Enfants d'Hippocrate (les) Vol.1 - Manga

Enfants d'Hippocrate (les) Vol.1 : Critiques

Platanus no Mi

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 08 Juin 2022

Les séries médicales restent généralement vouées à toucher un public de niche dans notre pays, en connaissant tout au plus un joli succès d'estime. Plusieurs éditeurs s'y sont déjà essayé à travers des séries prenant généralement des axes suffisamment différents: feu Asuka avec le cultissime Black Jack d'Osamu Tezuka, Glénat avec la fresque Team Medical Dragon, Kazé Manga avec Dr. DMAT qui s'intéressait aux souvent cruelles opérations d'urgence, Meian avec Unsung Cinderella qui aborde l'industrie pharmaceutique... sans oublier naBan qui, récemment, a eu l'excellente idée de réédite Say Hello to Black jack/Give my Regard to Black jack, sans doute le meilleur manga médical qui soit, et qui a permis de mettre en exergue nombre de limites du système médical japonais. L'offre en mangas médicaux reste toutefois assez limitée, et c'est donc avec intérêt que l'on voit les jeunes éditions Mangetsu s'intéresser à leur tour à cet univers avec une série qui, à son tour, promet d'aborder un pan spécifique de la médecine.


De son nom original Platanus no Mi (littéralement "le Fruit du Platane", en référence au célèbre Hippocrate qui, sous l'Antiquité grecque, aurait eu l'idée de fonder les bases de la médecine sous un platane en y enseignant sa science à des disciples), et en cours au Japon depuis 2020 dans l'excellent magazine Big Comic Spirits des éditions Shôgakukan, les Enfants d'Hippocrate est la toute dernière série en date de Toshiya Higashimoto, mangaka que l'on a découvert en France entre 2019 et 2021 chez Véga-Dupuis avec Le Bateau de Thésée, polar de facture très classique, sans grande personnalité mais qui se suivait avec plaisir d'un bout à l'autre en accomplissant toujours honnêtement son rôle. Autant dire que l'auteur, ici, change radicalement de registre !


Ici, tout commence alors qu'un jeune homme à l'allure un peu candide et louche est abordé dans la rue par un policier: il se trimballe avec son doudou James avec qui il parle, filme tout ça en se disant youtubeur... Il pourrait donc passer pour un allumé. Et pourtant, Maco Suzukaze est avant tout quelqu'un qui a décidé de vouer son existence à la médecine pour les enfants, la pédiatrie, et c'est pour cela qu'il est actuellement en stage à l'hôpital de Kawasaki.


Ce premier volume se veut avant tout introductif, en installant correctement, sans pour autant plonger dans moult détails, ce cadre médical spécifique dont on nous explique bien qu'il est malheureusement parfois vu comme le parent pauvre des hôpitaux: les maladies sont souvent jugées bénignes, en plus des enfants il faut en plus gérer l'entourage à commencer par des parents pas toujours faciles (surtout quand ceux-ci pensent avoir trouvé d'avance ce que leur enfant a en faisant quelques recherches sur internet...), il faut de la patience car les enfants ne savent pas toujours verbaliser correctement ce qu'ils ressentent, les moments difficiles le sont d'autant plus qu'ils impliquent des gosses... L'investissement émotionnels de médecins dans le domaine pédiatrique n'est malheureusement pas toujours rentable par rapport aux efforts fournis, pour plein de raisons. Et même si l'on regrettera un peu que l'auteur ne rentre pas un peu plus dans les détails sur ces éléments pour l'instant, ils ont au moins le mérité d'être bel et bien évoqués.


Mais Maco, de son côté, semble avoir une vision tout à fait différente de ce travail parfois vu comme ingrat. Et sans doute a-t-il l'approche qu'il faut: il cherche à comprendre ces enfants, à adoucir les craintes et sentiments de culpabilité de leurs parents ou des autres membres de la famille, tâche toujours d'être aussi rassurant que possible et de trouver les bons mots, sait trouver les paroles pour réchauffer les coeurs... Maco a effectivement une qualité qui est peut-être devenue rare, malheureusement: il fait profondément attention aux autres, et ça le rend particulièrement lumineux, alors que l'on comprend à petites doses que lui-même à connu quelques problèmes familiaux qui finissent par le rattraper. Ce qui, à terme, devrait constituer une sorte de fil rouge.


Cette personnalité assez rayonnante du personnage principal, qui se voit dès la jaquette de ce premier tome, on la découvre petit à petit, au gré de premiers problèmes où il doit intervenir pour soigner voire sauver des enfants. Concrètement, la formule employée par le mangaka est, sur ce point, extrêmement facile, entre la présence de Maco aux bons moments hors de l'hôpital (il est pile où il faut quand il faut, généralement), et le fait qu'il soit visiblement un crack dans son domaine en analysant en un rien de temps, dans son esprit, les différentes possibilités de maladie selon les symptômes et observations. Un choix de facilité qui, en plus, ne permet pour l'instant pas d'aborder certains problèmes de santé d'une façon aussi profonde ou détaillée qu'on aurait pu l'espérer. En revanche, la diversité de cas est là, puisque Higashimoto a la très bonne idée, dès ce tome 1, d'aborder aussi bien des maladies parfois méconnues et pourtant potentiellement graves (comme l'invagination intestinale) que des accidents a priori assez courants (le syndrome du tourniquet) et des dangers domestiques pouvant servir de bonnes leçons aux parents qui liraient la série (ne jamais laisser traîner des petits objets que les enfants pourraient avaler).


Emballé dans un style visuel plutôt passe-partout et un peu inégal parfois mais très doux et clair, ce premier tome a largement de quoi séduire. on attendra peut-être de l'auteur qu'il sache aborder plus en profondeur ce cadre de la médecine pédiatrique, mais dans l'immédiat Les Enfants d'Hippocrate charme assurément au moins pour l'humanisme salvateur que commence déjà à dégager son personnage principal, le genre d'humanisme qui s'oublie trop parfois.


Concernant l'édition, on a affaire à une jolie copie, avec à l'intérieur une honnête qualité de papier et d'impression, un lettrage soigné d'Elsa Pecqueur (y compris pour les polices choisies quand Maco est dans ses pensées/analyses de maladies) et une traduction impeccable de Ryoko Akiyama (qui était déjà à l'oeuvre sur Le bateau de Thésée), cette dernière n'ayant aucune difficulté à adapter le niveau de langage selon l'âge et la personnalité des personnages, pour un rendu qui sonne franchement juste. Et à l'extérieur, le choix a été fait d'une jaquette tout en sobriété, avec un logo-titre bien imaginé par Tom "spAde" Bertand, (notamment le f et le a formant un coeur, ce qui est bien dans le ton de l'humanisme dégagé par Maco).



Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs