Escale à Yokohama Vol.1 - Actualité manga
Escale à Yokohama Vol.1 - Manga

Escale à Yokohama Vol.1 : Critiques

Yokohama Kaidashi Kikô

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 02 Avril 2021

Les amatrices et amateurs de tranches de vie de longue date le savent bien: Yokohama Kaidashi Kikou est une oeuvre qui fut très, trèèèès longtemps espérée en France (y compris par l'auteur de cette chronique, dont c'était probablement la tranche de vie qu'il attendait le plus depuis de nombreuses années). Adaptée en deux très courts animes (deux fois deux OAV, en 1998 puis en 2002-2003), et initialement prépubliée au Japon de 1995 à 2006 dans le magazine Afternoon de Kôdansha pour un total de 14 volumes, cette oeuvre devenue culte de Hitoshi Ashinano, aux accents SF, a ensuite été rééditée dans son pays en 2009-2010 en dix tomes plus épais. Mais c'est par le biais de sa première édition en 14 tomes que la série arrive enfin en France en cette année 2021 (décidément une année superbe en matière de nouveautés manga), sous le titre Escale à Yokohama, grâce aux éditions Meian !

Escale à Yokohama nous immisce non loin de la ville éponyme au Japon, auprès de la dénommé Alpha, une belle jeune femme qui tient un petit café, en haut d'un promontoire, avec un joli belvédère. Jusque-là, rien qui ne semble sortir de l'ordinaire... à moins qu'au fil de ce premier volume, on ne cerne tout autre chose.
En premier lieu, que ce coin de Japon, où le temps s'écoule comme si plus grand chose n'avait d'importance, a d'ores et déjà été victime d'un fort déclin de la civilisation humaine. Chose que l'auteur nous fait fort bien ressentir, tout d'abord par toutes petites touches, ne serait-ce que cette station-service qui dès le départ nous semble quelque peu délabrée. Puis il y a des routes qui ne sont plus en état voire n'existent plus, une ville de Yokohama sous l'eau, une nouvelle Yokohama qui a été construite sur une colline et qui semble plus humaine de par sa taille moins grande et son rythme de vie plus calme... Tel est des lieux, et sans doute du Japon, et peut-être du monde.
En deuxième lieu, qu'Alpha n'est pas une femme comme les autres: dès les premiers chapitres, on apprend qu'elle est un robot. Elle est connue dans le coin, elle est mignonne, elle a des admirateurs quand bien même peu de monde vient dans son café. Quant à ce café, il s'agit du café de son maître, qui, un beau jour, le lui a laissé en partant sans prévenir, pour ne plus lui donner de nouvelles. Alpha ignore ce qu'il fait, mais elle a confiance et continue d'espérer son retour. En cela, elle est heureuse d'être un robot, car elle peut l'attendre le temps qu'il faudra.

Mais ce robot-là est décidément bien différent, tant Alpha apparaît souvent tellement humaine, et il s'agit de l'une des premières forces de ce début de récit. Cette héroïne a pourtant bel et bien des conditions de robot, que l'on voit par exemple quand elle dit ne pas supporte les protéines animales qui gênent son mécanisme, ou quand on constate qu'elle a forcément plus de résistance qu'un humain face à des choses comme la foudre. Mais si on ne nous disait pas qu'elle est un robot, on ne le devinerait quasiment jamais. Cela se ressent déjà bien via le comportement qu'a son entourage avec elle, que ce soit le grand-père de la station-service ou son petit-fils Takahiro entre autres: ils la considèrent plus comme une humaine que comme un robot (aucun racisme anti-robot, la chose étant sans doute devenue courante dans ce futur quand la civilisation était encore là). Et puis, surtout, Alpha montre nombre de comportements le plus simplement humains. Elle est capable de pleurer réellement, alors même que ses larmes sont censées n'avoir qu'une fonction nettoyante. Mais, surtout, elle a une faculté à pouvoir profiter de nombre de brefs moments de joie que nous, humains, dans nos civilisations stressantes, avons précisément tendance à oublier.

Et là est sûrement la plus belle merveille d'Escale à Yokohama: son rapport au temps et aux petits bonheurs de la vie. Alpha aime l'endroit où elle vit, ce petit café, ce belvédère, cette possibilité de regarder le paysage et de discuter tranquillement, etc, etc... En cela, il est impossible de ne pas la rapprocher d'une héroïne comme Akari du manga Aria de Kozue Amano, tant, elle aussi, et au-delà de son statut de robot, est capable de profiter avec plaisir et émerveillement de la moindre petite chose, de chaque instant. A ses côtés, le temps semble comme ralenti, coupé, semble ne plus avoir d'importance, et c'est quelque chose qu'Ashinano nous fait ressentir au plus profond. Si vous aimez les mangas où le temps semble bien souvent suspendu (que ce soit de la tranche de vie légère comme Aria, du fantastique comme Mushishi, Underwater ou les Enfants de la Mer, de la SF comme la saga Emanon...), Escale à Yokohama a tout pour vous séduire.

Qui plus est, visuellement, Escale à Yokohama fait partie de ces oeuvres atemporelles, qui peuvent séduire n'importe quand. On a des designs assez géniaux (comme le grand-père de la station-service avec sa dégaine et sa vaste bouche), un brin hypnotiques (comme celui de Misago, une créature aux allures de filles étrange qui vivrait dans la baie de la forêt, et dégageant bien plus de bonté que de crainte derrière ses crocs), ou simplement envoûtants. Avec même, à la clé, des moments de grâce qui semblent précisément hors du temps, comme quand Alpha joue de la musique ou danse. Et puis, on a des paysages magnifiques, riches, travaillés tout en restant assez aérés, qu'Ashinano sait véritablement mettre en valeur, que ce soit par des vues plutôt aériennes, ou par des vues plus proches du sol et des personnages. les vues depuis les personnages nous permettant de profiter aussi bien qu'eux des anodins instants de plaisir.

"Qui aurait cru que le déclin de la civilisation permettrait de profiter de la vie ?"

Alors, au fil de ce premier tome court (même pas 150 pages) mais déjà immersif à souhait, Ashinano pose déjà à merveille son cadre, son héroïne, son atmosphère délectable, tout en sachant que la suite ne fera que se bonifier. Quand on aime ce genre d'oeuvre, difficile de ne pas succomber au charme d'Escale à Yokohama.

Cette chronique ayant été faite à partir d'une épreuve numérique fournie par l'éditeur, pas d'avis sur l'édition.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs