Couvent des Damnées (le) Vol.1 - Actualité manga
Couvent des Damnées (le) Vol.1 - Manga

Couvent des Damnées (le) Vol.1 : Critiques

Hengoku no Schwester

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 19 Janvier 2017

Critique 2


En 1542, dans un petit village du sud-ouest de l’Allemagne, vivait Ella, petite fille de la campagne : vêtue tel un souillon, doté d’un coeur plus grand qu’à la normale et de l’espoir plein le regard. Assez vite, la fille à l’épi rebelle se fait remarquer par son entourage : elle semble être habitée par un étrange feu. Ses parents la mettent en vente... eux qui craignent les pressions voisines et souhaitent, au passage, se faire un peu de fric. Durant la nuit, et avant de passer à la caisse, Ella parviendra à s’enfuir. Par chance, l’indocile sera recueillie par une jeune et bienveillante demoiselle : Angelika, une guérisseuse-herboriste. Les deux filles vivront un petit bonheur : Ella ira jusqu’à considérer Angelika comme sa véritable mère ; néanmoins, tout cela ne fera que tourner au vinaigre : accusées de sorcellerie, Ella et Angelika seront séparées par des représentants de l’Eglise. Ella sera exilée et enfermée dans un couvent-prison où les bonnes soeurs seront loin d’être pures... Quant à Angelika, on ne risquera point de la revoir...

Tant au Japon qu’en France, « Le Couvent des Damnées » se veut la première oeuvre publiée de Minoru Takeyoshi ; alors même que prépubliée sur le mensuel « Gekkan ! Spirits » dont les planches sont, pour le moment, rarement reprises dans l’hexagone. En cours de publication sur l’archipel nippon depuis la mi-2015, « Le Couvent des Damnées », ou « Hengoku no Schwester » de son titre original, aura quelque peu su tirer son épingle du jeu pour se distinguer progressivement au fil de sa parution. Oui, il fit parler de lui au point d’attirer l’attention de mangakas davantages aguerris à l’instar, notamment, de Hiromu Arakawa : c’est en tous les cas ce que tente de nous rappeler cet autocollant rouge qui apostrophe la première de couverture du présent volume. Et si Hiromu Arakawa ne se voudra sans doute point le gage d’une transcendance particulière, celle-ci aura néanmoins su capter un vaste lectorat.

Le contexte historique est celui de la fin de l’ère médiévale avec tout ce que de particulier à cette vieille Allemagne d’autrefois. L’auteur insiste spécialement sur la montée en puissance d’un courant religieux initié par un théologien nommé Martin Luther : le protestantisme. L’accent est également mis sur l’inquisition : sortes de juridictions religieuses qui constatent le fait incriminé lorsque celui-ci se produit et jugent à chaud : un système judiciaire source d’exactions et d’injustices systémiques : si les curetons avaient un master en droit pénal ou un doctorat en droit des procédures judiciaires cela se saurait. C’est dans cette atmosphère de voyeurisme religieux que Minoru Takeyoshi construit un climat de chasse aux supposées sorcières, lesquelles, en réalité, ne sont que les personnes qui entendent d’autres explications que celles avancées par une Eglise tant abêtissante que dégoulinante. 

C’est ainsi que la très jeune Ella se retrouvera dans une sorte de couvent des horreurs pour un petit lavage de cerveau bien programmé... Petit à petit, derrière les ambiances feutrées des jardins colorés et par-delà l’abondance des repas rabelaisiens, se dévoileront les abominations d’un autre temps : des ignominies ficelées par Madame Edelgard, la grande maîtresse de l’ordre Claustrum, celle-là même qui priva Ella de sa mère de substitution. D’ailleurs, Ella n’a qu’un seul et unique objectif en tête : venger Angelika,... venger « maman » comme elle le dira si bien ; et, pour cela, rien ne semblera, manifestement, pouvoir la répugner. La rivalité entre Ella et Edelgard est dépeinte au travers d’un objet pour le moins bien trouvé : le mythe de la vierge de fer : un instrument de torture construit au dix-neuvième siècle. Cependant, l’imagination d’un tel instrument de mort afin de châtier les mécréants remonterait à des écrits du seizième siècle : et c’est précisément de cette brèche – de ce flou – dont l’auteur va se servir.

Le récit bénéficie d’un dessin très – trop ? – contemporain et pour ne point dire uniforme et lisse : difficile parfois de faire le tri et de reconnaître le personnage au centre de l’action, lesquels protagonistes, par ailleurs, manqueront, à ce stade, de singularité ; on ne sait rien de ceux-là : quels sont leurs rêves ? Qu’aiment-ils en ce bas monde ? Une très faible diversité du chara-design se couplant parfois à des évènements qui s’enchaînent dans une intensité particulière alors même que l’auteur use et abuse de passages très racoleurs tels que celui lors duquel les jeunes filles doivent écarter les cuisses sur une étrange chaise afin d’entériner leur statut de pucelle. Toutefois, ce premier tome aura posé de nombreux éléments qui pourront servir, par la suite, un récit davantage pertinent ; en tous les cas, il serait probablement fort dommage de laisser Ella à ce stade des opérations, d’autant qu’il ne s’agit que du premier jet de cet auteur.

L’ensemble est porté par une édition assez ordinaire : couverture appréciable, papier fin, point de page couleur et imprimé à l’étranger. La traduction se veut bonne, d’autant que cela n’a point dû être aisé afin de conserver l’accessibilité du titre tout en conservant quelques particularités historiques. Globalement, la lecture est plutôt agréable. Cependant, il pourra être estimé que ladite édition demeure en deçà de ce qu’aurait pu être en droit de mériter cette série ; mais ce n’est point quelque chose de nouveau avec ce Glénat d’aujourd’hui. 


Critique 1


Comme à chaque début d’année, c’est un lot de nouvelles œuvres qui atteint nos contrées. Du côté de Glénat, l’éditeur aborde 2017 sous le signe de la haine et de la vengeance avec Le Couvent des Damnées, un titre signé Minoru Takeyoshi qui se dévoile sur sa toute première série. L’œuvre fait quelque peu parler d’elle au Japon puisqu’après seulement quatre tomes, Hiromu Arakawa et Makoto Yukimura signalent déjà leur addiction à la série.

Au XVIe siècle règne l’Eglise, un contexte historique impitoyable pour les individus ordinaires qui pouvaient se retrouver condamnés à mort du jour au lendemain. Ella n’a pas connu un début de vie facile dans ces conditions. Abandonnée par sa première famille, elle est recueillie par Angelika, sage-femme dont la mission n’était autre que concevoir des médicaments et soigner ses patients. Accusée de sorcellerie, la nouvelle mère d’Ella lui est rapidement retirée, contraignant la jeune fille à intégrer le Château du Partage des Eaux, un couvent destiné aux filles de sorcières. Mais c’est une vengeance plus qu’une rédemption que va vouloir caresser Ella qui refuse d’oublier les horreurs qu’elle a connues.

Avec Le Couvent des Damnées, Glénat nous propose un nouveau périple de vengeance aux côtés d’Ella, une jeune fille à qui la vie n’a jamais fait de cadeaux. Dotée d’un tempérament particulier qui lui a valu le rejet des siens avant de connaître enfin un bonheur qui lui sera aussi retiré, c’est bien une contre-attaque contre la société religieuse qui l’entoure que prépare l’héroïne de la série de Minoru Takeyoshi, un auteur qui a le mérite de démarrer sa toute première série par une amorce lourde, hargneuse et qui prend rapidement aux tripes. Dans ce contexte de Renaissance, l’auteur décortique un monde ancien où la religion a la mainmise sur la vie de chaque humain. Il n’en faut alors pas tellement plus à l’auteur pour accentuer la morosité du quotidien d’une enfant particulière et des malheurs qu’elle peut être amenée à connaître. Toute la première partie du tome constitue alors une entrée en matière particulièrement pessimiste et qui ne manquera pas de nous pincer le cœur. Car si Ella est une enfant particulière, elle n’en reste pas moins attachante et c’est de manière logique que le lecteur subit sa funeste enfance en même temps qu’elle.

Mais ce n’est là que l’amorce d’une quête de vengeance puisque le cœur du récit se déroulera dans un couvent, et un couvent particulier. Difficile alors d’en dire davantage, car c’est à partir de là que le récit va prendre de l’épaisseur et développer une intrigue plus dense qu’il n’y paraîtrait. Bien sûr, il y a d’abord la volonté de revanche de l’héroïne sur ceux qui lui ont tout pris, un parcours semé d’embûches que le mangaka complexifie à chaque page en développant l’engrenage sans fin que représente le couvent, mais c’est bien en ce point que l’histoire prend une certaine ampleur et cache une trame qui demande approfondissement. A ce titre, Le Couvent des Damnées agit comme une mise en abîme, une intrigue dans l’intrigue qui nous expliquera au final un enjeu totalement autre, une bataille entre l’Ordre et la Rébellion qui se développera très certainement au fur-et-à-mesure.

Notons que dans ce premier tome, Minoru Takeyoshi démontre un style déjà vu, mais qui a le mérite d’appuyer une ambiance particulièrement oppressant d’un bout à l’autre. Son trait et ses formes n’ont rien de particulièrement original, en revanche c’est le travail de l’auteur sur l’ambiance globale qui sert parfaitement le temps du récit. La mise en scène se veut alors légère quand il le faut, jusqu’à dégringoler pour symboliser la descente aux enfers de l’attachante héroïne. Pour le reste, le doute et la haine marquent le style du mangaka qui nous plonge ainsi dans l’état d’esprit d’Ella, la colère qui l’habite et les doutes qu’elle entretient sur tout ce qui l’entoure. Chaque personnage qui entoure l’héroïne nous apparaît ainsi suspect, y compris ceux qui agiraient de manière bienveillante à son égard. La dernière partie du tome sait faire le point entre les alliés et les ennemis de la protagoniste, mais preuve que le récit a besoin de ces éclaircissements tant l’esthétique de l’auteur est volontairement malsaine.

Du côté de l’édition, Glénat nous offre une copie convaincante. La traduction de Yohan Leclerc s’avère tout à fait honorable et la conception de l’ouvrage, si elle est sans grands défauts, est assez basique : encre qui ne bave pas, papier très fin, absence de pages couleurs… On aurait apprécié, pour un ouvrage de ce ton et de cette maturité, quelques efforts éditoriaux bien que la couverture, sur un papier couché mât, est du plus bel effet.

Sur ce premier tome, Le Couvent des Damnées s’inscrit dans un registre presque médiéval prétexte à une intrigue pessimiste, narrant le périple sans scrupule de son héroïne. Mais à côté de ça, le récit de Minoru Takeyoshi sort son épingle du jeu par un style graphique qui sert son ton oppressant, un scénario critique contre le fanatisme qui développe totalement ses idées, et la possibilité à l’histoire d’évoluer de mille et une manières possibles. Une bonne surprise donc, et on espère que la suite nous captivera encore plus !


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Alphonse

14.5 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs