Recueil d'histoires courtes - Kaiu Shirai & Posuka Demizu - Actualité manga

Recueil d'histoires courtes - Kaiu Shirai & Posuka Demizu : Critiques

Shirai Kaiu x Demizu Posuka Tanpenshû

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 26 Août 2022

Suite au grand succès critique et public de The Promised Neverland, Kazé Manga n'a eu de cesse de mettre en avant le duo d'auteurs Kaiu Shirai et Posuka Demizu à travers plusieurs autres publications, et on imagine bien que cela continuera si la collaboration de ce binôme continue à l'avenir. Nous avons donc eu droit à l'artbook officiel de TPN, au gag manga, aux autres artbooks de Demizu, au superbe recueil Miroirs... et en ce mois d'août 2022, c'est le recueil d'histoires courtes des deux mangakas qui nous est proposé, celui-ci étant paru au Japon aux éditions Shûeisha le 3 septembre 2021 et se composant de quatre récits ainsi que de deux bonus. Notons que les quatre histoires principales de ce livre, même si elles n'ont été publiées qu'en 2021, ont en réalité toutes été écrites par Kaiu Shirai quelque temps avant les débuts de The Promised Neverland.

Dans la première histoire de 31 pages, nommée "Le souhait de Poppy", les auteurs nous immiscent auprès d'un reclus qui est pourtant un grand scientifique, à vrai-dire si grand qu'il a créée dans un grille-pain une intelligence artificielle ayant plus que tout un souhait: devenir humain. Grâce à son créateur, Poppy, puisque c'est son nom, acquiert bientôt un corps de petit garçon semblable à un humain en apparence, et entreprend alors non seulement de découvrir le monde extérieur, mais aussi de pousser son reclus de créateur à sortir lui aussi. Cependant, le monde extérieur risque bien de réserver à Poppy quelques surprises qui expliqueront pourquoi le scientifique refuse de sortir... Riche de quelques rebondissements assez bien sentis et rythmant efficacement les choses, le récit joue la carte de la science-fiction pour souligner le lien entre ses deux personnages principaux, tout en surfant un petit peu sur la thématique du racisme et du rejet de ce qui est différent.

Intitulée "Saburô Kôno, le photographe des esprits", la deuxième histoire s'étale sur 45 pages et nous plonge aux côtés d'un jeune garçon qui voit défiler dans l'appartement voisin des locataires ne restant jamais plus de quelques jours, et pour cause: cette habitation serait hantée. Mais un beau jour vient s'y installer temporairement un homme pour le moins surprenant puisque, derrière ses sourires un peu inquiétants, il photographie les âmes pour les emprisonner dans ses photos. Et très vite, l'homme force le jeune garçon à lui servir d'assistant dans cette angoissante affaire... Shirai offre ici une base à tendance horrifique on ne peut plus classique, et pourtant le scénariste montrera une nouvelle fois qu'il ne manque pas de ressources, dès lors que certains rebondissements mèneront le scénario sur une voie un peu plus imprévisible où il y aura même l'évocation de sujets graves autour du harcèlement et du suicide. Plutôt bien senti, donc.

Le troisième récit, "We Were Born", nous plonge, le temps de 31 pages, dans une ville où la guerre civile bat son plein depuis des années, si bien que la violence et les meurtres gratuits y sont omniprésents. C'est dans ce cadre brutal qu'un jour, un malfrat faisant partie d'un gang est sauvé par une petite fille qui le recueille à l'église, sous les yeux approbateurs du Père des lieux. Jeune orpheline ayant grandi dans cette église et ayant constamment le coeur sur la main, la fillette semble enfin proche de connaître le bonheur en devant être adoptée, sans savoir que son adoption cache en réalité une horrible vérité. Alors, le malfrat se résoudra-t-il à faire quelque chose pour la sauver ? Occultant finalement bien vite le contexte de la ville violente en proie à la guerre civile (qui ne sert à rien, en fait), cette histoire finit par prendre des allures de The Promised Neverland de par la tournure de certains de ses rebondissements. pour autant, Shirai évite globalement la redite, offre une histoire rythmée et se suffisant assez bien à elle-même, tout en distillant de rapides réflexions sur la vie et sur les raisons de notre naissance.

Enfin, "DC3", la quatrième histoire de l'ouvrage s'étirant sur 49 pages, nous invite à suivre une jeune fille qui, pour certaines raisons liées à son père qui gère une entreprise de robots, est tout bonnement la collégienne la plus menacée au monde. Constamment traquée par des kidnappeurs, des tueurs ou des paparazzis, elle a appris à se débrouiller toute seule pour s'en sortir, mais cela n'empêche pas son papounet de lui avoir collé aux basques un androïde garde du corps à la pointe de la technologie et qui ne la lâche jamais, à son grand dam ! Car notre héroïne, elle, aimerait surtout rester seule, son passé faisant qu'elle a perdu confiance envers les autres. pourtant, quand une mutinerie a lieu dans l'entreprise de son père et que son garde du corps se dévoile plus, tout risque de changer... Histoire assez pétaradante et rythmée par pas mal d'action, "DC3" reste toutefois, peut-être, la moins intéressante du recueil, en ceci que Kaiu Shirai ne parvient pas à y distiller de petites thématiques un peu plus profondes comme il a su le faire dans les trois précédents récits. Qui plus est, même s'il y a de quoi être diverti par la lecture, la conclusion peut laisser le lectorat sur sa faim, alors même qu'il s'agit du plus long récit du recueil.

Dans l'ensemble, ces différentes histoires s'avèrent bien campées et, surtout, sublimées par la patte visuelle immédiatement reconnaissable de Posuka Demizu, qui ne perd rien de ses décors et designs cachant plein de petits détails et de sa science du mouvement. Et à cet authentique plaisir visuel s'ajoute, pour chacun des quatre récits, une page où Kaiu Shirai revient un peu sur leur conception, ce qui se révèle franchement intéressant.

Mais rappelons que le recueil ne s'arrête pas là: il reste deux chapitres, et tous deux ont de quoi susciter l'intérêt. Le premier, le temps de 13 pages, nous offre un petit prolongement de la première histoire du recueil en nous faisant découvrir, certes très rapidement, la suite du périple des deux personnages principaux. Mais c'est sans doute le deuxième qui intéressera le plus de monde puisqu'il s'agit de l'histoire réalisée par Shirai et Demizu spécialement pour l'exposition de planches originales de The Promised Neverland qui a eu lieu du 11 décembre 2020 au 11 janvier 2021 à Tôkyô. Au programme, donc, l'épilogue de TPN, sur lequel nous n'allons pas trop en dire afin de ne rien spoiler à celles et ceux qui n'auraient pas encore lu la conclusion de la série emblématique des deux auteurs. Signalons juste que, sans être indispensable et même s'il reste très rapide, cet épilogue est assurément sympathique à suivre pour différentes raisons: voir ce que deviennent les personnages, voir ce que deviennent leurs rêves, profiter à nouveau de leurs relations...

Ce recueil est donc tout à fait plaisant à suivre dans l'ensemble. Les histoires imaginées par Shirai, malgré quelques limites (en particulier dans la quatrième), sont bien rythmées et riches de quelques bons rebondissements et sujets un petit peu plus profonds (même s'ils restent en surface), tandis que Demizu excelle une nouvelle fois dans leur mise en images foisonnante et mouvementée. De quoi séduire les grands fans du duo, sans aucun doute.

Enfin, du côté de l'édition, on a droit à quelque chose de similaire à The Promised Neverland et à Miroirs en termes de format, de papier soupe, d'impression convaincante, mais aussi de traducteur puisque l'on retrouve toujours Sylvain Chollet à l'oeuvre. Soulignons aussi la beauté de la jaquette avec son logo-titre doré et reprenant des éléments du logo japonais pour un résultat convaincant.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs