Fragments d'elles Vol.1 - Actualité manga
Fragments d'elles Vol.1 - Manga

Fragments d'elles Vol.1 : Critiques

Soredemo boku ha kimi ga suki

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 03 Septembre 2021

En à peine une petite dizaine d'années de carrière, Nao Emoto est une mangaka qui a su se faire une jolie réputation, notamment grâce à un style visuel particulièrement beau, expressif mais également empreint de douceur et de mélancolie. Si bien que l'auteur de cette chronique doit avouer qu'il espérait pouvoir la lire un jour en langue française depuis quelques années... Et c'est désormais chose faite depuis fin août grâce à Pika Edition. En attendant de voir si nous aurons un jour droit à son manga le plus emblématique O Maidens in Your Savage Season (adapté en 2019 en un anime malheureusement resté inédit en France), ou même au récent Josee, The Tiger and the Fish où elle adapte le roman éponyme (en plus d'avoir signé le character design de la récente adaptation en film d'animation), sans oublier Shinhonkaku Mahou Shoujo Risuka lancé cette année et où elle adapte un light novel du célèbre NisiOisiN, Pika commence assez logiquement par la publication de la toute première série de sa carrière.

De son nom original Soredemo Boku wa Kimi ga Suki (littéralement "Je t'aime quand même"), Fragments d'elles est une série bouclée en 7 volumes qui fut, prépubliée au Japon de 2013 à 2016, tout d'abord dans le mensuel Bessatsu Shônen Magazine, avant d'être transférée en cours de route dans l'hebdomadaire Shônen Magazine. Nao Emoto y adapte Mazimen!, un roman de l'autrice taïwanaise Mag Hsu paru en 2011.

Tout commence, dans le premier chapitre, par la découverte de notre héros, Yusuke Serizawa, alors qu'il est au collège. Adolescent suivant le mouvement, il fait partie d'une petite bande qui vaque à diverses occupations des jeunes de son âge, y compris les plus cruelles, comme quand tous se moquent de "Nobuta", une camarade de classe qui, de par son allure austère, son côté solitaire et sa façon de passer tout son temps à la bibliothèque, est une cible idéale. Quand ses potes lui donnent pour gage d'aller demander son numéro à cette fille, Yusuke n'est pas réjoui, mais risque bien de se rapprocher d'elle bien plus qu'il ne le pensait. Il découvrira une jeune fille simplement timide mais également gentille, douce, passionnée par la lecture, et bien plus mignonne que ne le laisse penser son apparence "ringarde". De fil en aiguille, un lien assez rapproché se crée entre eux deux, au point que Yusuke vient régulièrement la revoir pour partager de bons moments avec elle. Mais face aux moqueries de ceux qui se disent ses "amis", le jeune garçon finira par avoir, face à elle, la plus cruelle et blessante des réactions. La première d'une apparemment longue série...

Car Yusuke est désormais adulte, et travaille en tant qu'apprenti dans un cabinet d'avocats. Bien du temps est donc passé depuis le collège. Et au fil des années, des relations amoureuses, il en a eu plusieurs, qui se sont à chaque fois mal terminées. Un jour, alors qu'il rentre de travail, il a un accident de scooter, ayant tout juste le temps d'apercevoir non loin de là une silhouette féminine qu'il a le sentiment de connaître. A son réveil à l'hôpital, il apprend que la femme aperçue est celle qui a appelé l'ambulance. Yusuke met alors tout en oeuvre pour la retrouver, mais quand bien même il obtient son numéro de téléphone, il ne sait toujours pas qui elle est, mais est persuadé qu'il s'agit de l'une des filles avec qui il a eu une relation au cours de sa vie. En attendant de pouvoir la revoir, il entreprend alors de rassembler ses souvenirs, de se remémorer toutes ses précédentes relations, qui seront autant de remises en question pour lui face aux actes manqués...

Une fois passé le premier chapitre introductif vraiment très joliment mené (impossible de ne pas trouver "Nobuta" attachante, de ne pas avoir de la peine pour elle face à la cruauté adolescente, et de ne pas avoir envie de mettre quelques claques à Yusuke et à ses soi-disant "amis", ce qui est voulu), le schéma dans lequel s'engage le récit est alors tout trouvé et très simple: à tour de rôle, notre héros va devoir se rappeler de ses relations passées, de la façon dont elles ont vu le jour, de la manière dont elles se sont achevées, avec deux premiers cas dans ce premier volume.

On commence tout d'abord par découvrir celle qui fut la toute première petite amie de Yusuke quand il était au début du lycée: une belle jeune lycéenne étrangère, avec qui le premier contact ne fut pas facile tant elle peut être colérique et frapper avant de parler. Mais au-delà côté "furie" de cette jolie blonde et ses difficultés à s'exprimer en japonais, Yusuke, tombé petit à petit amoureux, tâchera de faire autant d'efforts possibles pour converser avec elle en apprenant l'anglais, pour la sortir de la solitude qui semble la ronger, elle qu'il ne voit jamais sourire. L'histoire d'amour présentée ici est vraiment rapide, un brin idéalisée pour paraître plus belle et donc touchante, et donc plutôt classique, d'autant qu'en seulement quelques chapitres Nao Emoto doit aller à l'essentiel. Mais l'ensemble est bien mené, on en cerne efficacement toutes les grandes étapes, on voit bien les efforts de Yusuke... avant qu'une situation inévitable et quelques paroles malheureuses ne viennent tout briser.

Quant au deuxième cas, il faudra attendre de voir sur quoi il aboutira dans le tome 2, mais pour le moment il nous plonge efficacement à l'époque où Yusuke, en dernière année de lycée, se rapprocha de sa jeune prof de cours du soir, surnommée "Hermès", étudiante d'université elle aussi magnifique (forcément) et qui, derrière son côté distant et ses vêtements de marque qui lui valent d'être peu appréciée par ses élèves, cache surtout un bon fond, un rêve de devenir enseignante, mais une difficulté à trouver comment se comporter et à ne pas être mal à l'aise en public. De confidence en confidence, Yusuke lui permettra-t-il d'acquérir plus de confiance en elle pour améliorer ses cours ?

On ne va pas le cacher, chacune des histoires d'amour de Yusuke risque d'être plutôt classique,d 'autant plus que Nao Emoto ne pourra jamais s'attarder longuement dessus puisque la série est bouclée en 7 volumes. Mais cela n'empêche pas les premiers cas d'être vraiment bien narrés, clairs, facilement touchants, non seulement parce que la mangaka a à coeur d'évoquer les grandes facettes de chacune de ses héroïnes qui apparaissent alors suffisamment profondes, mais aussi parce que sa patte visuelle fait de véritable merveilles pour faire ressortir les émotions contenues, la mélancolie, le côté doux-amer, la douceur des liens qui se bâtissent, la tristesse des moments où ils partent en vrille. Pour ça, le trait rond d'Emoto, l'aspect légèrement tremblotant de ses regards, ses ombrages et certains choix de mise en scène sont vraiment efficaces.

Et puis, surtout, l'essentiel est sans doute encore ailleurs: au fur et à mesure de ses réminiscences, de ses actes manqués, de ses échecs amoureux passés, Yusuke effectue un gros travail sur lui. Il sait bien à quel point il a parfois pu être un salaud, être blessant, être immature, au point de s'en sentir encore coupable aujourd'hui, peut-être même un peu trop dans certains cas. Il réfléchit alors pour comprendre, pour évoluer, en se remémorant toutes ces relations qui, quelque part, ont fait de lui ce qu'il est devenu. Retracer ainsi son parcours ainsi que celui de ses ex promet alors de l'éclairer en profondeur. Et son sent bien que, déjà, il évolue, qu'aucune de ces relations n'a été vaine, comme quand il puise dans ses actes manqués avec la "furie" pour, dans le présent, conseiller à une femme de vite se réconcilier et s'expliquer avec son fiancé pour ne rien regretter.

Fragments d'elles commence alors de fort jolie manière. Au-delà de l'aspect plutôt classique des cas de ce premier tome, Nao Emoto a un don pour sublimer visuellement et narrativement chaque étape, ce qui fait ressortir d'autant mieux les grands sujets de l'oeuvre. On attendra donc de voir comment la série se développera et abordera les cas suivants, mais dans l'immédiat on a droit à une entrée en matière pleine de promesses.

Concernant l'édition française, Pika Edition nous offre quelque chose de standard. Dépourvue du moindre effet (pas de vernis ni quoi que ce soit), la jaquette reste sobre et met simplement en avant le visage doux de l'une des filles ayant marqué la vie de Yusuke, le tout avec un logo-titre tout aussi simple bien que soigné avec ses effets fragmentés. A l'intérieur, on a droit au papier légèrement crème assez régulier chez l'éditeur, et doté d'une certaine souplesse. L'impression est honnête sans être impeccable, et la traduction de Soizic Schoonbroodt est assez convaincante.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs