Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 03 Novembre 2022
Faisant partie des figures emblématiques du catalogue yaoi de Taifu Comics de ces dernières années, Ogeretsu Tanaka a fait son retour chez l'éditeur en juillet dernier avec l'un de ses plus récents travaux, Daisy Jealousy, un récit dont les 8 chapitres ont initialement été prépubliés au Japon en 2019-2020 dans le magazine Be x Boy des éditions Libre, avant d'être regroupés en novembre 2020 en un seul volume broché agrémenté d'un court chapitre bonus, pour un total d'environ 250 pages.
On y découvre Misaki, un étudiant qui se donne à fond dans l'animation 3D pour pouvoir, plus tard, créer lui-même des jeux en tant que modeleur 3D et intégrer la société de ses rêves, Gold Games. Le jeune garçon est un véritable bourreau de travail, et personne n'oserait remettre en doute son sérieux, sa motivation et se qualités. Et pourtant, il y a dans sa classe un jeune homme encore plus talentueux que lui: Kaname. Ce dernier semble avoir tout pour lui: particulièrement brillant au point d'être considéré comme un génie par son entourage, beau garçon si bien qu'il attire facilement les filles à lui, il est pourtant un solitaire repoussant toutes les avances et ayant une mien toujours taciturne.
Tout naturellement, Misaki voit Kaname comme un véritable rival qu'il rêve de surpasser un jour, mais les choses pourraient changer le jour où il vient en aide à ce génie peu sociable qui a été victime d'un mauvais coup de la part de certains camarades jaloux. A partir de là, Kaname change du tout au tout à l'égard de Misaki, en se montrant attentionné uniquement avec lui. D'une certaine façon, les deux garçons sympathisent donc ! Mais quand Misaki comprend que Kaname ne le considère même pas comme un rival, il s'emporte et finit par provoquer en son camarade une surprenante réaction, puisqu'il l'embrasse. C'est sur ce geste que Misaki ne comprend pas que les deux garçons se séparent, suivant des voies différentes.
Quatre ans plus tard, Misaki n'a pas pu devenir modeleur 3D comme il le voulait, mais a pu intégrer un studio d'animation CG et ne se plaint pas. De son côté, Kaname a suivi une réussite bien différente en parvenant à intégrer Gold Games, avant de quitter l'entreprise pour s'installer à son compte. Et quand la société où travaille Misaki fait appel à ce génie freelance pour un projet, l'heure des retrouvailles entre les deux hommes arrive, mais pour quel résultat ?
Voici un synopsis bien long pour résumer le début du récit, mais cela spoile peu, rassurez-vous (l'éditeur en dit d'ailleurs autant dans son synopsis en quatrième de couverture), et s'avérait nécessaire pour mettre en avant dans cette modeste chronique l'idée directrice de cette histoire: le tiraillement des personnages et surtout de Misaki entre sentiments et travail. Certes, d'un côté, l'aspect amoureux de l'oeuvre ne propose pas d'originalité particulière et se voit bien venir avec un Misaki qui, petit à petit, va devoir s'interroger sur le sens et la sincérité du baiser donné autrefois par Kaname, puis prendre conscience de son propre attachement pour cet homme. Mais de l'autre côté, il y a l'aspect professionnel qu'Ogeretsu Tanaka évoque plutôt bien, que ce soit en esquissant certaines spécificités de ce genre de travail (les plannings serrés...), et surtout en mettant très bien en lumière le ressenti de Misaki face à Kaname, ce garçon qu'il a toujours considéré unilatéralement comme un rival professionnel, au point de ressentir à son égard un certain tiraillement entre l'amour naissant et la jalousie à cause de son incapacité à le "rattraper". Mais Misaki, pendant tout ce temps, ne se serait-il pas beaucoup trop comparé à lui, au point d'oublier de vraiment le regarder ? Quant à Kaname, il n'est pas oublié, puisqu'on a l'occasion de bien comprendre ce que Misaki représente pour lui qui était autrefois si solitaire et uniquement intéressé par la modélisation.
Tanaka, en s'appuyant sur ses habituelles qualités narratives et visuelles avec un trait précis et profond ainsi que quelques excellents moments de mise en scène (notamment quand certaines pages se font écho), arrive très bien à cristalliser l'évolution de ce duo et leurs tiraillements entre les sentiments et le travail, pour un résultat convaincant et évidemment pimenté de quelques notes érotiques non-censurées comme sait les faire l'autrice.
Enfin, concernant l'édition française, le petit point faible viendra d'une certaine transparence du papier, et le point fort est à cherche dans la présence
d'un très appréciable petit lexique sur les termes spécifiques de ce milieu professionnel. A part ça, le livre est souple et agréable à manipuler, l'impression est bonne, les cinq premières pages en couleurs sur papier glacé sont appréciables, le lettrage est soigné, la traduction d'Isabelle Eloy est convaincante, et la jaquette bénéficie d'un joli effet argenté brillant.