Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 19 Septembre 2019
Chronique 2
Après Whispering -Les voix du silence- et Goodnight, I Love You…, ce mois de septembre voit arriver aux éditions Akata une troisième oeuvre issue du label japonais it COMICS: Sakuchan to Nozomikun, un nom très simple (signifiant littéralement "Saku et Nozomi", du nom des deux personnages principaux) que l'éditeur français a préféré remplacer par "Entre Deux", un choix pertinent au vu du contenu qui y sera développé.
On doit cette courte série en 2 tomes à KUJIRA, une autrice très active depuis le milieu des années 1990, mais qui 'avait jusqu'à présent jamais été publiée dans notre pays. Publiée en 2016-2017 dans le magazine Sylph de Kadokawa, l'oeuvre est donc l'une des plus récentes de la carrière d ela mangaka.
Tout commence par une magnifique planche aux effets d'aquarelle, où une jeune fille expose de façon concise la façon dont, en dernière primaire, elle a senti son coeur battre fort pour la première fois en serrant la main d'un garçon. Sitôt après, on découvre que cette fille, Sakura Onodera, est désormais au lycée en décembre 2016, et qu'en ce jour elle a enfin décidé d'éclaircir ses sentiments auprès de celui qu'elle n'a cessé d'aimer depuis des années, Nozomi Nishioka, garçon auprès de qui elle s'est toujours contentée de jouer les simples amies. Au moment de se déclarer, la réponse de Nozomi tombe déjà, de façon directe, et l'adolescente se remémore alors le parcours qu'elle a suivi depuis tant d'années, entre ses sentiments grandissants pour Nozomi, ses rixes avec un autre camarade de classe nommé Arisaka, et les différents changements que son corps a pu connaître au fil de l'a fin de l'enfance et de l'arrivée de l'adolescence...
En offrant une entrée en matière de ce type, KUJIRA se montre très maligne, car, étant donné que le début nous plonge dans le présent en 2016 avant d'entamer un long flashback sur plusieurs années, elle parvient à installer d'emblée une atmosphère ayant quelque chose de très nostalgique et mélancolique. Une impression qui se voit renforcée par la narration, puisque c'est Saku elle-même qui raconte essentiellement son passé, son enfance, son adolescence, décortiquant brièvement chaque étape de sa jeune vie comme autant de souvenirs qui l'ont conditionnée.
Cette atmosphère nostalgique et mélancolique, la mangaka parvient très habilement à la souligner de façon posée et pudique, par la force d'un trait à la fois maîtrisé, expressif et léger, qui dégage une certaine douceur et qui ne tombe jamais dans l'exagération. Dans un style assez simple, elle se contente, à travers Saku, de narrer son histoire de façon sincère et réaliste, sans artifices inutiles, pour un résultat qui va très souvent parvenir à taper là où il faut... mais qui va surtout réussir à développer des sujets plus complexes qu'on pourrait le croire.
Car au-delà d'une romance de jeunesse aux allures somme toute assez classiques, KUJIRA va bel et bien aborder ses héros avec une certaine profondeur, au fil des changement qui ont pu marquer leur vie. De l'enfance en primaire jusqu'à l'époque du lycée, en passant par les premières années d'adolescence si cruciales au collège, la mangaka dépeint cette poignée d'années en leur donnant tout leur sens, tant on sent que les grandes étapes de cette période si formatrice ont eu un impact sur Saku, mais aussi sur Nozomi et même sur Arisaka. D'une enfance où Nozomi avait une allure féminine avec des cheveux longs qui lui valaient d'être traité de "tafiole" par Arisaka, et où Saku s'efforçait de ressembler à un garçon pour certaines raisons que l'on vous laisse découvrir, on arrive à une fin d'adolescence où le petit garçon efféminé et la fillette garçon manqué ont bien changé, notamment car ils ont dû vivre les changements physiques inhérents à leur sexe: voix qui mue et corps qui se durcit pour lui, règles et poussée de la poitrine pour elle... KUJIRA aborde évidemment tout ceci avec beaucoup de pudeur, et en cherchant avant tout à souligner l'impact que ces éléments de la puberté peuvent avoir sur ses héros et, plus généralement, sur tout un chacun. Et quand l'intérêt pour le sexe opposé, si typique de cette période de la vie, finit tout naturellement par s'en mêler, les choses ne peuvent que se complexifier, surtout pour Saku. Mais Arisaka n'est pas en reste, ses méchancetés d'enfant (là aussi assez typiques de cette période) laissant clairement place à autre chose à l'adolescence, de manière plutôt prévisible mais réussie. Et à vrai dire, seul le cas de Nozomi reste plus énigmatique, dans la mesure où on ne suit à aucun moment ses pensées, où on le découvre à travers les yeux de Saku et ses souvenirs. C'est à travers Saku qu'on voit ce garçon changer physiquement, se mettre à sortir avec des filles en semblant pourtant toujours très (trop) détaché, si bien que l'on devine que celui-ci cache sans doute autre chose en lui, dès lors il est encore plus difficile de ne pas attendre la suite et fin avec encore plus d'intérêt.
Qui plus, en dehors des éléments purement sentimentaux ou liés aux changements physiques, l'autrice ne manque pas de souligner également à quel point l'environnement et l'entourage peuvent avoir un impact sur la vie des gens et plus particulièrement des jeunes à une époque où ils doivent se forger. Regard des autres (ne serait-ce que la façon dont Arisaka enfant traite Nozomi), problématiques d'ordre familial... KUJIRA parvient à brasser un certain nombre de facteurs externes en plus des facteurs internes, qui rendent son récit d'autant plus profond, complexe et subtil.
Sur une base de romance de jeunesse pourtant classique sur le papier, KUJIRA parvient donc à tirer son épingle du jeu grâce à un abord des choses très intelligent où, dans un style teinté de nostalgie et de mélancolie, elle sait décortiquer avec simplicité et justesse nombre de choses autour de la puberté et des apparences, pour un résultat crédible et facilement touchant.
Au niveau de l'édition, c'est du très bon travail. La jaquette est bien dans le ton et reprend fidèlement l'illustration de l'édition japonaise, avec deux enfants physiquement écartés des normes: une Saku aux allures de garçon manqué, et un Nozomi plus petit et "efféminé". La jaquette du tome 2, montrant ces deux héros à l'adolescence, ne manquera pas de dresser un parallèle intéressant entre les deux illustrations. A l'intérieur, le papier est bien épais et souple même si l'on note une très légère transparence par moments, l'impression est très bonne, le travail de lettrage est convaincant, et la traduction signée Claire Olivier et Anaïs Koechlin est aux petits oignons, tant les deux traductrices parviennent à faire ressortir toute la subtilité et la sincérité des dialogues et surtout des souvenirs et pensées qui peuvent occuper Saku.
Chronique 1
Autrice active depuis les années 90 et particulièrement prolifique, KUJIRA n'avait pourtant jamais été publiée en France avant 2019. Une erreur que les éditions Akata corrige en nous proposant pour la première fois la mangaka chez nous, avec une courte tranche de vie en deux volumes.
Publié chez nous sous le titre Entre Deux, le récit fit proposé entre 2016 et 2017 dans le magazine Sylph de l'éditeur ASCII Mediaworks, sous le titre Sakura-chan to Nozomi-kun, une appellation bien différente et sans doute moins explicite, d'où un choix différent dans nos contrées.
Nozomi Nishioka et Sakura Onodera se connaissent depuis l'école primaire, et ont toujours été assez différents. Lui avait les cheveux longs et était considéré comme une fille, tandis qu'elle avait des airs de garçon manqué et n'était pas forcément vue comme une demoiselle. Mais les années ont passé, la puberté a causé des changements, et Onodera paraît désormais comme une adolescente tandis que Nishioka a l'air d'un beau jeune homme. Autre chose a aussi changé : leur relation. Qu'a-t-il pu se passer durant ces années, pour mener ces deux jeunes gens où ils en sont actuellement ?
