Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 08 Avril 2024

Lancé au Japon en 2022 sur le site Comics Days des éditions Kôdansha, Danzai Lock est le nouveau manga des éditions Doki-Doki pour ce mois d'avril, et est l'oeuvre de deux autrices déjà connues en France: si l'on retrouve au dessin Masaki Nonoya (aussi appelée Saki Nonoyama) à qui l'on doit aussi la série Enma (publiée par Kana il y a une douzaine d'années), c'est surtout dans le domaine de l'animation qu'est plus connue la scénariste Yasuko Kobayashi, en ayant planché sur de nombreux scripts d'animes parfois très réputés comme L'Attaque des Titans, plusieurs volets de JoJo's Bizarre Adventure, Gambling School ou encore Shakugan no Shana.

Dans le monde de cette série à suspense, toutes les personnes âgées de plus de 15 ans et causant le décès de quelqu'un sont systématiquement condamnées à mort, quelle que soit la nature de leur crime: meurtre prémédité, un accident, un homicide involontaire, légitime défense... Elles sont alors envoyées dans le 6e District Carcéral, une prison à ciel ouvert coupée du reste du monde en étant accessible uniquement par un train, ayant l'allure d'une véritable ville, et où elles se voient attribuer un nombre d'années restantes à vivre selon la gravité de leur meurtre. Ainsi sur place, les prisonniers sont obligés de porter en permanence un bracelet indiquant le temps qui leur reste avant que leur exécution ne se déclenche automatiquement via un collier électrifie situe autour de leur cou. Cependant, au cas où une défaillance du matériel de mise à mort surviendrait, un bourreau est là pour exécuter manuellement les condamnés. Mais ce n'est pas tout, car simplement attendre sa mort plus ou moins longuement dans ce district serait sans doute trop terne sans la possibilité, pour les condamnés, de gagner du temps de vie en plus par divers moyens (travail honnête, jeux, voire activités illégales), mais aussi d'échanger du temps contre de l'argent afin d'acheter diverses choses. En somme, c'est à chacun de gérer comme il le veut son temps de vie restant, tout en ayant en permanence conscience de l'heure de sa future mort...

Les autrices ont ici le mérite de poser vite et bien, de façon suffisamment limpide, toutes les bases de cet univers carcéral peut commun et quelque peu dystopique puisque les condamnations à mort y sont légion. Si l'ensemble est suffisamment limpide et immersif, c'est en particulier parce que l'on découvre tout en même temps que Takaya, jeune garçon arrivant tout juste en train après avoir été condamné suite à un accident, et débarquant sur place en même temps que l'un des personnages principaux de l'oeuvre: Yûshin, un homme qui, derrière son statut de bonze venu remplacer son prédécesseur disparu et devant apporter la bonne parole aux condamnés au moment de leur exécution, cache en réalité en lui une mission bien précise et une profonde haine envers les meurtriers pour une raison inconnue. Sur place, le moine, rapidement pris à parti, ne tarde pas à croiser la route de Kunoji, le bourreau du district.mais derrière son statut de bourreau, celui-ci cache deux aspect intrigants: sa capacité à se montrer empathique envers une partie des prisonniers, et surtout la présence à ses côtés de Konomi, une petite fille de huit, dont la présence en ce lieu est forcément un mystère...

L'un des objectifs de Yasuko Kobayashi derrière cet univers est sûrement d'interroger quelque peu le rapport à la justice et à la mort quitte à déstabiliser un peu d'emblée, dans la mesure où l'on se retrouve dans un monde où la peine de mort est omniprésente, pour quelque raison que ce soit. Et si la première interrogation là-dessus est évidente (jusqu'où la justice peut-elle se permettre d'aller, et est-ce encore une justice dans le cas présent ? ), les questionnements persistent à travers deux personnages principaux dont le caractère est assez contradictoire avec leur fonction: un bourreau assez clément, et un moine estimant que tous les meurtriers doivent être tués. Les deux hommes ne manquent pas, d'emblée, de confronter leur vision, tout en essayant de remplir au mieux leur rôle/mission respectif, quitte à ce que les autrices jouent vraiment sur des visions de justice personnelle très radicale et pouvant indigner. Reste à voir ce que les mangakas comptent faire exactement de tout ça sur la longueur, mais l'on sent déjà que les choses devraient aller plus loin: entre le besoin des deux hommes de s'allier dans un but commun, la raison triste et injuste faisant que la petite Konomi est coincée dans cette ville, et le fonctionnement de ce district pouvant faire tiquer à plus d'une reprise, on imagine facilement que Kobayashi et Nonoya mettront en évidence les errances, les limites, les injustices et les inégalités d'un tel système.

A part ça, il faut avouer que la dessinatrice met efficacement en images tout ceci. Assez malsain et brutal sans être spécialement gore, l'ensemble jouit également de décors soignés et de designs variés, précis et assez acérés dans leur expressivité, ce qui colle facilement avec l'atmosphère souhaitée.

A l'arrivée, il est encore trop tôt pour vraiment se prononcer sur le fond d'un récit qui se met tout juste en place ici et qui, dans son concept, cherche souvent à déranger (mais pas toujours en bien pour l'instant). Mais même s'il faudra attendre de voir comment cette intrigue va se développer pour véritablement se faire un avis dessus, on ne peut nier que tout est bien installé avec clarté et impact, si bien que l'on attendra avec curiosité la suite.

Concernant l'édition française, on a une fort bonne copie, comme souvent avec cet éditeur: jaquette proche de l'originale japonaise et bénéficiant d'un logo-titre soigné et bien dans le ton, papier épais et suffisamment opaque permettant une qualité d'impression convaincante, lettrage très soigné signé Jean-François Leyssène, et excellente traduction de la part de Frédéric Malet.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.25 20
Note de la rédaction