Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 21 Juillet 2022
Hirota, Chima et le chat Shachô continuent de se confronter à divers cas de flows bien différents. Ici, un agent de police voit surgir temporairement un "doppelgänger" de lui-même qui l'aide à accomplir son travail et à s'occuper de son fis avant de s'éclipser soudainement. Là, un quartier se met à flotter sur la mer, et deux de ses habitants décident d'y rester pour s'occuper des chats errants en attendant que la situation revienne naturellement à la normale. Puis des poissons se retrouvent à nager en l'air dans la forêt du sanctuaire, et l'appartement d'une famille en difficulté change de place pour se retrouver en pleine montagne avant de faire une "fugue".
L'ultime salve de cas de flows, ces événements surnaturels venant doucement perturber temporairement notre réalité de diverses manières, s'avère une nouvelle fois bien variée de la part de Yuki Urushibara, et permettent jusqu'au bout à la mangaka de se faire plaisir dans ce qu'elle préfère: le dessin de paysages citadins ou plus naturels délicieux, qu'elle se plaît à distordre légèrement pour laisser vagabonder sa pointe de fantastique. mais si l'on se régale toujours autant de la pure patte visuelle de l'autrice, le fond n'en est pas négligé pour autant. Non seulement parce que l'origine des flows puise souvent dans les petites problèmes des personnages concernés pour mieux transmettre leurs petits tourments (un enfant qui veut passer plus de temps avec son père, une femme qui cherche à fuir la réalité et à se couper de celle-ci alors qu'elle est toujours célibataire à 40 ans, un chat qui a juste faim, une famille en pleine mésentente...). Mais aussi parce que ces événements sortant de l'ordinaire ont des conséquences toujours aussi diverses: certains flows sont plutôt bénéfiques alors que d'autres pourraient devenir dangereux, et s'il est possible d'en résoudre certains il y en a d'autres pour lesquels on ne peut qu'attendre que tout revienne à la normale. Le "mot de la fin" viendra alors, peut-être, du prêtre du sanctuaire, ce fameux "rival" de Hirota, quand il dit que que ces phénomènes flottants sont une partie de ce monde et que les voir disparaître ne serait pas forcément bénéfique. Il faut les accepter, vivre avec car ils font partie de la nature, et en cela l'idée se rapproche pas mal de celle des mushis de Mushishi, la série la plus longue et la plus emblématique d'Urushibara.
Mais cette fin de série, précisément, quelle est-elle ? Eh bien, il faut attendre le dernier tiers du tome, correspondant aux deux derniers chapitres, pour la découvrir, au fil d'un dernier cas qui, cette fois-ci, implique directement Hirota dès lors qu'il disparaît. Où est-il passé ? Chima pourra-t-elle le retrouver ? Les réponses qui se dessinent sont intéressantes, tout d'abord parce qu'elles offrent quelques surprises bienvenues sur Hirota lui-même, sur ses origines, et sur le monde de la série, mais aussi parce que des réponses suffisantes sont apportées sur ce que sont les flows et sur les raisons du rajeunissement de Chima. Pour autant, hors de question pour la mangaka de se dépareiller de l'ambiance typique de son oeuvre pour le final, cette conclusion ouverte traduisant joliment la place que Chima a trouvé auprès de Hirota et de Shachô.
Toujours aussi maîtresse de son petit univers, de ce genre d'atmosphère où le surnaturel s'immisce doucement dans la réalité, et de son goût pour la penture de captivants paysages, Urushibara offre un final convaincant à cette courte série appréciable, en restant fidèle jusqu'au bout à ce qu'elle a voulu faire, et en nous laissant sur une conclusion ouverte juste comme il faut. Les oeuvres de cette autrice sont décidément toujours un régal, un petit plaisir à part.