Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 21 Mai 2024
Les ambitions du missionnaire jésuite Valignano au Japon sont soudainement chamboulées par la nouvelle de l'annexion du Portugal par l'Espagne, poussant le prêtre à revoir ses plans: désormais, il souhaite voir si Nobunaga serait prêt à envoyer ses troupes chez les Ming... Mais que se passerait-il si Nobunaga, qui n'est pas dupe sur les ambitions de conquête du Japon qu'ont les missionnaires étrangers, voyait déjà au-delà de ça ? C'est là l'enjeu majeur de toute une grosse partie de ce 30e volume: laisser pressentir de quoi serait capable Oda, à la fois face au contexte international de l'annexion du Portugal et face au désir des "Barbares" occidentaux de s'approprier l'archipel. Face à cette situation instable, Takuro Kajikawa met notamment assez bien en avant les ambitions toujours plus fortes de Nobunaga, à la fois pour unifier le Japon et pour porter son influence au-delà des frontières du pays, ne serait-ce que pour lui assurer un avenir face aux velléités étrangères. Et cela passe également par Ken: à l'heure où son souverain avoue la force qu'il voit en son cuisinier pour l'avenir du Japon (l'occasion d'aborder, de façon très intéressante, l'importance grandissante de la culture - dont la cuisine - dans la diplomatie internationale), notre héros lui-même affirme de plus belle son désir de rester le cuisinier de Nobunaga sur des années, et confirme même sa volonté de tirer parti de sa connaissance du futur pour, justement, le changer et peut-être effacer de l'Histoire le futur Incident du Honnôji.
Les grands enjeux immédiats du récit restent alors très prenant au fil de ce volume, mais le mangaka ne s'arrête pas là puisque plusieurs autres éléments, sans aucun doute voués à encore gagner en importance par la suite, continuent eux aussi de connaître des évolutions. D'un côté, de manière rapide mais suffisante, le cas de Yasuke et de sa place nouvelle au Japon est bien abordé. D'un autre côté, on sent bien certaines décisions commencer à se forger secrètement en Mitsuhide, alors même que Ken aimerait l'empêcher de tuer Nobunaga lors de l'incident de Honnôji: en voyant Oda afficher des ambitions si fortes qu'elles pourraient graver négativement son nom dans l'Histoire, et en constatant que son souverain se fiche royalement de ce que l'on pensera de lui après sa mort, notre homme semble décider à endosser le mauvais rôle, celui resté gravé dans l'Histoire... Enfin, c'est un tout autre aspect qui est aussi très joliment abordé dans ce tome, et il concerne Ken de façon bien plus personnelle puisque sa relation avec la si attachante Natsu est enfin voué à connaître une importante évolution ! Reste à savoir si notre héros saura consolider ses choix de vie avec sa belle et sa volonté, toujours plus forte, de retrouver la trace de Mochizuki, cet enjeu commençant à devenir urgent.
Toujours aussi riche dans ses nombreux enjeux, et toujours aussi rigoureux dans sa part de documentation afin d'offrir un contenu historique suffisamment crédible (même si, bien sûr, il y a forcément aussi une forte part de fiction via la place de Ken), Le Chef de Nobunaga reste un manga passionnant après pas moins de 30 tomes, ce qui est mine de rien un petit exploit. Il est alors dommage que l'édition ne suive pas toujours parfaitement (bien qu'elle reste convaincante dans l'ensemble), la faute à quelques petits soucis de lettrage (en page 60, par exemple, avec un texte sortant de sa bulle) et, surtout, à quelques grosses erreurs de traduction évitables ("Philipines" à plusieurs reprises au lieu de "Philippines", "cuir" au lieu de "cuire", quelques phrases à la tournure bizarre...). Cela n'empêche jamais la bonne compréhension de l'oeuvre, mais mieux vaut tout de même le signaler !