Devilman - Edition 50 ans Vol.1 - Actualité manga
Devilman - Edition 50 ans Vol.1 - Manga

Devilman - Edition 50 ans Vol.1 : Critiques

Devilman

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 20 Septembre 2018

Chef d'oeuvre de Gô Nagai, et sans doute un des mangas majeurs de l'auteur, Devilman est une référence qu'on ne présente plus. La série a bénéficié d'un regain d'intérêt début 2018 grâce à l'adaptation animée Devilman Crybaby, actualisation réussie du titre de 1972. Fort de l'engouement autour de l'adaptation de Masaaki Yuasa, l'éditeur Black Box a vu son édition de la série de Gô Nagai tomber en rupture. Grâce au renouvellement des droits sur la collection de l'auteur, l'éditeur a pu produire une nouvelle édition, limitée à 500 exemplaires et enrichie de quelques pages supplémentaires, afin que la série reste disponible un peu plus longtemps.

Lycéen gentillet mais un poil couard, Akira Fudô vit chez son amie, Miki Makimura. Abordés par des voyous alors qu'ils prennent la route du lycée, ils sont sauvés par Ryô, amis d'enfance d'Akira qui le somme de le suivre. Ryô a fait une découverte terrifiante et doit partager ce secret avec son camarade. Autrefois, avant la naissance des humains, la Terre était peuplée par des Démons, avant de disparaître lord de l'ère glaciaire. Mais nombre de ces créatures ne sont pas mortes et sont emprisonnées dans des blocs de glace, tandis que d'autres se sont déjà libérées. Pour Ryô, les Démons cherchent à retrouver leur dominance sur la planète, et sont prêts à exterminer les humains pour ça... sauf si le duo les met hors état de nuire. Il propose alors à Akira un plan risqué mais radical pour lutter contre cette menace : devenir eux-même des Démons, et combattre à armes égales pour protéger l'espèce humaine.

Devilman est une œuvre importante, sérieuse et sombre, dont l'une des grandes forces est d'avoir un sujet toujours actuel, plus de 40 ans après la publication originale. L’œuvre de Gô Nagai nous parle d'humanité, des ravages de la violence et de la guerre, mais aussi de notre capacité à devenir les pires dangers pour notre propre espèce. Néanmoins, c'est sur cinq tomes que ces idées seront développées et décortiquées. En attendant, Devilman a droit à une mise en bouche qui prend son temps, mais qui se révèle aussi choc qu'efficace, et surtout originale... même en 2018.

Sur ce premier volet, le mangaka installe doucement la trame de sa série avec une introduction qui plante le scénario, ainsi que la naissance du célèbre et redoutable Devilman. L'histoire, basique de prime abord, est celle d'Akira Fudô, lycéen candide et un peu lâche qui se verra dôté d'un pouvoir phénoménale. Une approche qui n'a rien de surprenant aujourd'hui, pas seulement dans le manga d'ailleurs, et servie par d'autres stéréotypes du genre comme l'amie au fort caractère et éprise du héros, ou encore l'ami d'enfance ténébreux qui a subit une dramatique tragédie. Des codes classiques mais qui ne déroutent pas puisque le style de Gô Nagai sur Devilman est celui d'époque, et autant dire qu'on ressent cette aura séduisante d’œuvre des années 70.

Il est toutefois impossible de résumer ce premier volume à cette mise en bouche pleine de ficelles classiques. Le contraire sera réducteur, notamment parce que le scénario parvient à prendre un envol dantesque au fil des pages. D'ailleurs, le récit ne s'ouvre pas directement sur l'histoire d'Akira mais sur un prologue, partiellement et sublimement mis en couleur par l'auteur, sur une attaque de Démons, un contexte que le lecteur finira par comprendre vers la fin du tome.
De manière sûrement volontaire, après une introduction légère et ordinaire, Gô Nagai développe progressivement une noirceur fascinante sur ce premier volet. Au fil des pages, les mécaniques de la série s'installent : les Démons sont sur le point de renaître et de prendre possession de milliers d'individus, dans le but d'anéantir l'humanité. Une ambiance très noire s'installe alors et donne une sensation étrange, celle d'un début de fin du monde, rendant le passage à l'acte d'Akira et Ryô particulièrement crédible. Les deux protagonistes semblent être les seuls espoirs de l'humanité, et le pouvoir qui est à portée de main sera installé tout le long de la deuxième partie de tome.

Cette transformation, Gô Nagai ne la fait pas de manière classique. Fidèles aux concepts de démons et de cataclysme, il développe un rituel d'abord étonnant dans la forme, puis violent et laissant déjà peu de place à l'espoir, une tonalité qui sera de plus en plus puissante tout le long de la série. Avec le Sabbat dépeint par le mangaka, c'est une vraie vision qui s'installe : Devilman, derrière quelques codes classiques, ne sera pas une série ordinaire, et encore moins une série bon enfant. Le ton y sera pessimiste, et c'est ce qui rend ce premier volume passionnant, aussi bien dans ses mécaniques que dans son esthétique et son ambiance.

Le style de Gô Nagai est particulièrement efficace pour dépeindre cette tonalité. Si le design des personnages est d'époque, les apparences d'Akira et Ryô ne trahissant par le contexte des années 70, l'auteur se lâche ponctuellement quand il s'agit de dépeindre l'horreur et le désespoir. Des planches alors plus détaillées, fortes par de grands traits sombres en contraste avec les autres pages davantage épurées, et toute une inventivité pour représenter des formes de vies déformées, terrifiantes par moment même, les fameux Démons. L'auteur étant un illustrateur hors pair, il ne le prouve aussi sur les premières pages couleurs, sublimes par leurs détails.

Cette nouvelle édition est la seconde développée par Black Box. On notera alors une couverture différente et moins légère, ainsi qu'un papier cartonné brillant qui donne une autre dimension à cette édition. On notera aussi quelques pages supplémentaires, pas indispensables par rapport à la première version mais développent un poil davantage le récit. Si le prix peut paraître un poil élevé, le format se révèle suffisamment agréable et l’œuvre assez importante pour qu'on se la procure.

Il y aurait énormément à dire sur cette introduction de Devilman, aussi nous vous renvoyons à notre dossier pour une analyse plus détaillée. En résumé, ce premier tome propose une fascinante introduction aux concepts et à la noirceur de la saga, et une certaine curiosité par la manière de faire de Gô Nagai qui reste novatrice, bien cachée derrière quelques codes classiques... en apparence seulement. Mais c'est avec les tomes suivants que le lecteurs comprendront le succès de la série, et ce qui lui permet de briller 40 ans après...
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs