Front Mission - Dog Life and Dog Style Vol.1 - Actualité manga

Front Mission - Dog Life and Dog Style Vol.1 : Critiques

Front Mission - Dog Life and Dog Style

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 27 Janvier 2012

En 2090, l'île d'Huffman, située en plein océan Pacifique, est occupée par deux superpuissances. A l'est, l'USN, alliance des pays d'Amérique formée par les Etats-Unis. A l'ouest, l'OCU, regroupant les pays d'Asie du sud-est et du Pacifique sous l'égide du Japon. Chacun des deux occupants convoite le territoire de l'autre, l'île d'Huffman regorgeant de richesses naturelles. Après un premier conflit armé qui s'est calmé il y a une vingtaine d'années, une sorte de guerre froide s'est installée sous la forme d'une cessez-le-feu fragile. Quand le journaliste Akira Matsuda est sommé de se rendre sur l'île pour couvrir ce conflit en compagnie d'une équipe de télévision japonaise, il est loin de se douter que la guerre est sur le point d'éclater à nouveau...

A l'origine de Front Mission - Dog Life & Dog Style, se trouve une populaire série de jeux vidéo. Pour cette adaptation, on retrouve au scénario un nom loin d'être inconnu, puisqu'il s'agit de Yasuo Otagaki, auteur de l'excellent mais malheureux Moonlight Mile. Quant aux dessins, ils nous donnent l'occasion de découvrir C.H. Line.
Après la saga des Tales of, les éditions Ki-oon poursuivent donc sur la voie des adaptations de jeux. Pourtant, ne vous laissez pas avoir, car Front Mission n'est pas une adaptation comme les autres.

Cela, il ne faut pas longtemps pour le comprendre : dès les premières pages, qui constituent une sorte de mise en bouche crue de ce que la guerre peut montrer de plus ignoble, le ton est donné. Puis les auteurs nous invitent à suivre ce qui constitue une première partie de l'oeuvre, centrée sur l'arrivée du journaliste Akira Matsuda, sur les rencontres qu'il va faire, puis sur la reprise de la guerre après 20 années de calme précaire.
L'arrivée d'Akira sur l'île constitue une excellente occasion de découvrir en même temps que lui les enjeux de la guerre : les richesses naturelles de l'île, mais pas seulement. Avec une grande clarté, les auteurs posent les bases de leur récit, présentent le contexte et, après une soixantaine de pages, nous plongent brusquement dans l'enfer de la guerre.

La grande force du récit, c'est que cette guerre, nous la vivrons pleinement de l'intérieur, dans un premier temps aux côtés d'Akira. Le récit nous propulse en compagnie des personnages pour une immersion totale, au coeur du conflit, dont on voit ici les prémisses et les premiers effets. Pour accentuer l'immersion, on peut compter sur le coup de crayon de C.H. Line, offrant des gueules charismatiques et expressives, et, surtout, des décors omniprésents et se voulant réalistes, malgré le contexte un peu futuriste. Ainsi trouvera-t-on par exemple, en guise d'armes de guerre, des Wanzers, sortes de robots géants, qui viennent fort bien s'intégrer dans le récit sans se faire trop présents. Dense et impressionnant, le coup de crayon est également parfait pour faire ressortir la brutalité du conflit quand il le faut, et ce dès l'arrivée sur la ville du missile qui déclenchera la guerre. C.H. Line enchaîne des moments-choc, des drames imprévisibles sublimés par une mise en scène inspirée, et la violence ainsi que l'action sont donc de la partie sans pour autant être étalés sur des dizaines de pages. Les choses arrivent quand il le faut, brusquement, pour déstabiliser le lecteur et apporter un rythme certain.

En somme, les qualités narratives et visuelles sont au rendez-vous. Rapidement, Front Mission nous plonge dans son enfer, et personne n'en ressortira indemne. Pour autant, n'allez pas croire que l'on a ici un simple manga de guerre. Quand on connaît le passif d'Otagaki sur Moonlight Mile, on se doute très bien qu'un véritable propos se situera derrière, et c'est bel et bien une histoire d'une grande richesse que l'on découvre petit à petit. On le devine rapidement face à la mise en place du contexte géopolitique de l'île, et l'on ne cessera jamais d'être agréablement surpris par la pertinence du propos d'Otagaki, qui décrit la guerre avec un réalisme saisissant. On comprend très vite que les tensions sont si grandes entre les deux superpuissances qu'il ne suffira que d'une étincelle pour que tout s'embrase. De même, on devine un récit destiné à se découper autour de plusieurs personnages, le journaliste Akira Matsuda laissant sa place dans les deux derniers chapitres à Kanô, un sous-lieutenant des forces de défense japonaises, pour une vision encore plus rapprochée du conflit. Au fil des personnages que l'on croise, ce sont autant de sujets qu'Otagaki met en avant, autant de méfaits que peut provoquer la guerre. D'un côté, on découvre le rôle des journalistes dans ce genre de conflit, rôles pouvant varier. Ainsi, si Akira tend à laisser parler ses émotions avant tout, on découvre en son assistant Kenichi Inuzuka un homme dont la passion pour l'armée tend à le placer dans un rôle d'indifférence, son envie d'offrir des images toujours plus folles finissant par tourner au malsain. D'un autre côté, un personnage comme Leona, envoyée spéciale de la télévision, tend à mettre en avant la cruauté et la brutalité avec laquelle la guerre peut briser des familles. D'un autre côté encore, on voit par l'intermédiaire de Kanô un exemple de patriotisme, et on voit jusqu'à quels supplices un tel comportement peut aller. Dans tous les cas, on a des personnages bien pensés, reflétant tous des réalités de la guerre. Les réflexions des protagonistes sont bourrées de vérités un peu dérangeantes, à l'image de celle affirmant qu'un conflit que l'on ne vit pas nous-même ne nous touche pas, nous laisse indifférent.

Tout ceci sous couverture d'une narration totalement neutre. Pas question pour Otagaki de prendre parti pour l'une des deux puissances, là n'est pas le sujet. Simplement, via des dialogues jamais de trop, des pensées justes, un coup de crayon dense, brutal et totalement immersif, les auteurs nous plongent réellement aux côtés des acteurs de la guerre, pris dans cet engrenage dont ils ne ressortiront pas indemnes. Il n'y a pas un personnage central, il y en a plusieurs, et nul doute que le récit continuera de nous en présenter par la suite. Mais au final, on en arrive surtout à constater que le personnage principal, c'est la guerre elle-même.

Plus qu'une simple adaptation de jeu vidéo, Front Mission - Dog Life & Dog Style nous offre une plongée immersive, intelligente, brute et sans concession dans le monde de la guerre. Otagaki transcende l'oeuvre dont il s'inspire pour apporter sa propre patte et nous offrir un manga-choc, qui a tout d'un futur grand.

Rien à redire du côté de l'édition.


Koiwai


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs