Détonations - Graphic Vol.2 - Actualité manga
Détonations - Graphic Vol.2 - Manga

Détonations - Graphic Vol.2 : Critiques

Zankyô

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 11 Janvier 2019

"Je suis déjà allé trop loin... alors..."

Jeune homme sans repères, Satoru semble s'être métamorphosé depuis qu'il a entamé l'ultime requête de l'ex-yakuza Segawa. Le passage au clan Dôjô pour remettre une offrande s'est achevé de manière sanglante mais lui a permis de reprendre la route avec Daigo, jeune homme travesti avec qui il a pris la fuite. Quant à la visite chez la soeur de Daigo, elle s'est elle aussi achevée de façon brutale avec le suicide de cette femme, laissant derrière elle le petit Kaiya. C'est à trois que ces laissés-pour-compte ont pris la route vers la deuxième famille que Daigo doit rencontrer, mais les événements qu'ils ont traversés ne passent pas inaperçus: Ôkuma du clan Dôjô est déterminé à les retrouver, l'alerte est donné sur la disparition de Kaiya... Et Shimaiko et Masakatsu, le couple chez qui le trio fugitif a trouvé refuge, vont s'avérer bien moins accueillants qu'ils ne semblent l'être. En effet, un matin, Satoru et Daigo constatent avec stupeur que Kaiya a disparu...

La cavale de Satoru et de ses deux compagnons de voyage se poursuit et s'achève au bout d'un deuxième et dernier volume qui fait encore monter d'un cran la brutalité du récit: Tsutomu Takahashi n'épargnera rien dans les événements sombres et durs, et il le fait bien comprendre dès la fin de la partie chez Shimaiko, qui marque pour le traitement réservé au petit Kaiya ou plus encore pour les dernières pages terribles de la fin du chapitre 12, des pages marquant définitivement la suite du parcours de Satoru. Entre la mise en scène brute des différentes mises à mort (une seule est plus occultée: celle de la fin du chapitre 12 justement, à juste raison, mais la double-page marquant la "découverte" du corps imprègne la rétine), le trait sombre et furieux contrastant avec quelques instants plus calmes voire poétiques (des brefs instants de répit montrant ce que Kaiya et Daigo représentent désormais pour Satoru... comme quand il contemple les toits de Tokyo avec l'enfant), les décors noirs et réalistes, ou tout simplement le travail sur le visage de Satoru (qui peut être aussi implacable dans les moments brutaux qu'adouci face à Kaiya), le mangaka bluffe d'un bout à l'autre et semble bien souvent au sommet de son art... Peut-être le grand format, idéal pour profiter du travail graphique de l'auteur, y est-il pour quelque chose. La seule faute de goût dans toute cette énergie visuelle: le petit délire à moitié nympho autour de Shimaiko, inutilement dégoûtant.

C'est donc dans la violence que se poursuit la quête de Satoru, quête finissant par devenir vengeresse, mais visant aussi à protéger ce qui doit l'être, à savoir le petit Kaiya, et visant surtout à essayer de sortir des bas-fonds et d'un monde de "connards" (pour reprendre les mots de Satoru) qui ne fait aucun cadeau. Cela amène tout d'abord Satoru a continuer son immersion dans certains lieux et auprès de certaines personnes en partie marginalisés, et ici ça passe essentiellement par la halte prolongée du jeune homme à Shinjuku-Nichôme, quartier LGBT de Tokyo, une halte ayant un but bien précis pour lui et le poussant à faire certains choix pour parvenir à ses fins vengeresses. Mais cette traversée de différents "bas-fonds", au fil de la série, n'a fait qu'accentuer encore la voie de la violence prise par Satoru, devenu réellement capable d'abattre de sang-froid, les détonations de son flingue sonnant surtout comme autant de preuves d'un désir de s'extirper du monde crasseux. On comprend bien que le jeune homme fait tout ça pour s'en sortir, et aussi pour aider Kaiya à s'en sortir lui-même, mais la violence semble vite être une spirale sans fin...

"Tu sais... je peux pas tomber enceinte... Pourtant, j'ai un enfant..."

Au-delà de toute cette violence rendant souvent Satoru presque aussi effrayant que certaines de ses rencontres, on sent pourtant très bien que le jeune homme a surtout découvert autre chose au fil de son périple: ce que Takahashi met en avant au bout du compte, c'est une notion de famille, chose qui a tant manqué à notre héros pendant son existence, mais qui a aussi manqué à Daigo et Kaiya. Ensemble, ces trois âmes perdues semblent alors de plus en plus former ce qui s'apparente à une famille... Une famille qui certes n'est pas liée par le sang, où les "parents" sont des hommes travestis, où Kaiya n'est pas leur enfant mais ça ne les empêche pas de tout faire pour le protéger comme ils peuvent... Mais en quoi cela les empêcherait-il d'être une famille ? Mine de rien, tout comme ce fut le cas dans sa série Soul Keeper où il abordait Fukushima en se montrant contre le nucléaire, Tsutomu Takahashi aborde ici aussi un sujet très actuel.

"Ensemble... on va fuir loin, très loin... et on s'en sortira..."

Au bout de ces 300 nouvelles pages, on referme la série avec de multiples émotions. Oeuvre marquante, à la fois brutale et sensible, intense d'un bout à l'autre, portée par un trait virtuose où l'artiste semble souvent atteindre des sommets dans son Art, Détonations a de quoi s'imposer comme l'un des mangas les plus réussis de son auteur.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
18 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs