Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 18 Janvier 2023
Chronique 2
Tomorin, la célèbre jeune pianiste diagnostiquée d'une leucémie, entame un rude traitement. Durant cette épreuve, l'un de ses grands regrets vient de la détérioration de ses rapports avec son père. Maco, de par la rancœur qu'il garde envers son propre paternel, n'est pas indifférent aux sentiments de sa patiente. Aussi, il va tout mettre en œuvre pour permettre à cette fille et son père de se rapprocher, et pourquoi pas prendre exemple pour améliorer les relations, de son côté ?
Seulement, le retour de son frère au pays n'arrangera pas les liens familiaux...
Loin d'avoir abandonné le cas de Tomorin, Toshiya Higashimoto revient sur le parcours de la demoiselle, en abordant cette fois-ci ses propres dilemmes familiaux. Une première partie de ce troisième opus qui précède l'histoire touchante d'une petite fille qui se voit diagnostiquer une singulière maladie, un autre moyen pour varier le caractère médical de l'œuvre tout en abordant divers problèmes familiaux, et ainsi donner du drame à l'œuvre.
Ce qui nous marque, une nouvelle fois, c'est l'infinie pudeur du mangaka pour écrire son manga. Au premier plan, ce sont donc les histoires des patients et de leurs entourages respectifs qui viennent nous marquer. Bien qu'on soit dans le drame, un registre particulièrement adapté pour un récit du genre où il est question de maladie et de décès potentiel, l'humanité et l'optimisme brillent toujours, le récit gardant ainsi une sorte de naïveté qui fait du bien.
Et si ces arcs de patients forment le cœur de l'œuvre, l'intrigue propre à Maco évolue en arrière-plan, prenant de l'importance sans jamais empiéter sur les histoires des patients du médecin. Avec l'entrée en scène de Hideki, le frère du protagoniste, l'histoire familiale centrale subit quelques rebondissements, et voit sa complexité s'étoffer. Il y avait la question du pardon abordée par le lien entre le médecin-vidéaste et son père, et voilà que le manga aborde maintenant la question d'un frère nettement différent, plus froid, mais pas moins professionnel. Deux personnages totalement opposés, mais qui nourrissent un propos pertinent vis-à-vis de l'univers médical de la série : Existe-t-il l'approche parfaite à avoir avec un patient ? En opposant la candeur de Maco à l'honnêteté froide de Hideki, l'humanité au pragmatisme, le conflit familial du héros devient vecteur de questionnements, vis-à-vis du cadre de l'œuvre. Une approche captivante, bien pensée par l'auteur, ce qui vient de nouveau confirmer tout le bien qu'on pouvait penser de la série.
Ainsi, "Les Enfants d'Hippocrate" gagne encore en finesse, tout en conservant son schéma et son ton optimiste. Par les drames familiaux proposés, des histoires de patients touchantes et de véritables questions posées vis-à-vis de l'éthique d'un praticien, l'œuvre médicale de Toshiya Higashimoto se révèle aussi touchante que captivante !
Chronique 1
Arrivant peu à peu au terme de sa transition de quelques mois entre Tôkyô et Hokkaidô, Maco va bientôt aller exercer à plein temps dans la clinique de son père, où il suit déjà Tomomi alias Tomorin, jeune pianiste virtuose qui a dû mettre sa carrière en stand-by et annuler sa tournée mondiale pour soigner la leucémie qui la touche. Mais même si Maco se montre infiniment attentionné, l'adolescente fait forcément face à des craintes de plus en plus concrètes: le bad buzz injuste que l'annulation de sa tournée provoque sur les réseaux sociaux alors que personne ne connaît sa situation, ses interrogation face au taux de survie quand on a sa maladie et donc face à la mort, sa préparation psychologique à devoir subir un long traitement très contraignant... mais aussi son rapport, conflictuel depuis longtemps, avec un père têtu qui ne veut pas aller la voir à l'hôpital car il estime que c'est de sa faute si elle est dans cette situation. Même dans une situation comme celle-ci, père et fille semblent avoir toutes les difficultés du monde à se pardonner les choses du passé, à renouer des liens. Et forcément, cette situation rappelle à Maco son propre lien difficile avec son père...
Dans un début de volume minutieux continuant à suivre de près la jeune Tomorin qui se présente vraiment comme une sorte de fil rouge dans le récit pour l'instant, tout le talent de Toshiya Higashimoto est de mettre côte à côte les situations de l'adolescente et de Maco avec leur père respectif, pour un résultat où ils risquent bien d'avancer tous les deux, tout doucement, à tâtons mais avec certitude, pour renouer des liens essentiels et laisser le pardon s'installer avec le temps. C'est bien dans cette part de relations humaines que l'histoire brille le plus à ce jour, et ce sera encore le cas avec l'arrivée d'une nouvelle petite patiente, Rino, 5 ans, amenée à la clinique par sa grand-mère inquiète de la voir parfois boiter alors que la fillette ne ressent aucune douleur. Avec, à l'arrivée, la découverte pour le lectorat de la possible maladie touchant l'enfant...
Bien sûr, il sera question d'en apprendre un petit peu plus sur cette possible maladie, la maladie obstructive du polygone de Willis, mais une nouvelle fois le mangaka n'entre pas forcément dans de nombreux détails, car c'est la part humaine autour des personnages qui semble l'intéresser le plus. Quitte à être volontairement un peu naïf sur certains points, Higashimoto évoque essentiellement l'importance pour les médecins d'envisager toutes les possibilités face à des symptômes parfois très peu évidents (ce qui n'est pas forcément chose aisée, même si dans ce manga les dons de Maco pour raisonner rendent les choses a priori plus simples), ainsi que l'essentialité de savoir accompagner non seulement les jeunes bouts de chou à un âge où ils ne peuvent avoir pleinement conscience du mal qui les touche, mais aussi les proches des enfants, à commencer ici par la grand-mère puis la mère de Rino qui auront de quoi déchirer le coeur et émouvoir sans que le mangaka ait besoin d'en faire trop ni de se montrer trop pesant.
Maco est précisément l'un de ces personnages qui séduisant grâce à leur permanente empathie sincère. Le jeune homme montre beaucoup d'humanité, sait parler aux enfants et les rassurer, prend en compte la détresse de la famille... et dégage ainsi des choses très bénéfiques et lumineuses. Et pourtant, ce tome est justement marqué par l'entrée en scène d'un personnage bien différent: son propre frère Hideki, avec qui il a aussi un passé commun visiblement très conflictuel. Car c'est bien simple: les deux frangins ont beau être tous deux des médecins pédiatriques très talentueux, leurs vision des choses apparaît très différente, Hideki étant bien plus froid envers les patient et leurs proches, et ne semblant vouloir prendre aucun risque. Comment évoluera la situation entre ces deux frères désormais collègues ? Nul doute que Toshiya Higashimoto aborde aussi cela par la suite...
Le Enfants d'Hippocrate confirme facilement ses belles qualités avec ce troisième tome. Même si le lectorat qui attendrait un récit médical pointu pourrait être un peu déçu puisque l'auteur rentre rarement dans les détails, il y a en revanche une profonde humanité se dégageant de Maco et de ses patients, pour un ensemble qui touche facilement tout en restant assez bien dosé. Et entre des cas comme celui de la petite Rino, le fil rouge autour de Tomorin et les enjeux autour des relations de la famille Suzukaze, il semble difficile de ne pas se laisser happer toujours plus par ce récit qui gagne peu à peu en intérêt.