Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 08 Juillet 2025
C'est un yuri assez populaire et attendu qui arrivera dans le catalogue des éditions Meian à la rentrée: "Odoriba ni Skirt ga Naru", également bien connu à l'international sous son sous-titre anglais "The skirt rings at the landing", et qui, pour sa parution française, se voit joliment renommé en "Légères sur le dancefloor". En cours au Japon depuis 2020 dans le magazine Comic Yurihime des éditions Ichijinsha (sans doute le magazine yuri le plus célèbre, ayant vu un paquet d'oeuvres populaires du genre passer dans ses pages, comme Citrus ou Yuri Is My Job! ), l'oeuvre compte cinq volumes à l'heure où ces lignes sont écrit. il s'agit de la toute première série de la carrière de Yuu Utatane, une mangaka qui a également signé quelques histoires courtes (généralement catégorisées yuri/shôjo-ai elles aussi) ces dernières années.
Bien que prévus en librairies en septembre, les trois premiers tomes de la série ont bénéficié d'une avant-première sur le stand de l'éditeur à Japan Expo début juillet, d'où l'arrivée anticipée de cette chronique. Qui plus est, histoire de bien porter l'oeuvre, Meian a également décidé de réunir ces trois volumes dans un joli coffret illustré en carton souple, pour un prix similaire à l'achat unitaire des volumes, et avec en bonus un petit poster ainsi que trois beaux ex-libris. Une très chouette initiative, donnant une raison supplémentaire de craquer !
Cette histoire nous plonge dans le club de danse de salon d'un lycée où Kiki Haruma, élève de première, s'exerce depuis en paire depuis longtemps avec Shion, son amie depuis le collège. Passionnée de danse, admirant depuis toujours sa grande soeur Homare qui est aujourd'hui devenue danseuse professionnelle, rêvant d'être suiveuse (celle qui est guidée) dans sa paire, et adorant depuis toujours tout ce qui est mignon, l'adolescente s'est pourtant résignée à enfermer au fond d'elle tout ce qu'elle désire vraiment, pour une seule raison: sa grande taille de 1m72. A cause de ça, on lui a toujours dit qu'elle manque de féminité, qu'elle n'est pas mignonne, que les jupes et autres habits mimis ne lui vont pas, et qu'elle n'est naturellement pas faite pour être suiveuse.
Alors, depuis toutes ces années, elle se contente d'être la guide (celle qui guide dans la paire) auprès de sa fidèle partenaire... qui ne sera bientôt plus si fidèle que ça. Sentant que quelque chose ne colle pas, Shion déclare un jour à Kiki qu'il est temps de mettre fin à leur duo, chose que dans le fond notre héroïne pressentait. Tandis que Shion trouve une nouvelle partenaire en la personne de Mona, Kiki se retrouve seule et, mélancolique, voyant ses vieux rêves ressurgir, se met à danser dans un couloir en songeant au rôle qu'elle a toujours voulu avoir. Ce qu'elle ne sait pas à cet instant, c'est qu'elle est observée par une jeune fille qui va bouleverser son existence: elle s'appelle Michiru Toribami, elle vient tout juste d'arriver au club, son physique de mignonne "poupée" lui a toujours valu d'être considérée comme une suiveuse alors que son caractère est totalement opposé à ça... et elle va vite faire une demande cruciale à Kiki: qu'elle forme une paire avec elle et devienne sa suiveuse. Ensemble, pourraient-elles alors songer à viser le quadrille, célèbre événement de leur lycée, où les meilleurs étudiants du club dansent par paire à l'occasion de la cérémonie de remise des diplômes ?
C'est un premier volume particulièrement ravissant que Yuu Utatane nous offre, ne serait-ce que pour son travail graphique où, en plus d'offrir des designs jolis, fins et vibrants chez ses douces et expressives héroïnes, la mangaka dépeint déjà quelques instants de danse assez hypnotiques, tant ils sont joliment orchestrés pour faire ressortir la grâce et l'élégance de ces jeunes filles, dans un beau parfum de légèreté que le titre français a donc très bien su capter.
Mais au-delà de ce simple constat visuel, l'oeuvre se présente déjà, avant tout, comme le portrait d'adolescentes réellement passionnées par la danse de salon depuis longtemps, mais qui vont devoir apprendre à surpasser leurs craintes et les diktats sociétaux concernant leur physique afin de, au bout du compte, être enfin réellement elles-mêmes. De ce côté-là, Michiru est forcément déjà emballante et inspirante: bien que considérée depuis toujours comme très mignonne avec sa petite taille et son physique de poupée, elle a toujours refusé qu'on la relègue à ça, veut avant tout constamment rester fidèle à elle-même et non à l'image que les gens se font d'elle, et affiche donc souvent son caractère sans chichis. Naturellement, elle aura alors de quoi pousser Kiki sur la bonne voie, en l'incitant à faire fi de la façon dont on la voit, à dépasser les critères physiques, et finalement à parvenir à s'aimer pour ce qu'elle est. Si l'on devine que le chemin pour ça sera encore long, la dynamique installée pour y arriver est très bonne et dégage déjà une très belle idée: celle d'exprimer qui on est vraiment à travers la danse.
Enfin, en filigranes, parallèlement à ces deux attachantes héroïnes vouées à se porter mutuellement en avant, Utatane sait aussi esquisser ce qu'il faut autour de certaines de ses figures secondaires. on imagine bien la présidente Jun et la vice-présidente Tamaki gagner en importance, on observe avec intérêt la dénommée Anjô qui a eu le coup de foudre pour Michiru et qui aura sûrement ses propres évolutions...et, surtout, on reste intrigué par le cas de Shion, cette amie d'enfance et partenaire de longue date de Kiki qui, derrière la rupture de sa paire avec elle, semble en réalité souffrir de certaines choses.
A l'arrivée, l'autrice nous offre alors un premier volume assez saisissant dans son genre. Derrière un style graphique fin et des premiers petits moments de danse tout en grâce et en légèreté, Yuu Utatane dépeint déjà des héroïnes qui, en plus d'afficher une relation prometteuse, sont assez inspirantes dans les idées qu'elles véhiculent. Autant dire que l'on découvrira la suite avec beaucoup de plaisir !
Et côté édition française, la copie est propre: la sobre jaquette est fidèle à l'originale japonaise, le logo-titre est très bien pensé avec sa finesse et sa musicalité, les quatre premières pages en couleurs sur papier glacé sont appréciables, le papier est à la fois souple, assez épais et suffisamment opaque, l'impression est convaincante, la traduction effectuée par Morgane Paviot est claire et retranscrit bien les émotions et le ressenti des filles, et le lettrage assuré par Pierrick Gontero est soigné.