Chroniques des 7 cités Vol.1 - Actualité manga
Chroniques des 7 cités Vol.1 - Manga

Chroniques des 7 cités Vol.1 : Critiques

Nana Toshi Monogatari

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 16 Février 2022

Lancées l'année dernière, les éditions Noeve ont multiplié les annonces de licence, et c'est tout logiquement que les différents titres pointent progressivement le bout de leur nez en librairie. Février 2022 marque le lancement de Chroniques des 7 Cités, un manga court en cinq volumes sur lequel il y a pourtant bien à dire, ne serait-ce sur ses auteurs.

A l'origine de cette histoire, c'est ni plus ni moins que le légendaire Yoshiki Tanaka que nous retrouvons. Romancier prolifique, à l'origine des œuvres phares que sont Les Héros de la Galaxie ou Les Chroniques d'Arslan que nous avons connues sous différentes formes, de l'anime aux adaptations manga modernes respectivement signées Ryû Fujisaki et Hiromu Arakawa. C'est en 1986 qu'il lance la série de romans en cinq volumes Nana Toshi Monogatari, adaptée en manga en 2017 par un certain Ikumi Fukuda.

Ce dernier n'est pas un nom anodin pour Noeve, puisque c'est sous l'identité de plume Kotteri qu'il dessine l'envoutant Veil dont les ouvrages sont à mi chemin entre la bande dessinée et le recueil d'illustrations, le tout garni d'une empreinte littéraire par moment. Après avoir oeuvré sur un manga lié au jeu-vidéo Shin Megami Tensei IV, c'est en 2017 que l'artiste s'attaque à l'adaptation du roman de Yoshiki Tanaka, une série prépubliée dans la revue Young Magazine the 3rd de l'éditeur Kôdansha, et qui prendra fin avec son cinquième tome en 2019.
Noeve ayant établi une relation particulière avec Ikumi Fukuda / Kotteri, et les lecteurs francophones ayant eux aussi succombé aux charmes de la patte du mangaka, le récit est dévoilé chez nous sous le titre Chroniques des 7 Cités lors de la vague d'annonces de l'éditeur en mai 2021. Autant dire que fans de l'artiste comme des œuvres de Yoshiki Tanaka avaient de quoi être comblés.

L'histoire projette un futur apocalyptique, dans lequel un événement nommé « Grand Renversement » aurait provoqué une succession de catastrophes conduisant à l'extinction de l'humanité en l'an 2088. Les rescapés sont ceux qui ont trouvé refuge sur la Lune, et regagnent leur planète natale jusqu'à la repeupler à travers sept nouvelles nations. Près de cent années passent, et les guerres d'autrefois frappent de nouveau au sein du genre humain, telle une boucle infinie.
En 2190, le pays d'Aquilonia est sous le choc : Attaqué par New Camelot, nation rivale avec laquelle ils se partagent l'Océan Arctique, la guerre est déclarée. Leader fraîchement nommé à la tête de l'état, le Duce Nicholas Bloom vient retrouver dans la panique son vieil ami, Ryû Wei, un parlementaire atypique aux dons de négociation étonnants auquel il demande conseil. Le conflit étant imminent, Ryû suggère de confier la direction des hostilités à la personne la plus apte à la tâche, le tout aussi original Almaric Asvar, médecin de guerre reconverti en soldat confirmé.

C'est sur ces bases de tensions géopolitiques sur une Terre chamboulée que débute Chroniques des 7 Cités, sans mettre l'accent sur son contexte de science-fiction. Que ce soit la colonisation préalable de la Lune ou la catastrophe qui a frappé la planète, tout semble pour le moment prétexte pour présenter ce réagencement du globe par ces nouvelles nations, quand bien même quelques petits indices peuvent laisser croire que le récit ira au-delà.

Dès le premières pages, une crainte s'installe néanmoins, celle d'une surcharge de données quant au fameux contexte géopolitique. Avec cette histoire, ce sont sept nations qui nous sont inconnues qui sont présentées, mais l'exposition se limite finalement à une carte de cette Terre neuve avant de se centrer sur les mésaventures ciblant le territoire central du récit, le pays d'Aquilonia. Et c'est sans attendre que l'intrigue de Yoshiki Tanaka lance les hostilités en amorçant une invasion d'un pays voisin, New Camelot, forçant notre poignée de personnages principaux à prendre les devants pour réfléchir de manière pertinente à une défense solide. A cette politique se greffe donc un récit martial fortement axé sur la stratégie, le victoire étant promise au pays qui mènera la plus fine tactique plus qu'à celui qui déploiera la plus grande armée de navires.
Aussi, l'originalité du titre vient de sa présentation de la guerre, pour l'heure exclusivement ancrée par des voies maritimes, un choix là aussi justifié par la situation initiale. Outre l'esthétique que cela apporte, on peut aussi y voir une volonté d'époque de l'auteur de créer une sorte d'équivalent terrestre à son célèbre Les Héros de la Galaxie, puisque cette vision militaire n'est pas le seul point commun qui connecte les deux œuvres.

Au delà de l'inventivité guerrière par les stratégies déployées, ce sont par ses personnages que le premier tome de Chroniques des 7 Cités déploie toute son intelligence. Ainsi, les deux héros d'Aquilonia que sont Ryû et Almaric sont des originaux confrontés à leur hiérarchie, tandis qu'il rival dans le camp opposé prendra aussi de l'ampleur au fil des chapitres. Trois personnages brillant de charisme et aux tempérament singuliers opposés aux caractères de leurs supérieurs. Si on peut voir une sorte de manichéisme de ce côté, cette écriture sert à la fois à nous faire apprécier ces protagonistes (un exercice totalement réussi) tout en amenant du propos dans ce début d'oeuvre. Loin d'être une histoire pro militaire, le manga a à cœur de pointer du doigt l'absurdité des conflits orchestrés par copinage ou égocentrisme d'individus qui ne pensent qu'à leur petite personnage. Un discours loin d'être révolutionnaire mais qui fonctionne, encore une fois, par la présence des trois personnes principaux, affirmés et censés, auquel le lecteur a le loisir de s'identifier malgré leurs singularités de caractères.

Et si on évoquait plus tôt le parallèle avec Les Héros de la Galaxie, autre œuvre de Yoshiki Tanaka, c'est parce que ces héros partagent des facettes communes avec l'ingénieux Yang Wen-Li, et même avec Reinhard Von Lohengramm concernant l'un d'entre eux. Des points commun psychologiques et physiques qui laissent croire qu'il y avait un vrai paterne d'écriture chez l'auteur, à l'époque. Les thèmes sont, eux aussi, dans la droite lignée du space opéra du romancier, bien que plus condensés. Les œuvres du romancier semblent complémentaires, aussi votre serviteur ne peut que recommander la lecture des Héros de la Galaxie en parallèle à celle de Chroniques des 7 Cités. Bien entendu, ce sera au bout des cinq tomes que nous pourront juger plus objectivement de ce parallèle, car le présent manga pourrait très bien trouver une voie plus personnelle dans les quatre opus suivants.

Enfin, il serait impensable de ne pas évoquer le travail d'Ikumi Fukuda, adaptant le récit avec beaucoup d'aisance afin de rendre une lecture fluide qui ne nous perd jamais, malgré ses enjeux complexes. Visuellement, sa patte fait des merveilles, et il est presque amusant de voir ce style que nous avons découvert avec l'énivrant Veil adapté à un registre différent, et traduit par plus d'excentricité. Le mangaka donne une véritable vie au récit, mention toute spéciale au personnage d'Almaric dont le caractère est transcendé par le travail de l'artiste sur ses expressions. Au-delà d'avoir un récit passionnant, nous avons aussi droit à une lecture artistiquement superbe et riche en énergie.

Chroniques des 7 Cités s'offre un bon démarrage, clair et prenant, aux côtés de personnages fascinants et l'ensemble garni de passionnants enjeux politico-militaires, saupoudrés de thématiques bien menées qui mériteront plus d'aboutissement dans les prochains volets, le tout sous le superbe crayon d'Ikumi Fukuda. Tout ce qu'on espère désormais, c'est que le format en cinq tomes soit assumé, et que l'œuvre n'ait pas été stoppée en cours.

Côté édition, c'est comme de coutume que Noeve offre un excellent travail. Pas de grandes fantaisies sur la couverture comparé à d'autres titres (comme Rent-A-Girlfriend ou Welcome to the Ballroom), mais un papier mat aux différents effets de reliefs et de vernis sélectif, pour une jaquette sobre mais jolis comme il faut. On saluera aussi la traduction de Yukio Reuter, offrant un texte qui retranscrit habilement le ton du récit et les personnalités de personnages, ainsi qu'une adaptation graphique inspirée par le studio Clair Obscur sous la supervision de Kevin Druelle.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs