Dragon sous le croissant de Lune (Le) Vol.1 - Actualité manga

Dragon sous le croissant de Lune (Le) Vol.1 : Critiques

Mikazuki no Dragon

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 21 Août 2024

En ce mois d'août, le Lézard Noir lance une nouvelle oeuvre dans son catalogue de titres en "petit" format: Le Dragon sous le croissant de Lune, alias Mikazuki no Dragon en version originale. Prépubliée au Japon entre 2019 et 2022 dans le magazine Gekkan! Spirits des éditions Shôgakukan, cette série en sept tomes est la toute première publication française de Kenichirô Nagao, un auteur qui poursuit tranquillement une carrière assez discrète dans son pays d'origine depuis la fin des années 1990.

L'oeuvre prend place dans une bourgade côtière à proximité de Kamakura et de l'île d'Enoshima, un très beau recoin du Japon que l'éditeur poitevin semble décidément beaucoup apprécier (le manga Zenkamono et l'album jeunesse le Chat d'Enoshima, entre autres, se déroulaient déjà là-bas eux aussi). On y découvre, alors qu'il gravit la côte de Shichirigahama en vélo, Ryûnosuke Tsukishima, un adolescent de 16 ans qui est en première année de lycée et à qui la vie n'a pas fait de cadeaux: depuis la mort de ses parents dans un accident quand il n'avait que 6 ans, il vit seul et dans une certaine pauvreté avec sa grand-mère qui se plie en quatre depuis une décennie pour l'élever. Quand il ne passe pas du bon temps avec son ami Ao au club d'étude du cinéma du lycée, le jeune garçon exerce son petit boulot auprès d'un chef un peu exécrable dans une supérette afin d'apporter son aide à sa mamie envers qui il a beaucoup de reconnaissance. En somme, il s'agit vraiment d'un gentil garçon... mais aussi d'un adolescent qui, malheureusement, souffre de se sentir trop faible. Ici, en voyant Ao se faire racketter par une bande de racailles, il hésite à intervenir car il sait qu'il ne fera pas le poids, il se sent lâche, puis il se retrouve finalement dans une situation très délicate en devenant à son tour victime d'un chantage dont il ne peut plus se sortir. Là, en assistant à un braquage de la supérette où il travaille, il ne sait pas quoi faire et, à nouveau, se sent impuissant. C'est précisément dans ce contexte difficile, où il aimerait devenir plus fort pour s'en sortir, être confiant en lui-même et aider les autres, qu'il va faire la rencontre du vieil et excentrique Bonsetsu et de son fils Gûtarô, deux hommes qui lui font forte impression par leur puissance et qui, dans un temple des environs, donnent des cours du noble art martial qu'est le karaté...

Si le postulat de départ est très classique et a déjà été vu un paquet de fois (un adolescent faible et un peu désoeuvré qui va se lancer dans un art martial pour devenir fort et s'ouvrir de nouveaux horizons, ça n'a rien de nouveau), le mangaka sait rapidement installer dans son récit un intérêt certain, grâce à une atmosphère vraiment réussie qui doit beaucoup à la fois au cadre de la côte de Kamakura/Enoshima joliment exploité (le bord de mer est joli, les décors typiques du coin sont assez travaillés et denses, les angles de vue pour les mettre en valeur sont souvent soignés...) et au côté très humain de Ryûnosuke: il y a un côté très attachant à voir cet adolescent à la vie difficile se reprocher sans cesse sa faiblesse, rêver d'être un justicier comme dans les films qu'il aime, et vouloir devenir fort avant tout pour vaincre ceux qui s'en prennent aux autres et pour protéger ses proches (sa précieuse grand-mère en tête). Ce côté humain se retrouve très souvent dans les mangas sportifs de l'écurie Spirits de Shôgakukan (Ping Pong, Subaru danse vers les étoiles, Ao Ashi, Fends le vent!... pour ne citer que quelques exemples), et on pourrait même presque trouver ici un côté un peu social, d'autant plus que Nagao fait souvent appel à une narration externe et que certains de ses designs et planches rappellent volontiers, sur le pur plan visuel, une frange de gekiga d'il y a quelques décennies.

C'est dans ce contexte humain réussi que débute pour notre héros la découverte de la voie du karaté auprès d'enseignants et de nouveaux camarades d'ores et déjà assez hauts en couleurs: le vieux Bonsetsu est à la fois délicieusement excentrique et prévenant en se posant facilement comme un mentor aux belles valeurs, la douce mais combative Chiaki fait inévitablement office de coup de foudre pour Ryû, et surtout la très forte Kikuyo impose déjà un sacré charisme: ceinture noire prodige, l'adolescente a un tempérament de feu mais, derrière son premier abord arrogant, tyrannique et impitoyable, sait aussi parfaitement reconnaître les efforts et la détermination d'autrui. Pour être accepté, notre héros devra donc commencer par lui prouver toute la profondeur de son courage, de sa détermination et de son abnégation ! A partir de là, et non sans quelques premières séquences d'arts martiaux très vives et bien rendues dans la rapidité et l'intensité des coups, le mangaka déballe soigneusement les premiers pas de Ryû dans l'univers du karaté, de façon très didactique pour en faire saisir l'essence aux néophytes: l'état d'esprit nécessaire (volonté, intégrité, résilience...), les salutations, la tenue, les postures, les premières techniques... ces dernières bénéficiant toujours, quand c'est nécessaire, d'astérisques pour les préciser.

A l'arrivée, tout est très bien en place à l'issue de ce premier volume. Certes, on n'échappe pas à quelques grosses ficelles et poncifs: Ryû passe décidément une très sale journée entre le chantage des racailles et juste après le braquage de la supérette, dès la dernière partie du tome Chiaki est reléguée au rôle de la belle à sauver (alors que bon, pourquoi n'a-t-elle jamais appelé la police, ou même essayé de dégommer elle-même son stalker alors qu'elle est ceinture marron et que le bonhomme ne semble franchement pas fort ? )... Mais on en fait facilement fi, tant l'auteur trouve un bel équilibre entre les arts martiaux et la tranche de vie très humaine. A suivre de près, donc, d'autant plus que Le Lézard Noir a eu la bonne idée de publier le tome 2 en même temps que ce premier volume !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction