Corps Solitaires Vol.1 - Actualité manga
Corps Solitaires Vol.1 - Manga

Corps Solitaires Vol.1 : Critiques

Anata ga shite kurenakute mo

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 21 Décembre 2020

La collection Life des éditions Kana est assurément une des plus jolies surprises éditoriales de l'année 2020, un peu de baume au cœur des lecteurs pour une période compliquée. Ciblant des romances et des tranches de vie matures, le label nous a aussi fait découvrir Haru Haruno, une mangaka qui s'est initialement lancée avec le court "Bokura wa Jibun no Koto Bakari" (deux tomes, inédit en France) puis rencontrer plus de succès avec Corps Solitaires, dont le premier opus nous est parvenu au mois d'octobre.

Publié au Japon sous le titre "Anata ga Shite Kurenakute mo", le manga paraît dans le magazine Manga Action des éditions Futabasha. Un seinen donc, et qui atteindra prochainement les 6 opus sur le sol nippon, sans que sa fin ait été confirmée à ce jour.

Cette histoire contée par Haru Haruno est celle de Michi et Yô, un jeune couple dans le début de la trentaine formé depuis de nombreuses années déjà. Une relation désormais bien installée qui est largement entré dans sa routine, à tel point que les deux concubins ne font plus l'amour, ce qui ne manque pas de frustrer Michi. Malgré ses tentatives et relances, elle et Yô ne consomme plus leur couple, l'homme invoquant tout un tas de raisons. Le quotidien de la jeune employée va changer au contact de Makoto Niina, un collègue de la même génération qu'elle, qui va convient à Michi que lui aussi ne fait plus l'amour...

La collection Life des éditions Kana nous a habitué à aborder des sujets sérieux d'adultes, comme le montrait notamment Just Not Married de Kinoko Higurashi, qui montrait justement la routine d'un couple de jeune adultes bien soudé. La thématique peut sembler similaire dans ce premier opus de Corps Solitaires, exception faite que le sujet s'oriente cette fois sur les relations sexuelles d'un couple de longue date.

L'histoire est donc celle de Michi, prête à toutes les tentatives pour faire comprendre à Yô ce qui ne va pas dans leur couple. Ce début d'intrigue se contente alors de ce postulat de base pour faire évoluer les choses : La jeune femme va réaliser à quel point cette absence de rapports sexuels la perturbe, puisqu'elle ira jusqu'à remettre en question leur relation, ce soucis de couple ne se limite pas à la simple frustration sexuelle. Et de notre côté, il s'établit peu à peu toute une curiosité sur l'absence d'envie de Yô, en plus de celle de découvrir à quel point la protagoniste de cette histoire évoluera au contact de Niina, son collègue rencontrait les mêmes problèmes conjugaux, mais aussi de Hana, son amie qui est son inverse opposé dans son rapport très libre, pour ne pas dire imature, avec les relations amoureuses.

Un petit programme qui s'établit alors correctement sur ces premiers chapitres, particulièrement prenants et habiles dans leur manière de présenter ce dilemme comme un vrai poids du quotidien pour Michi. En ce sens, difficile de ne pas se prendre d'empathie pour le personnage, sincère et prête à tous les efforts possibles, se fiant à chaque promesse de son compagnon, quand celui-ci attise au contraire toute notre véhémence. Et c'est peut-être la principale limite de ce premier volume, son manque de nuance. Si chaque questionnement semble bien dosé dans cette amorce, ce n'est pas forcément le cas pour Yô et son atitude de fumiste, fermé au dialogue et ne comprenant jamais la détresse de sa compagne. C'est d'autant plus frustrant que le titre pose de réelles questions sociétales sur la place du sexe dans la vie conjugale, l'attitude de Yô bloquant alors une authenticité de traitement. Reste que ceci n'est qu'un premier tome et que la série comme ses personnages ont le temps d'évoluer, et qu'un regard plus global pourra être engendré via la lecture sur son long terme.

Mais là où Corps Solitaires demeure plaisant dans son premier tome, c'est sa manière d'éviter les écueils. Là où un récit très codifié et enclin à surenchérir dans le drame se serait peut-être déjà tourné vers l'idée de l'adultère, il n'en n'est pour le moment rien. Yô reste fidèle à lui même sans s'enfoncer, tandis que la relation entre Michi et Niina est particulièrement bien croquée car aussi complice que carrée.

Et dans tout ça, la patte graphique de Haru Haruno est de splus saisissantes. Son trait a quelque chose de vivant mais aussi de candide sans trop en faire, dans le sens où ses personnages font tout à fait leur âge en démontrant un côté immature qui sied à leurs conditions respectives, celles de jeunes adultes à qui il manque quelque chose pour un total épanouissement. En terme de narration, la réussite est aussi là, tant chaque case permet de saisir les intentions d'un personnage ou ses émotions, ce qui n'est pas du luxe dans une œuvre ou l'absence d'ouverture à l'autre et le non-dit sont au cœur de l'intrigue.

La mangaka nous offre ainsi un début convaincant pour Corps Solitaires, titre qui aborde certaines questions légitimes dans la vie d'un couple au stade de la trentaine. Encore une fois, les éditions Kana ne s'y sont pas trompées en proposant le titre à une bonne tranche de leurs lecture qui a grandi et connait actuellement ce type de réflexion. Et malgré un peu d'ombre au tableau, qui pourrait disparaître selon le traitement des futurs opus, cette entrée en matière est grandement satisfaisante par son héroïne attachante et sa manière d'éviter quelques clichés.

Côté édition, on saluera la traduction de Pascale Simon qui sonne juste, et qui développe un ton tout à fait en phase avec ce récit légèrement torturé où les faux-semblants de couple constituent le quotidien de Michi et Yô. On regrettera simplement l'omniprésence du suffixe "-chan" pour marquer la relation entre les deux principaux concernés, celle-ci n'étant pas nécessaire pour retranscrire la solidité du couple.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs