Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 07 Janvier 2025
Créateur du plus populaire des mangas à la française avec le phénomène Dreamland (qui connaît même, désormais, une publication au japon depuis quelques mois), Reno Lemaire n'est plus à présenter, et les différents projets qui lui sont liés ont toujours de quoi susciter toute l'attention de ses nombreux fans, des versions revues des tomes de Dreamland jusqu'à la future adaptation animée en passant par le très généreux artbook de la série. L'artiste n'est donc pas du genre à chômer, on sait que les idées foisonnent dans son esprit, et c'est précisément cela qui a fini par donner naissance à une toute nouvelle série, lancée dans la collection shônen de Pika Edition en octobre dernier.
Oeuvre d'aventure n'ayant rien à voir avec Dreamland, Free Quest est un projet que Reno Lemaire murissait depuis quelques années dans sa tête, mais sans vraiment avoir le temps de s'en occuper pleinement, tant les projets autour de Dreamland lui prennent déjà beaucoup de temps. C'est ce qui l'a décidé a finalement chercher un artiste pour mettre pleinement en images cette histoire, et son dévolu s'est jeté sur Néo, un auteur qui avait, auparavant, déjà signé plusieurs œuvres sur des sites de publications en ligne, notamment FrostXFire sur le magazine en ligne Saturday AM et le webtoon DevilUp sur la plateforme Voyceme. La collaboration entre les deux artistes semble d'ailleurs se faire parfaitement en osmose puisqu'il ne s'agit pas d'une classique collaboration scénariste/dessinateurs mais bien d'une collaboration auteur/auteur: même si Reno élabore l'histoire et les storyboards, Néo est libre dans tout le reste et peut aussi changer des points de vue du storyboard, chacun des deux artistes ayant alors un vrai rôle créatif. Mais tout ça, vous pouvez le découvrir plus en détails dans l'interview des deux auteurs qui est présente en fin de ce tome 1 et qui, sur neuf pages, permet d'apprendre tout ce qu'il faut sur la genèse du projet et sur la collaboration entre les deux artistes.
Free Quest est donc un récit d'aventure dans un monde fictif fantastique où cohabitent nombre d'êtres hybrides qui, pour certains, ont des pouvoirs puissants. C'est le cas du roi Mimas qui, sur sa petite île justement nommée Little Island, exerce avec assurance son pouvoir de l'alpha, une capacité qui suffit à faire trembler quiconque est à proximité de lui, et dont il se sert pour régner avec cruauté et pour assouvir sa soif de combats sur les habitants. Il existe néanmoins de très rares personnes capables de résister à se pouvoir, qui ne se dégonflent alors pas en présence du roi, et c'est le cas de la jeune Théna. Avec son petit gabarit tout fin, ses longues oreilles pointues, sa queue de "diablesse" et ses nattes, cette adolescente pourrait ne pas payer de mine dans cet univers où elle vit, comme plusieurs autres enfants, avec ses "tantes" Mô (qui lui apprend à manier l'épée) et Bé. Et pourtant, cette apprentie bretteuse déjà talentueuse est du genre à être très courageuse, téméraire et assoiffée d'aventures, si bien qu'elle rêve de quitter un jour sa petite île pour découvrir le vaste monde. Entourée de proches facilement charismatiques (Mô pète la classe, c'est tout), Théna est le genre de petite fonceuse énergique systématiquement attachante, dont on suivra alors à coup sûr le parcours avec intérêt. Mais si la jeune fille rêve d'une vie d'aventures, elle ne s'attendait pas forcément à ce que celle-ci démarre dans des circonstances difficiles, dès lors qu'elle sauve du danger un mystérieux enfant errant sur l'île on ne sait pourquoi ni comment. Constamment mutique, ayant toujours la même expression, et résistant totalement au pouvoir de l'alpha de Mimas, ce jeune garçon attire inévitablement l'attention du roi, signant alors le début des ennuis... et des péripéties !
A partir de là, nous allons éviter de dire quoi que ce soit de plus sur le déroulement scénaristique de ce premier volume, tant beaucoup de choses reposent sur un certain coup de théâtre voué à lancer réellement l'aventure, la grande. Ce que l'on peut, en revanche, souligner sans problème, c'est que les débuts de Free Quest répondent en tous points à ce que l'on peut attendre du commencement d'un bon récit d'aventure ou d'un bon RPG: un univers de fantasy avec son lot de lieux typiques, d'êtres peu communs et de dangers, une héroïne pleine de peps avec sa soif de découvrir le monde et de vivre moult péripéties, un départ sur un petit ilot pour ensuite mieux laisser envisager un vaste univers aux multiples possibilités... sans oublier une dose de mystère déjà bien présente, que ce soit autour de la capacité de Théna de résister au pouvoir de l'alpha, et surtout des énigmes concernant les particularités vraiment hors du commun de jeune garçon qu'elle a sauvé.
Et pour faire honneur à cet univers sur le plan graphique, Reno Lemaire a sans aucun doute misé sur le bon cheval avec Néo, auteur qui, avec son trait expressif et plein d'énergie, s'en donne à coeur joie pour donner vie et consistance à Free Quest. Bien sûr, le côté hybride des êtres peuplant ce monde est un prétexte parfait pour imaginer nombre de designs très variés, avec des personnages pouvant avoir autant des allures pleinement ou partiellement humaines que des traits plus animaliers. Mais il faut aussi saluer le soin accordé, quand il le faut, à des décors et paysages assez prometteurs, laissant déjà planer là aussi pas mal de diversité dans les environnements. Enfin, en plus d'un découpage et de cadrages fluides et vivants, on a droit à des premières scènes d'action certes courtes mais laissant deviner un fort potentiel, au vu de leur clarté et de leur intensité sur l'instant.
A l'arrivée, ce premier volume de Free Quest n'a aucune difficulté à être prenant, en tant que divertissement d'aventure typique du genre, avec tout ce qu'il faut de bons ingrédients classiques et bien dosés afin de susciter très facilement notre curiosité et notre entrain. L'alliance entre Reno Lemaire et Néo est plus que prometteuse !
Côté édition, après huit premières pages en couleurs très sympathiques, on découvre une qualité d'impression très honnête sur un papier souple et assez opaque, ainsi qu'un travail de lettrage très propre de la part de Nord Compo et une maquette de couverture joliment pensée par Tom "spAde" Bertrand. Enfin, soulignons que l'éditeur a tenu à bien mettre à l'honneur la série puisque, en plus de la longue interview que nous évoquions plus haut, on a également droit ici à une jaquette alternative réversible.