Déchéance d'un Homme (la) Vol.2 - Manga

Déchéance d'un Homme (la) Vol.2 : Critiques

Ningen Shikkaku

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 04 Janvier 2022

Le double-suicide de Yôzô à Kamakura s'est soldé par un échec, échec n'ayant fait qu'extérioriser encore un peu plus le sentiment de faiblesse et de dégoût du jeune homme, lui qui a été incapable de mourir avec sa compagne. C'est alors avec un côté désabusé très marqué et une observation du monde toujours plus cynique qu'il retourne un temps voir la prédatrice Naeko, avant de continuer à errer de femme en femme. Ici, il vit quelque temps avec Nakano, une veuve dont la fille le voit un peu comme un papa, avant qu'il ne décide de fuir cette vie d'homme entretenu, se sentant incapable de tenir le bon rôle auprès de ces deux-là, et regrettant que ses caricatures au succès grandissant ne lui servent qu'à se payer alcool et cigarettes. Là, il retourner s'installer au premier étage du bar de Kyôbashi, où il s'adonne volontiers aux plaisirs charnels avec la patronne. L'alcool n'aidant pas, sa vie lui paraît toujours aussi vaine... et pourtant, les choses pourraient commencer à changer, grâce à une rencontre semblant plus lumineuse qu'aucune autre auparavant.

Cette rencontre, il s'agit de la dénommée Yoshiko, jeune femme aussi mignonne que pure et douce, gérant le eptit tabac en face de l'auberge. Cette dernière et Yôzô sympathisent, s'attirent, jusqu'à s'épouser après quelques discussions qui ont quelque chose de délicieusement candide, de par la façon dont Yoshiko qualifie de "mensonges" les choses négatives que Yôzô dit sur lui-même, comme si elle semblait prête à le prendre tel qu'il est, juste par amour. Et dans les faits, les premiers moments de cette nouvelle vie à deux sont hautement bénéfiques pour Yôzô: son épouse est un vrai soutien moral pour lui, son déménagement avec elle à l'écart de Tôkyô amène une bouffée d'air frais, ses peintures commencent à plaire, il obtient des perspectives de publication grâce à ses mangas, il arrête même de boire... Il le dit lui-même: il s'agit enfin du moment où il est le plus heureux dans la vie. Ce qui signifie donc que, derrière, seule la chute l'attend. Une chute qui va prendre, tour à tour, l'image de certaines hantises passées du jeune homme, ces hantises qu'il avait enfin commencé à oublier: réapparition d'un père toujours aussi tyrannique et le qualifiant de honte de la famille soi-disant car il la déshonore, retour de son "ami" Horiki pour un résultat où ils ne font encore et toujours que comparer leurs échecs et réussites pour voir qui a le dessus sur l'autre, désillusions professionnelles... et, surtout, rapport aux femmes à nouveau malmené. Car le lent retour des vieux démons de Yôzô implique aussi la défiance qu'il se met à avoir envers sa précieuse Yoshiko, qu'il soupçonne de le tromper au point de devenir agressif... A juste titre ou non ? On vous laisse le soin de le découvrir.

Concrètement, le volume suit un schéma assez standard, où les quelques élans de bonheur dans la vie de Yôzô ne font que rendre la chute plus lourde derrière. Mais l'ensemble est très bien mené, porté par la narration vécue directement à travers Yôzô, ce qui nous fait vivre de l'intérieur son regard sur le monde ainsi que sa déchéance noyée dans les illusions. Et sur ce dernier point, après avoir surtout proposé un rendu visuel assez réaliste dans les trois premiers quarts du tome (réalisme tout juste entrecoupé de quelques visions irréelles représentant ces fantômes du passé toujours tapis quelque part en le jeune homme, sans oublier les tableaux cauchemardesques qu'il peint en étant nourri par ses expériences passées); Ito brille dans un dernier quart de volume plongeant son personnages principal dans des illusions infernales complètement hallucinées et malaisantes, où chaque "boule" qu'il vomit représente l'une de ces choses du monde qui le hantent et l'aliènent: le désir d'être respecté (donc le regard des autres), les soi-disant relations amicales (Horiki en tête), les femmes, la famille, le rôle de "bouffon" qu'il se donnait...

Cette adaptation manga du roman de Dazai reste, alors, particulièrement riche et immersive, Junji Ito y effectuant un excellant et approprié travail visuel, et continuant de restituer à merveilles le propos et l'atmosphère de l'oeuvre d'origine, tout en prenant également soin de s'en écarter juste suffisamment pour apposer sa patte.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.25 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs