Clown Doctor - Actualité manga

Clown Doctor : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 25 Janvier 2024

En fin d'année 2023, les éditions Nazca publiaient en France Clown Doctor, un one-shot taïwanais d'environ 130 pages au format manga, où la dessinatrice Cory, déjà connue en France pour les titres Why Not? et Make a Wish publiés exclusivement en numérique sur Mangas.io, met en images une oeuvre imaginée par Feng Shi avec l'aide de l'éditeur Mirror Fiction. Et Cory étant présente ces jours-ci en France, sur le stand de Nazca au FIBD d'Angoulême, l'occasion semblait idéale pour enfin revenir sur cet ouvrage quelques semaines après sa parution dans notre langue !

Sortie à Taïwan en 2020, cette oeuvre aborde un sujet peu courant, à savoir celui des docteurs clowns ayant la tâche d'égayer régulièrement la vie des patients hospitalisés voire gravement malades à l'hôpital pour leur faire oublier un tant soit peu leurs plus sombres pensées. Un sujet que Feng Shi a eu le désir d'aborder en voyant notamment la fin de vie de son propre grand-père. Avec le soutien de leur éditeurs taïwanais, l'auteur d'origine et Cory ont ensuite pu, dans la foulée, offrir à ce récit une version en format manga, comme l'expliquent très bien les textes bonus présents dans le livre.

On suit ici Xiao Han, étudiante de 17 ans qui a récemment dû faire face, avec ses parents, à un terrible drame: la mort de sa petite soeur de 7 ans Chen Qi-en, qui a fini par succomber face à la maladie cardiaque qui la touchait depuis longtemps et qui l'obligeait à être hospitalisée en permanence sans avoir le droit de sortir. L'adolescente et ses parents avaient beau s'être préparés à cette inévitable issue dramatique, il y a des choses dont on se remet forcément très, très difficilement, plus encore dans le cas de Xiao Han qui a laissé là de gros regrets: entre ses parents qui fort logiquement s'occupaient avant tout de sa petite soeur, sa fuite dans les études et le lieu terrible que représentait alors l'hôpital pour elle (le lieu où sa soeur condamnée était continuellement "emprisonnée"), elle a fini, alors même qu'elle adorait Chen Qi-en, par se trouver des excuses pour ne plus aller la voir, jusqu'à se trouver lâche et profondément regretter de ne même pas avoir su assister à ses derniers instants pour lui dire au revoir. Depuis, le comportement de la jeune fille a changé: elle vient elle-même errer dans l'hôpital où sa soeur se trouvait, comme si elle y cherchait encore la présence... et c'est précisément cette errance qui va la placer devant la tâche si particulière de docteur clown.

Tout naturellement, il semble difficile de ne pas ressentir une certaine émotion à la découverte d'un drame dont le fond est si humain, et où l'on sent bien que la possibilité pour Xiao Han de devenir docteur clown est notamment l'occasion pour elle d'apaiser son coeur face aux regrets et autres moments durs qu'elle a pu emmagasiner: à défaut d'avoir su être là pour sa petite soeur, elle apprendra à le devenir pour les autres patients et en particulier auprès d'enfants atteints de maux terribles, jusqu'à une conclusion où c'est également le deuil de ses parents et son propre deuil qu'elle devra tâcher d'apaiser, pour que tous parviennent à repartir de l'avant.

C'est forcément joli et touchant, d'autant plus que pour appuyer ça Cory offre un rendu visuel assez maîtrisé, qui véhicule les émotions de manière appuyant tout en évitant d'en faire trop, afin de ne pas être excessivement tire-larmes. Mais cela suffit-il à faire un one-shot totalement abouti ? Eh bien malheureusement non: Clown Doctor a ses limites, qui sont sans doute surtout dues au format court de seulement 130 pages. Cory l'avoue elle-même: au vu de la densité du récit d'origine, elle a dû faire des choix, occulter des choses pour que tout tienne en un nombre limité de pages, et ça se ressent assez régulièrement. Même si l'on ressent facilement la délicatesse d'un tel travail où il faut réussir à égayer les patients, à monter des activités efficaces et à garder le sourire dans des situations parfois très éprouvantes (qui ne serait pas ému devant une enfant leucémique, franchement ?), on aurait pu espérer un peu plus d'approfondissement sur la force de caractère pour "garder le contrôle" et sur la formation suivie par Xiao Han. Au lieu de ça, on se dit que certains choix d'adaptation sont moins judicieux, à l'image du semblant de romance s'installant entre l'héroïne et son binôme, si expéditive qu'elle occupe tout compte fait quelques pages pour rien.

A l'arrivée, il est dur de poser une note sur un tel ouvrage. D'un côté, le fond est vraiment beau et humain, le sujet abordé reste rare, et l'on voit facilement pourquoi l'oeuvre a remporté la médaille d'argent au 15th Japan International Manga Award. De l'autre côté, il est difficile de ne pas repérer les limites dues au format court de l'ouvrage. on aurait assurément aimé pouvoir se plonger plus longtemps dans cette histoire, néanmoins l'essentiel est bel et bien assuré, et en prime on sent bien les efforts de Nazca pour proposer une édition à la hauteur avec, en plus des textes de l'équipe taïwanaise du projet, la présence d'une préface de la Fédération Française des Associations de Clowns Hospitaliers, deux pages d'informations sur certains outils propre à la fonction de docteur clown, ainsi qu'une petite interview. A part ça, soulignons aussi le joli grand format de l'édition, les éléments en vernis sélectif sur la jaquette, la très honnête qualité de papier et d'impression, le lettrage assez soigné de Romain Pregnolato, et la traduction très claire de Léa Chow.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs