Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 13 Décembre 2023
"Au fond, que le monde entier s'effondre, on l'a tous souhaité au moins une fois, non ?"
Au bout d'un troisième volume aussi intense que dramatique, Lightning Volt et Thunder Girl, les deux héros de la ville, sont considérés comme morts, quand bien même le cadavre de cette dernière n'a pas été retrouvé. Et il en est de même pour l'horrible commissaire et son épouse, assassinés par leur propre fille Akari qui n'en pouvait plus. Depuis, le trio EVOL semble un peu plus pris au sérieux par les autorité, mais aussi voire surtout par un mouvement qui est né derrière eux: nombre de jeunes martyrisés au quotidien par ce monde pourri ont décidé de les suivre, même si nos trois personnages principaux ne leur ont rien demandé. Tandis que Nozomi semble faire figure de leader du mouvement, que Sakura apparaît à leurs côtés de temps à autre et qu'Akari reste enfermée dans sa cuve, cette jeunesse en plein mal-être laisse parler sa rage envers ce monde. Que ces gosses aient été maltraités, délaissés ou rabaissés, ils semblent à peu près unis pour détruire et piller. Mais ont-ils tous la même haine envers le monde que nos trois personnages principaux, ou se rétracteront-ils au moindre danger sérieux ? La réponse pourrait bien se dessiner avec l'arrivée en ville de deux nouveaux héros très connus et issus visiblement d'une organisation plus importante, en laissant alors planer l'ombre d'un nouvel ennemi plus ample pour les EVOL...
L'essentiel de ce quatrième tome, toujours porté par une atmosphère de chaos, de destruction et de drame particulièrement bien rendue par le travail visuel de Kaneko, joue alors sur cette entrée en scène des nouveaux héros que sont Dark et Bright alias les Hell Eaters, et sur le durcissement des actions policières pour arrêter ceux qui sont considérés comme les méchants, pour un résultat très impactant, et cela pour deux raisons.
D'un côté, les réactions assez diverses des jeunes ayant décidé de suivre les EVOL: certains veulent fuir et arrêter, d'autres vont jusqu'à aller se rendre à la police ou accuser le trio principal de tous les maux alors que ce sont eux qui les ont initialement suivis, d'autres encore cherchent à rester fidèles au mouvement et à leurs convictions même s'ils n'ont pas de pouvoir, certains sont si désespérés par ce monde ne leur laissant aucune chance qu'ils décident de se suicider dans l'espoir de renaître avec un pouvoir... mais quelle que soit leur situation, face aux Hell Eaters, ils semblent tous unis par une chose: être voués à se faire tuer par ceux que l'on qualifie de héros, sans autre forme de procès.
C'est sûrement sur ce dernier point que ce volume marque le plus: les réponses disproportionnées et bien plus inhumaines des soi-disant justiciers. Plutôt que de s'intéresser aux problèmes de ces jeunes, le nouveau commissaire préfère parler du confort à préserver (faudrait pas que la cuisine avec ilot central de sa future épouse soit abîmé dans sa nouvelle maison neuve sur les hauteurs de la ville, oulala) face au sacro-saint argument de l'insécurité déjà brandi. Devant des adolescents qui pillent et détruisent mais ne tuent pas, on a soit des flics brandissant leurs armes et prêts à faire feu, soit des héros qui, eux, ont le droit de tuer et de détruire sous couvert de "justice". Alors forcément, dans ces conditions où les choses ne cessent d'aller crescendo, il faudra bien que les EVOL finissent par eux aussi se salir les mains sous les cris de peur et de haine des badauds, en accentuant de plus belle leur envie de foutre en l'air le monde entier...
"Quel bonheur de voir tant de belles personnes, toujours prêtes à se tenir du côté de la "justice", animées du probe désir d'être une partie d'un tout qui les dépasse, promptes à pointer du doigt les têtes qui dépassent, afin qu'une "majorité" puisse baigner dans la douce tiédeur de la société !"
Au fil d'une écriture forte et teintée de cynisme (comme pour la réplique ci-dessus, dite par l'inquiétante figure de Mom semblant diriger les héros), Atsushi Kaneko continue d'accentuer les qualités et la puissance d'une oeuvre qui, petit à petit, se dresse comme une merveille de manga de société punk, révolté, chaotique et engagé.