Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 15 Novembre 2022
Le pan manga des éditions Panini entretient indéniablement une politique d'auteurs, en publiant notamment des œuvres d'Akimi Yoshida, ou Tsutomu Takahashi, pour ne citer qu'eux. S'il s'agit de figures de renom, cette politique est aussi valable pour les « petits nouveaux » à intégrer l'écurie Panini. C'est le cas de Mosae Nohara qui nous revient après BEM avec sa dernière série en date.
From the Red Fog, c'est un récit publié au Japon depuis 2020 dans le G-Fantasy des éditions Square Enix, et qui dénombre actuellement 4 volumes au Japon (le cinquième étant sur le point de paraître à l'heure où ces lignes sont écrites). Après un manga altruiste, l'autrice nous propose cette fois une œuvre sombre et sanglante dans laquelle le protagoniste n'a rien d'une figure apte à s'attirer notre empathie...
L'histoire est celle de Ruwanda, dans une Angleterre du XIXe siècle. Durant toute son enfance, le garçon a été séquestré par sa noble mère aux élans psychopathe, profitant de son rejeton pour s'occuper des cadavres qu'elle laissait derrière elle. Au fil du temps, le garçonnet a développé une fascination pour le sang et le meurtre, au point de devenir ses seuls désirs de vie. Quand sa mère est mise aux arrêts, Ruwanda en profite pour s'échapper. Livré à lui-même, c'est en adoptant un double visage qu'il devra survivre : Face au commun des mortels, il est un adolescent sage et souriant, mais il suffit d'un instant d'égarement d'un individu ordinaire pour que celui-ci devienne la proie de cet être qui se rassasie par le meurtre.
Un synopsis bien morbide, donc, pour un premier opus qui l'est tout autant, et surtout sur ses deux premiers chapitres. Mosae Nohara n'a pas l'intention de laisser son lecteur dans un état de quiétude, ce qui se sent tant par l'esthétique macabre que dégage ici son trait que par moult personnages aux fascinations glauques, dont les loisirs jonglent entre la torture et le meurtre d'espèces vivantes. D'emblée, From the Red Fog s'annonce comme un titre à ne pas mettre entre toutes les mains, et à réserver à un lectorat mûr en quête de sensations fortes. Et même pour cette part, le début du récit peut vite montrer des limites, tant parce que les profils de personnages instables se multiplient et parce que les deux premiers épisodes n'ont pas pour ambition de remettre en question leurs agissements... ou presque. Pourtant, laisser une chance à ce tome dans son entièreté est peut-être essentiel pour saisir tout le potentiel de la série.
Sur sa deuxième moitié, le volet trouve un meilleur équilibre et plus de nuances. Tandis que des personnages plus modérés entrent en scène, c'est tout un cadre de crime organisé qui s'installe, de quoi donner un meilleur environnement à Ruwanda pour évoluer. Dès lors, l'autrice trouve de bonnes idées pour étoffer son scénario. Car l'un des pièges que devait éviter l'œuvre, c'est bien de tomber dans une banale surenchère du morbide sans aucun fond, ce que la fin de l'ouvrage permet d'éviter. À ceci s'ajoutent donc quelques enjeux narratifs qui viennent compléter l'unique nuance du protagoniste dévoilée dans le premier chapitre : Ce dernier est volontairement criminel et sans morale, mais les choses pourraient bien changer selon les volumes futurs. Certains personnages liés à lui sont encore en vie, et il suffit de jeter un œil aux couvertures des tomes parus au Japon pour comprendre qu'ils auront un intérêt par la suite.
Alors, c'est bien en se détachant du macabre gratuit que From the Red Frog trouve une meilleure voie, le tout servi par la patte très noire de la mangaka. Un premier tome dérangeant au départ, mais qui parvient finalement à trouver un intérêt narratif et thématique au fil des chapitres. On est donc tentés de laisser sa chance au récit qui, s'il est bien développé, a de quoi satisfaire.
Côté édition, Panini sert une copie tout à fait convenable. On saluera notamment le lettrage équilibré de Lara Iacucci ainsi que la traduction efficace dans le ton d'Akiko Indei et Pierre Fernande.