Cuisine du Tengu (la) Vol.1 - Manga

Cuisine du Tengu (la) Vol.1 : Critiques

Tengu no Daidokoro

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 02 Avril 2025

Autrice du très bon thriller de science-fiction Le Roi des Limbes, Ai Tanaka fait son retour dans le catalogue du Lézard Noir en ce début de mois d'avril avec sa dernière série en date, La Cuisine du Tengu. De son nom original "Tengu no Daidokoro" (dont le titre français est une traduction littérale), cette oeuvre compte cinq volumes à l'heure où ces lignes sont écrites, a été lancée au Japon en 2021 dans le magazine Afternoon des éditions Kôdansha, et a permis à la mangaka d'être nominée en 2022 pour le prestigieux prix Tezuka.

On découvre ici l'histoire peu commune du jeune Om, un adolescent de 14 ans qui a grandi à New York et à qui sa famille apprend une étonnante vérité: il est un descendant d'une famille tengu ! Et comme le veut l'usage quand des membres de la famille arrivent à l'âge de 14 ans, il va devoir passer, pendant une année entière, une retraite au Japon, le pays de ses ancêtres. Sur place, il sera logé chez Motoï, grand frère de 29 ans qu'il n'a jamais vu. Derrière l'étonnement, l'adolescent ressent de l'excitation: celle d'être spécial, d'aller vivre dans la moderne capitale nippone pendant douze mois, et d'avoir peut-être de vrais pouvoirs de tengu ! Mais la réalité qui l'attend est tout autre: non seulement ça fait apparemment bien longtemps que les tengu n'ont plus vraiment de grands pouvoirs, mais en plus le mode de vie de Motoï ne correspond pas du tout à ce qu'il imaginait puisqu'il découvre un grand frère complètement dépassé par les technologies (auxquelles il ne prête aucun intérêt), n'ayant d'yeux que pour la nourriture, les cultures dont il s'occupe lui-même et la vie simple dans un cadre de campagne, et dont la demeure traditionnelle et modeste apparaît hors-du-temps au sein de la capitale. D'abord déprimé à l'idée de passer un an là, et agacé à l'idée que Motoï lui cache peut-être des choses sur les capacités des tengu, Om pourrait pourtant bien finir, assez vite, par se laisser peu à peu charmer par ce mode de vie serein et gourmand, tout juste rythmé par les saisons.

Vous l'aurez donc compris: pour cette oeuvre recommandée par l'illustre Kamome Shirahama (l'autrice de l'incontournable L'Atelier des Sorciers, que l'on sait friande de ce type de récit), Ai Tanaka change totalement de registre par rapport au Roi des Limbes, car même si ici aussi l'essentiel repose sur un duo complémentaire de personnages masculins, cette fois-ci elle nous immisce dans une tranche de vie souvent paisible, légère et agréable avec juste ce qu'il faut de fantastique et, surtout une bonne part de cuisine.

L'aspect culinaire est effectivement ce qu'il y a de plus prégnant dans ce premier opus, puisque chaque chapitre est l'occasion pour Tanaka d'évoquer un ou plusieurs mets gourmands dont elle décortique vite et bien les recettes: noix caramélisées, gyozas bouillis aux aubergines, karaage omusubi... le tout ayant la bonne saveur du fait maison puisque Motoï, en plus de tout cuisiner lui-même et d'éviter le gâchis (car un plat raté par son petit frère pourra être rattrapé d'une autre façon), s'appliquer aussi, quand il le peut, à faire ses propres cultures, ses propres récoltes et ses propres cueillettes, un aspect nous valant aussi des informations annexes, par exemple sur les différents type d'herbes aromatiques que l'on peut trouver dans la nature.

C'est précisément dans cette façon d'être du presque trentenaire que ce début de série charme le plus: à travers des planches où ses moments culinaires sont soigneusement exposés, et même s'il reste souvent assez peu expressif, on le sent passionné par la cuisine et heureux et paisible quand il en fait et quand il effectue toutes les tâches antérieures (semer, récolter selon les saisons...), pour un résultat qui a quelque chose de très serein, paisible et agréable, d'autant plus quand on voit le jeune Om, plus vif, expressif et moderne, commencer à trouver du bon dans cette autre façon de vivre, auprès d'un frère qu'il apprend assez vite à apprécier...et d'autres personnages secondaires qui ne demandent qu'à être peaufinés mais qui sont déjà assez truculents, à l'image de Yui, un pote tengu de Motoï qui a déjà un don pour taper un peu sur les nerfs d'Om, et surtout de Mugi, le brave toutou affichant sa très bonne bouille sur la jaquette et réservant déjà une petite surprise haute en couleurs.

L'aspect fantastique, lui, est dosé juste comme il le faut pour apporter une saveur supplémentaire sans être top envahissant. Dans cette retraite traditionnelle que l'on peut surtout voir comme une sorte de passage à l'âge adulte pour Om, Ai Tanaka distille juste suffisamment de détails autour des tengu et de la spécificité de Motoï qui en fait un tengu unique au monde. Quant au rendu visuel, il est aux petits oignons pour une série de ce style: en plus de découpages méticuleux et sereins que l'on a évoqués précédemment, l'autrice peut aussi compter sur ses décors immersifs à souhait (mention spéciale à la maison traditionnelle, vieillotte et tranquille de Motoï, très bien rendue sous tous les angles quand il le faut) et sur ses designs très propres, notamment la bonne tête de Mugi et l'expressivité entraînante d'Om qui contraste bien avec l'allure plus calme de son frère.

Si vous aimez les tranches de vie rassérénantes, qui plus est avec des personnages colorés, une part culinaire savoureuse et une touche surnaturelle, le tout dans un Japon qui semble presque hors du temps malgré le contexte contemporain, La Cuisine du Tengu a alors tout d'une bonne pioche, dont on découvrira la suite avec délectation.

Et côté édition française, on a quelque chose de très bon avec une jaquette fidèle à l'originale japonaise, un logo-titre sobrement adapté, un lettrage très propre, une traduction soignée de la part de Laurent Lemercier, et une qualité de papier et d'impression convaincante.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction