Freesia Vol.1 : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 02 Avril 2010

"Ce travail ne peut être accompli que par des prédateurs."


Le Japon a perdu la raison. En faisant face dans une guerre contre une force impérialiste chrétienne, les jeunes de la nouvelle génération deviennent pour la plupart anarchistes. Afin de concentrer ses forces et de remettre en place un certain ordre, le gouvernement décide d'appliquer une loi pour la légalisation et l'application assistée de la vengeance personnelle. Elle doit alors engager de nombreux exécutants, et Hiroshi Kano est l'un d'entre eux. Le jeune homme acceptera cet emploi tout naturellement. Risque-t-il de sombrer dans la démence ? Non, car Hiroshi est déjà particulièrement fou à la base...


Nouveau seinen du label Kaze Seinen, Freesia fera immanquablement penser à son grand frère Ikigami, chez le même éditeur. En effet, les deux œuvres partagent ce concept de régulation de la criminalité d'une société en crise par une application arbitraire de la peine capitale. Mais là où Ikigami joue sur la carte d'une roulette russe à l'échelle de la population, Fressia revient à une logique plus classique dans le manga : la Vengeance. Dans le Japon dépeint par Jiro Matsumoto, si les criminels doivent bien répondre de leurs actes devant la loi, ils doivent également subir le courroux des familles de leurs victimes. Ils peuvent, s'ils le désirent, faire appel à un vengeur assermenté. A partir de là, le procédé ressemble à nouveau au titre de Motoro Mase, avec une annonce au préalable de la future sentence avant que le bourreau n'arrive. A ceci près que la future victime peut lutter contre le sort en faisant appel à des protecteurs, pouvant être commis d'office. Ainsi, après avoir subi la justice de l'Etat, le meurtrier devra subir la justice de la rue !


On pourait alors s'attendre à ce que la série nous joue la carte d'un gunfight vulgaire entre vengeurs et protecteurs, mais le point de vue de l'auteur est beaucoup plus réalise, car tout ce beau monde est bien souvent corrompu. Un réalisme qui se ressent tout au long de la narration : Freesia est une œuvre qui ne nous épargne rien, qu'il s'agisse du réalisme de la violence des scènes de meurtre, mais également des nombreuses scènes de sexe disséminées dans le volume. Volume qui s'ouvre d'ailleurs sur un viol, vous êtes prévenus ! Mais cette cruauté n'est pas pour autant gratuite, et nous fait ressentir tout le malaise de ce Japon en crise face à une force impérialiste chrétien (on se demande bien qui est visé...) et qui perd ses repères. 


Pour faire appliquer cette loi implacable, il fallait bien des protagonistes particulièrement fêlés, et nous sommes bien servis, au vu des différents psychopathes qui trouvent alors un alibi pour assouvir leurs pulsions ! Le héros, Hiroshi, est d'ailleurs particulièrement dérangé, à la limite de l'autisme. Très souvent, on le voit dialoguer dans un restaurant avec des interlocuteurs imaginaires, images de ses regrets passés. Particulièrement antipathique, il ne ressent aucune émotion lorsqu'il s'agit de tuer, où lorsqu'il voit sa copine s'ébattre avec un autre homme. En contrepartie, il possède également un don mystérieux lui permettant de ressentir le danger. Mais au final, on en sait encore assez peu sur ce personnage, et sans lui offrir de l'attachement, son caractère intrigue particulièrement le lecteur. 


Le malaise se ressent également dans le dessin, qui fera surement s'éloigner une grande tranche du lectorat. En effet, à l'image de la société repoussante qui est dépeinte, le trait se veut sale, très sombre et mal défini. Les personnages ont un côté crayonné, parfois complètement brouillon, avec une accumulation de traits dans tous les sens. Les expressions semblent parfois vides, ou au contraire exagérées. Un parti pris graphique audacieux, qui ne plaira pas à tout le monde, c'est une évidence. Mais l'oeuvre aurait-elle pu faire passer son message autrement ? Pour le reste, rien à signaler au niveau de l'édition offerte par Kaze Manga, si ce n'est la censure dans les scènes de sexe, censure qui devait surement être présente à l'origine. Si l'avertissement sur le contenu explicite du volume se fait discret en quatrième de couverture, l'emballage sous cellophane est quant à lui pour le moins justifié !


Freesia a donc tout pour suivre les traces de titres comme Ikigami ou Ushijima, en présentant un Japon en crise et une régulation de la violence par des lois implacables. Cependant, ce premier tome nous laisse quand même un peu sur notre faim, pour peu que le dégout de l'œuvre n'ait pas coupé l'appétit ! En effet, une seule histoire de vengeance est développée ici, en prenant son temps, et les personnages principaux ne se dévoilent pas suffisamment, même si la révélation des dernières pages est plutôt déroutante et laisse entrevoir des pistes intéressantes. Un titre prometteur, mais qui ne plaira surement pas à tout le monde, au vu de la cruauté qu'il exprime, et de son trait maladroit. Mais que l'on aime ou que l'on déteste, ce titre ne pourra pas laisser de marbre.


Tianjun


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Tianjun
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs