pour autant. Les derniers membres du clan Gotô encore en vie sont en proie à de nouveaux excès de violence, recouvrant la nature héréditaire de leurs ancêtres, et menacent Daigo et Keisuke qui étaient parvenus à sauver la petite Mashiro. Pourtant, leur ennemi ultime n'est pas Iwao et sa rage cannibale, mais bien le cercle de la haine qui s'est installé au sein du village, opposant les Gotô aux villageois qui clament vengeance...

Gannibal touche à sa fin avec ce volume 13, un ultime opus auquel l'éditeur Meian attribue les honneurs via une édition collector, l'une des premières de son catalogue aux côtés des tomes 10 de Shigurui et d'Egregor ! Une version exclusive qui se présente comme un petit fourreau souple accueillant le fameux volume agrémenté du chapitre dessiné récemment par Masaaki Ninomiya pour célébrer l'adaptation en drama, ainsi qu'un petit poster dépliant et cinq cartes aux illustrations couleur. Un objet sobre et efficace, qui profite d'une vraie plus-value grâce à l'épisode supplémentaire, sur lequel nous reviendrons en fin de chronique.

Le climax du thriller cannibale se faisait autour des derniers survivants Gotô, de l'effrayant Shirogane, mais surtout autour de Daigo et Keisuke, deux figurent complémentaires dont l'alchimie n'a fait que se renforcer au fil de la série et de ses révélations. Clairement scindé en deux actes décisifs, cet ultime volume mène leur combat à son terme, toujours dans l'intensité et en réservant des moments chargés en émotion, ce entre deux rebondissements. Car de bout en bout, le mangaka conserve son goût du suspense, laissant incertain le dénouement jusqu'à la toute dernière page. Masaaki Ninomiya a un véritable génie pour le feuilleton haletant improvisé, sa trame n'ayant pas été précisément conçue à l'avance, si bien qu'il nous offre une conclusion ferme autour de l'histoire des Gotô, tout en nous offrant un dernier rebondissement qui permettra sans doute une nouvelle vision d'ensemble, sur une relecture totale de la série.

Et au-delà du suspense, c'est le champ symbolique et thématique du manga qui trouve une conclusion particulièrement forte. Ainsi, c'est en se centrant sur la chaîne incassable de la haine et des conflits que l'histoire de Gannibal se clôt, une idée forte puisque cet engrenage vicieux a trouvé sa forme par la relation entre le clan Gotô et les villageois qui ont toujours dû se soumettre à leur joug. L'idée est donc pertinente et son exécution brillante, peut-être un poil naïve étant donné la brutalité permanente du récit depuis ses débuts, mais qui gagne encore en nuance à travers le rebondissement final. Chacun sera libre d'interpréter ces derniers instants selon son optique, et nous resterons admiratifs devant cette écriture habile qui parvient à conclure son intrigue en laissant un peu d'ouverture, tout en nous guidant vers un chemin de réflexion en nous incitant à nous poser nos propres interrogations.

Vient alors le chapitre bonus, qui fait le choix de se centrer sur l'un des villageois impliqués dans le drame de Kuge. L'idée d'un focus parallèle et détaché de la trame directe est assez habile tant elle permet de développer davantage l'environnement malsain de Kuge, tout en n'empiétant pas sur la finalité de ce dernier tome.

De bout en bout, Gannibal nous aura scotchés, fait frissonner et captivés. L'histoire de Daigo Agawa et sa lutte pour la survie des siens se terminent en apothéose, via une montée en puissance constante à laquelle s'ajoute un zeste de poésie. Et si l'auteur pouvait se casser les dents en offrant le classique rebondissement final, laissant une certaine ouverture, il n'en est rien, et tout se répond impeccablement. S'il fallait le redire, encore une fois, Gannibal est incontestablement l'un des mangas thrillers les plus brillants à nous avoir été proposé ces dernières années. On espère revoir Masaaki Ninomiya prochainement, que ce soit par une nouvelle série ou la publication de l'un de ses travaux passés.