Chef gourmet de la dernière heure (le) Vol.1 - Actualité manga
Chef gourmet de la dernière heure (le) Vol.1 - Manga

Chef gourmet de la dernière heure (le) Vol.1 : Critiques

Kyuukyoku no Chef wa Oishinbo Papa

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 06 Octobre 2021

Difficile de passer à côté de la carrière d’U-Jin lorsque l’on dresse la longue liste des mangakas qui ont marqué l’histoire du média en France. Trop en avance sur son temps, la publication d’Angel avait créé la polémique durant la seconde moitié des années 90 en s’attirant les foudres de la censure. Et au cours des années 2000, l’auteur aussi talentueux que scandaleux a accompagné les émois de nombreux lecteurs avec L’amour en cours, Peach mais aussi et surtout Le journal intime de Sakura, sa pièce maîtresse. Si U-Jin s’est imposé très rapidement comme un maître du manga érotique, il a été anormalement absent des librairies françaises durant toute la période des années 2010. Les éditions Black Box comptent bien redorer le blason de cet artiste au charme old school en proposant dès 2020 un tant attendu nouveau titre d’U-Jin, à savoir Le chef gourmet de la dernière heure. Pour l’édition française, le manga est traduit pas Bosoji et adapté par Ada7. Concernant le lettrage, on retrouve Cindy Bertet. Paru à partir de 1989 au Japon, ce manga promet de mélanger érotisme, polar et humour.

Bienvenue au Chinchinken, un restaurant peu fréquenté depuis qu’un McDonald's a élu domicile à l’étage inférieur. Mais pourtant certains clients y vont par nécessité. En effet, la cantine propose un repas spécial que vous ne trouverez nulle part ailleurs, un menu ultime : vous pouvez commanditer un assassinat et manger une partie du cadavre, parfaitement cuisiné par le chef en personne. Kenzô Nishitaka est un ancien détective privé de 43 ans reconverti dans le métier de cuisinier, et accessoirement de tueur à gages. Un peu loser et beaucoup pervers, on le suit exécuter les morbides requêtes de ses clients. Pour cela, il est accompagné de Sai, sa charmante serveuse qui sait se transformer en redoutable tueuse quand il le faut.

Manga épisodique par excellence, Le chef gourmet de la dernière heure propose une nouvelle histoire à chaque chapitre où l’on retrouve peu ou prou les mêmes ingrédients, à savoir une requête d’un client, une enquête, l’assassinat et la dégustation. Sans oublier bien évidemment l’épice essentielle pour donner de la saveur à tout manga signé U-Jin : une touche d’érotisme. Malgré que la formule reste la même, les huit histoires de ce premier tome ne sont pas redondantes tant elles sont finement écrites. Elles ont toutes un intérêt allant au-delà de la simple envie de meurtre, et certaines proposent même des retournements de situations aussi inentendus que bienvenus. Pour autant, c’est un titre qui ne se prend jamais au sérieux, ce qui se reflète parfaitement dans son personnage principal. Et si certains récits sont touchants ou horrifiques, l’humour prédomine toujours, qu’il soit loufoque ou totalement absurde.

Le chef gourmet de la dernière heure est donc à prendre au second degré pour être pleinement apprécié, cependant il n’en reste pas moins un manga érotique, genre qu’U-Jin maîtrise à la perfection. L’auteur représente le sexe explicitement, mais il le fait avec beaucoup de légèreté et toujours sans se prendre au sérieux. En résulte des actes avec des clientes ou au cours des enquêtes, Kenzô Nishitaka ne pouvant pas résister à son côté pervers quand bien même il tombe bien souvent dans le domaine du ridicule. Ou d’autrefois, c’est la jolie Sai qui use de ses charmes afin de mieux piéger les futures victimes. Le manga est très décomplexé dans sa représentation de la sexualité, ce qui peut amuser ou au contraire rebuter. En effet, U-Jin va loin dans la mise en scène des vices de ses personnages, allant jusqu’à parler de scatophilie par exemple dans un chapitre où il insiste très lourdement sur la coprophagie. Un manga à ne pas lire avant de manger donc, car s’il est assurément sexy, il finit systématiquement par des touches peu ragoûtantes. Effectivement, le titre bascule dans le cannibalisme sans fard ni artifice puisqu’après chaque meurtre, le chef prépare une recette avec une partie du corps de la victime que son client ingurgite. Et autant dire que les plats préparés ne donnent absolument pas envie. Que ce genre de séquences soit drôle ou dégoûtante dépendra évidemment de l’humour de chacun mais elles restent tout de même étranges et en font une série atypique.

En définitive U-Jin fait son retour en France avec un manga qui ne manquera pas de diviser tant l’élan érotique peut être stoppé par des scènes repoussantes. Il est pourtant très bien dessiné, on retrouve dans Le chef gourmet de la dernière heure le charme si spécifique du trait de son auteur. Si ses plus fervents admirateurs connaissait déjà son humour loufoque, on se surprend malgré tout à lire des histoires bien construites et suffisamment passionnantes pour donner l’envie d’en découvrir tous les tenants et les aboutissants. Ce n’est peut-être pas le meilleur manga d’U-Jin mais qu’importe, Le chef gourmet de la dernière heure est une bonne pioche et on ne boude pas notre plaisir de revoir l’auteur en France quand bien même ce titre est à réserver à un public averti, ou amateur de surprises.   


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
jojo81
14 20
Note de la rédaction