Si ce premier tome d'Entre Deux se présente comme une comédie scolaire banale en apparence, jouant notamment sur deux protagonistes de sexes opposés et aux mentalités différentes, cette moitié de série surprend par son déroulé. Parler d'une relation entre adolescents est chose commune dans ce genre de titres, mais le faire sous l'appui de retours dans le passé semble un peu moins fréquent. Une démarche qui a du sens puisque dans cet opus premier, KUJIRA nous parle d'un sujet lui aussi ordinaire mais minutieusement traité : l'adolescence.
Pour cela, l'autrice a fouillé ses souvenirs de jeunesse, de son aveu même, si bien qu'on peut se demander dans quelle mesure le récit est autobiographique. Dès lors, sa démarche est totalement justifiée et a du sens, car la mangaka développe ses deux personnages principaux en développant leurs vécus respectifs, et la manière dont leur relation a évolué jusqu'à présent.
Ainsi, il se dégage une aura particulièrement nostalgique et mélancolique de l'ensemble de ce premier tome. Et pour cela, l'entrée en matière se révèle efficace : un statut quo entre les deux personnages, dans le présent, est posé, la suite du récit se chargeant alors d'amener les deux têtes d'affiche de leur enfance jusqu'à cette situation, ce qui amènera sûrement un deuxième et dernier tome beaucoup plus ancré dans le présent.
Un récit d'adolescence, certes, mais tournant autour de deux protagonistes qui portent à eux seuls des idées plus complexes. Dans ce premier volume d'Entre Deux, il est question des changements amenés par la puberté, et la manière dont un enfant peut évoluer vers l'âge adulte quitte à vivre des changements qui subiront le regard d'autrui. Nishioka partant de garçon efféminé pour devenir un adolescent plus « viril » tandis qu'Onodera passe du garçon manqué à une jeune femme affirmée, le sujet est traité de manière pertinente, notamment parce qu'il se fait sans a priori et s'appuie purement et simplement sur les ressentis très personnels des deux concernés. Du contexte familial aux découvertes d'adolescence... Bien des facteurs peuvent influer sur un vécu, chose que KUJIRA croque particulièrement bien dans ce premier tome.
Et, plus simplement, tout adulte appréciera l'ambiance nostalgique du récit, ce justement parce que l'autrice développe efficacement la période de l'adolescence. Des premiers amours aux changements corporels, le récit parlera à chacun, et tout lecteur sera libre de le mettre en parallèle avec son propre passé. Pas d'artifices dans le récit, donc, mais un développement sincère qui faire de cette première moitié d'Entre Deux une lecture efficace d'un bout à l'autre, avec plusieurs degrés de lecture bien amenés.
Toute l'ambiance du récit est aussi marquée par le coup de crayon de la mangaka, que nous découvrons en France. KUJIRA a un trait léger mais particulièrement expressif. Ses personnages sont représentés de manière crédible, sans fioriture aucune, ce qui rajoute une authenticité et un effet d'immersion dans le quotidien d'Onodera et Yoshioka. On regrette alors de ne pas avoir eu l'occasion de lire l'autrice plus tôt, mais on ne peut qu'espérer qu'Entre Deux soit une porte ouverte idéale pour voir d'autres mangas de l'artiste proposés chez nous.
C'est donc un premier tome réussi, sincère et teinté de nostalgie qui nous est offert. En plus de parler au plus grand nombre, ce début de récit surprend par ses thématiques justement traitées. Forcément, on a hâte de voir vers quoi évoluera la relation entre Onodera et Yoshioka, et ce que KUJIRA nous racontera aussi de ces deux protagonistes.
Après Whispering -Les voix du silence- et Goodnight, I Love You…, ce mois de septembre voit arriver aux éditions Akata une troisième oeuvre issue du label japonais it COMICS: Sakuchan to Nozomikun, un nom très simple (signifiant littéralement "Saku et Nozomi", du nom des deux personnages principaux) que l'éditeur français a préféré remplacer par "Entre Deux", un choix pertinent au vu du contenu qui y sera développé.
On doit cette courte série en 2 tomes à KUJIRA, une autrice très active depuis le milieu des années 1990, mais qui 'avait jusqu'à présent jamais été publiée dans notre pays. Publiée en 2016-2017 dans le magazine Sylph de Kadokawa, l'oeuvre est donc l'une des plus récentes de la carrière d ela mangaka.
Tout commence par une magnifique planche aux effets d'aquarelle, où une jeune fille expose de façon concise la façon dont, en dernière primaire, elle a senti son coeur battre fort pour la première fois en serrant la main d'un garçon. Sitôt après, on découvre que cette fille, Sakura Onodera, est désormais au lycée en décembre 2016, et qu'en ce jour elle a enfin décidé d'éclaircir ses sentiments auprès de celui qu'elle n'a cessé d'aimer depuis des années, Nozomi Nishioka, garçon auprès de qui elle s'est toujours contentée de jouer les simples amies. Au moment de se déclarer, la réponse de Nozomi tombe déjà, de façon directe, et l'adolescente se remémore alors le parcours qu'elle a suivi depuis tant d'années, entre ses sentiments grandissants pour Nozomi, ses rixes avec un autre camarade de classe nommé Arisaka, et les différents changements que son corps a pu connaître au fil de l'a fin de l'enfance et de l'arrivée de l'adolescence...
En offrant une entrée en matière de ce type, KUJIRA se montre très maligne, car, étant donné que le début nous plonge dans le présent en 2016 avant d'entamer un long flashback sur plusieurs années, elle parvient à installer d'emblée une atmosphère ayant quelque chose de très nostalgique et mélancolique. Une impression qui se voit renforcée par la narration, puisque c'est Saku elle-même qui raconte essentiellement son passé, son enfance, son adolescence, décortiquant brièvement chaque étape de sa jeune vie comme autant de souvenirs qui l'ont conditionnée.
Cette atmosphère nostalgique et mélancolique, la mangaka parvient très habilement à la souligner de façon posée et pudique, par la force d'un trait à la fois maîtrisé, expressif et léger, qui dégage une certaine douceur et qui ne tombe jamais dans l'exagération. Dans un style assez simple, elle se contente, à travers Saku, de narrer son histoire de façon sincère et réaliste, sans artifices inutiles, pour un résultat qui va très souvent parvenir à taper là où il faut... mais qui va surtout réussir à développer des sujets plus complexes qu'on pourrait le croire.
Car au-delà d'une romance de jeunesse aux allures somme toute assez classiques, KUJIRA va bel et bien aborder ses héros avec une certaine profondeur, au fil des changement qui ont pu marquer leur vie. De l'enfance en primaire jusqu'à l'époque du lycée, en passant par les premières années d'adolescence si cruciales au collège, la mangaka dépeint cette poignée d'années en leur donnant tout leur sens, tant on sent que les grandes étapes de cette période si formatrice ont eu un impact sur Saku, mais aussi sur Nozomi et même sur Arisaka. D'une enfance où Nozomi avait une allure féminine avec des cheveux longs qui lui valaient d'être traité de "tafiole" par Arisaka, et où Saku s'efforçait de ressembler à un garçon pour certaines raisons que l'on vous laisse découvrir, on arrive à une fin d'adolescence où le petit garçon efféminé et la fillette garçon manqué ont bien changé, notamment car ils ont dû vivre les changements physiques inhérents à leur sexe: voix qui mue et corps qui se durcit pour lui, règles et poussée de la poitrine pour elle... KUJIRA aborde évidemment tout ceci avec beaucoup de pudeur, et en cherchant avant tout à souligner l'impact que ces éléments de la puberté peuvent avoir sur ses héros et, plus généralement, sur tout un chacun. Et quand l'intérêt pour le sexe opposé, si typique de cette période de la vie, finit tout naturellement par s'en mêler, les choses ne peuvent que se complexifier, surtout pour Saku. Mais Arisaka n'est pas en reste, ses méchancetés d'enfant (là aussi assez typiques de cette période) laissant clairement place à autre chose à l'adolescence, de manière plutôt prévisible mais réussie. Et à vrai dire, seul le cas de Nozomi reste plus énigmatique, dans la mesure où on ne suit à aucun moment ses pensées, où on le découvre à travers les yeux de Saku et ses souvenirs. C'est à travers Saku qu'on voit ce garçon changer physiquement, se mettre à sortir avec des filles en semblant pourtant toujours très (trop) détaché, si bien que l'on devine que celui-ci cache sans doute autre chose en lui, dès lors il est encore plus difficile de ne pas attendre la suite et fin avec encore plus d'intérêt.
Qui plus, en dehors des éléments purement sentimentaux ou liés aux changements physiques, l'autrice ne manque pas de souligner également à quel point l'environnement et l'entourage peuvent avoir un impact sur la vie des gens et plus particulièrement des jeunes à une époque où ils doivent se forger. Regard des autres (ne serait-ce que la façon dont Arisaka enfant traite Nozomi), problématiques d'ordre familial... KUJIRA parvient à brasser un certain nombre de facteurs externes en plus des facteurs internes, qui rendent son récit d'autant plus profond, complexe et subtil.
Sur une base de romance de jeunesse pourtant classique sur le papier, KUJIRA parvient donc à tirer son épingle du jeu grâce à un abord des choses très intelligent où, dans un style teinté de nostalgie et de mélancolie, elle sait décortiquer avec simplicité et justesse nombre de choses autour de la puberté et des apparences, pour un résultat crédible et facilement touchant.
Au niveau de l'édition, c'est du très bon travail. La jaquette est bien dans le ton et reprend fidèlement l'illustration de l'édition japonaise, avec deux enfants physiquement écartés des normes: une Saku aux allures de garçon manqué, et un Nozomi plus petit et "efféminé". La jaquette du tome 2, montrant ces deux héros à l'adolescence, ne manquera pas de dresser un parallèle intéressant entre les deux illustrations. A l'intérieur, le papier est bien épais et souple même si l'on note une très légère transparence par moments, l'impression est très bonne, le travail de lettrage est convaincant, et la traduction signée Claire Olivier et Anaïs Koechlin est aux petits oignons, tant les deux traductrices parviennent à faire ressortir toute la subtilité et la sincérité des dialogues et surtout des souvenirs et pensées qui peuvent occuper Saku.
Chronique 1
Autrice active depuis les années 90 et particulièrement prolifique, KUJIRA n'avait pourtant jamais été publiée en France avant 2019. Une erreur que les éditions Akata corrige en nous proposant pour la première fois la mangaka chez nous, avec une courte tranche de vie en deux volumes.
Publié chez nous sous le titre Entre Deux, le récit fit proposé entre 2016 et 2017 dans le magazine Sylph de l'éditeur ASCII Mediaworks, sous le titre Sakura-chan to Nozomi-kun, une appellation bien différente et sans doute moins explicite, d'où un choix différent dans nos contrées.
Nozomi Nishioka et Sakura Onodera se connaissent depuis l'école primaire, et ont toujours été assez différents. Lui avait les cheveux longs et était considéré comme une fille, tandis qu'elle avait des airs de garçon manqué et n'était pas forcément vue comme une demoiselle. Mais les années ont passé, la puberté a causé des changements, et Onodera paraît désormais comme une adolescente tandis que Nishioka a l'air d'un beau jeune homme. Autre chose a aussi changé : leur relation. Qu'a-t-il pu se passer durant ces années, pour mener ces deux jeunes gens où ils en sont actuellement ?
Si ce premier tome d'Entre Deux se présente comme une comédie scolaire banale en apparence, jouant notamment sur deux protagonistes de sexes opposés et aux mentalités différentes, cette moitié de série surprend par son déroulé. Parler d'une relation entre adolescents est chose commune dans ce genre de titres, mais le faire sous l'appui de retours dans le passé semble un peu moins fréquent. Une démarche qui a du sens puisque dans cet opus premier, KUJIRA nous parle d'un sujet lui aussi ordinaire mais minutieusement traité : l'adolescence.
Pour cela, l'autrice a fouillé ses souvenirs de jeunesse, de son aveu même, si bien qu'on peut se demander dans quelle mesure le récit est autobiographique. Dès lors, sa démarche est totalement justifiée et a du sens, car la mangaka développe ses deux personnages principaux en développant leurs vécus respectifs, et la manière dont leur relation a évolué jusqu'à présent.
Ainsi, il se dégage une aura particulièrement nostalgique et mélancolique de l'ensemble de ce premier tome. Et pour cela, l'entrée en matière se révèle efficace : un statut quo entre les deux personnages, dans le présent, est posé, la suite du récit se chargeant alors d'amener les deux têtes d'affiche de leur enfance jusqu'à cette situation, ce qui amènera sûrement un deuxième et dernier tome beaucoup plus ancré dans le présent.
Un récit d'adolescence, certes, mais tournant autour de deux protagonistes qui portent à eux seuls des idées plus complexes. Dans ce premier volume d'Entre Deux, il est question des changements amenés par la puberté, et la manière dont un enfant peut évoluer vers l'âge adulte quitte à vivre des changements qui subiront le regard d'autrui. Nishioka partant de garçon efféminé pour devenir un adolescent plus « viril » tandis qu'Onodera passe du garçon manqué à une jeune femme affirmée, le sujet est traité de manière pertinente, notamment parce qu'il se fait sans a priori et s'appuie purement et simplement sur les ressentis très personnels des deux concernés. Du contexte familial aux découvertes d'adolescence... Bien des facteurs peuvent influer sur un vécu, chose que KUJIRA croque particulièrement bien dans ce premier tome.
Et, plus simplement, tout adulte appréciera l'ambiance nostalgique du récit, ce justement parce que l'autrice développe efficacement la période de l'adolescence. Des premiers amours aux changements corporels, le récit parlera à chacun, et tout lecteur sera libre de le mettre en parallèle avec son propre passé. Pas d'artifices dans le récit, donc, mais un développement sincère qui faire de cette première moitié d'Entre Deux une lecture efficace d'un bout à l'autre, avec plusieurs degrés de lecture bien amenés.
Toute l'ambiance du récit est aussi marquée par le coup de crayon de la mangaka, que nous découvrons en France. KUJIRA a un trait léger mais particulièrement expressif. Ses personnages sont représentés de manière crédible, sans fioriture aucune, ce qui rajoute une authenticité et un effet d'immersion dans le quotidien d'Onodera et Yoshioka. On regrette alors de ne pas avoir eu l'occasion de lire l'autrice plus tôt, mais on ne peut qu'espérer qu'Entre Deux soit une porte ouverte idéale pour voir d'autres mangas de l'artiste proposés chez nous.
C'est donc un premier tome réussi, sincère et teinté de nostalgie qui nous est offert. En plus de parler au plus grand nombre, ce début de récit surprend par ses thématiques justement traitées. Forcément, on a hâte de voir vers quoi évoluera la relation entre Onodera et Yoshioka, et ce que KUJIRA nous racontera aussi de ces deux protagonistes.