Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 09 Avril 2013
Série mythique des années 80, Cat's Eye est la première oeuvre phare de Tsukasa Hojo, l'auteur de City Hunter.
Cat's Eye nous plonge dans le Japon des années 80. Rui, Hitomi et Ai Kisugi sont trois soeurs qui tiennent un café populaire le jour. La nuit, elles se transforment en Cat's Eye, un trio de voleuses de charme en justaucorps qui dérobe les oeuvres d'art dans les musées et qui tient la police en échec. L'inspecteur Toshio Utsumi du commissariat d'Inunaki enrage de ne pas arriver à leur mettre la main dessus alors même que les voleuses prennent la peine de prévenir la police de leurs futurs méfaits, tel un défi qu'elles leur auraient lancé.
L'ironie du sort a voulu que Toshio soit le petit ami d'Hitomi depuis le lycée et qu'il rende régulièrement visite aux trois soeurs dans leur café. Alors que le quotidien de son chéri devient un enfer à cause de l'affaire Cat's Eye, Hitomi traverse une période de crise identitaire. Mais pour retrouver leur père disparu, le peintre Michael Heinz, Cat's Eye n'a d'autre choix que de poursuivre sa mission jusqu'au bout. Seulement, l'amour qu'elle partage avec Toshio résistera t-il à cette épreuve ? Et qu'adviendrait-il de leur relation s'il découvrait la véritable identité de Cat's Eye ?
Cat's Eye est donc une série d'action mêlée d'une bonne dose de comédie romantique, même si on se demande souvent laquelle des deux a l'ascendant sur l'autre en réalité. Sur les différentes intrigues qui composent ce premier volume, certaines tournent réellement autour du vol d'oeuvres d'art, tandis que d'autres s'intéressent davantage à la vie quotidienne des soeurs Kisugi et relèguent les vols comme une toile de fond à la relation entre Hitomi et Toshio.
Pour ce premier tome, Tsukasa Hojo commence par installer ses personnages principaux, mais cela ne se fait pas sans certaines maladresses. Les deux premiers chapitres, qui introduisent en priorité les personnages d'Hitomi et de Toshio, se contredisent entre eux, la voleuse faisant tout dans un premier temps pour que son chéri reste dans la police (Toshio ayant tendance à être un peu trop bavard, c'est une importante source d'informations sur les agissements des flics), avant de lui sortir aussitôt dans le chapitre suivant qu'elle ne veut pas épouser un policier et qu'elle voudrait qu'il démissionne. Il est tout à fait possible que Tsukasa Hojo voulait par là montrer la dualité du personnage d'Hitomi, torturée entre ses deux identités. Mais si c'est le cas, alors ça a été très mal exécuté et le résultat n'est franchement pas convaincant car, dès le début, on ne sait pas sur quel pied danser avec ce personnage (par ailleurs le personnage principal de la série, donc c'est encore plus gênant), et la bêtise insupportable dont fait preuve son chéri d'inspecteur n'aide pas non plus à s'attacher à l'alchimie, pour l'heure inexistante, entre ces deux personnages.
Etrangement, en comparaison, il suffit d'un chapitre pour que le personnage d'Ai soit magnifiquement introduit avec une dualité beaucoup plus simple mais infiniment plus convaincante que celle d'Hitomi, et le personnage de la benjamine a dès le départ autrement plus de charisme que ses deux soeurs. Rui, en revanche, apparait comme un personnage plus en retrait dans sa vie sociale, plus froide et asociale. Son rôle consiste davantage à gérer les activités du trio la nuit venue et à agir comme une présence maternelle pour ses soeurs.
Vers la fin du tome, de nouveaux personnages apparaissent qui vont tenir des rôles importants dans les futures aventures des soeurs Kisugi. En premier lieu, l'inspectrice Mitsuko Asatani, fraichement affectée au commissariat Inunaki, qui va rapidement prendre Hitomi en grippe et qui va immédiatement soupçonner la véritable identité de Cat's Eye et devenir une sérieuse rivale pour la voleuse, tant du point de vue professionnel (flic contre voleuse) qu'amoureux (Toshio). On ne comprendra jamais comment un flic aussi maladroit dans ses bottes, bien que d'une détermination sans faille, peut ainsi faire tomber toutes les femmes (ni comment il ne peut pas capter qu'un café appelé Cat's Eye a certainement un rapport avec les voleuses du même nom), mais bon...
L'autre personnage important introduit vers la fin du tome est le célèbre voleur connu sous le nom du Rat (ou Ratounet pour les intimes), spécialisé dans le cambriolage de bijouteries et qui va rapidement devenir un rival professionnel important pour Cat's Eye. Dans sa vie sociale, il est un journaliste-reporter du nom de Masato Kamiya, un ami de longue date de Toshio et un sacré pervers coureur de jupons qui va en faire voir de toutes les couleurs à la pauvre Hitomi, ne reculant devant aucune bassesse pour tenter d'avoir son petit quart d'heure lubrique avec la jeune femme. Mais en amour comme à la guerre, il ne reculera devant rien pour faire plier la beauté au justaucorps sexy.
Les aventures que traversent nos personnages dans ce tome sont d'un intérêt très variable, bien que la plupart restent sympathiques à suivre. Si les intrigues sur Hitomi et Toshio sont généralement très moyennes et si les intrigues consacrées exclusivement aux vols restent tout juste divertissantes, ce sont bien les intrigues censées être plus "secondaires" qui tirent finalement leur épingle du jeu. L'intrigue consacrée au personnage d'Ai est une franche réussite et parvient à le rendre beaucoup plus attachant que ses deux soeurs, mais le temps fort de ce volume reste les confrontations contre les nouveaux rivaux que sont l'inspectrice Asatani et Ratounet. D'un côté, on a une inspectrice chevronnée qui est prête à tout pour confirmer ses soupçons quant à la véritable identité de Cat's Eye et qui constitue une sacrée épine dans le pied pour les activités du trio, de l'autre on a un personnage charismatique et attachant qui offre de belles tranches de rire tout en opposant un sacré défi à nos voleuses de charme.
La grande question qui se pose aussi avec cette première série de l'auteur est celle des dessins. Tsukasa Hojo est aujourd'hui connu comme l'un des plus grands dessinateurs de mangas existants, dessinant des femmes superbes et sexy, des décors incroyablement détaillés et le tout avec un sens de la mise en scène des plus soignés. Autant le dire, ce premier tome de Cat's Eye reflète clairement les débuts de l'auteur et, si on sent effectivement de vraies prédispositions à ce que son travail est devenu par la suite, son trait présente pour l'heure encore des maladresses. Ca reste certes assez beau dans l'ensemble mais il suffit de comparer son trait entre ce premier tome de Cat's Eye et le dernier pour réaliser l'évolution énorme qui s'est opérée entretemps. Et cela est d'ailleurs aussi valable par la suite sur chacune de ses séries suivantes. Pour l'heure, c'est assez beau, loin d'être aussi magnifique et contemplatif que ce que ça deviendra par la suite, mais suffisamment convaincant pour trouver un certain plaisir de lecture à suivre l'histoire à travers ses dessins. Il bénéficie aussi déjà d'un certain sens de la mise en scène même si, pour l'heure, celle-ci n'a encore rien de véritablement cinématographique, alors qu'une de ses oeuvres les plus récentes comme Angel Heart s'apparente quasiment à un storyboard de film.
Au final, ce premier tome de Cat's Eye est une lecture sympathique, même si on est encore loin d'une grande réussite. Cette série s'apparente vraiment à une oeuvre de jeunesse de l'auteur Tsukasa Hojo et elle en porte le parfum particulier, à la fois un certain charme, des maladresses touchantes et une naïveté un peu kitsch dans ses histoires. Toutefois, Cat's Eye reste un cocktail d'humour glamour assez réussi et ceux qui se sont laissés porter par le charme de la série animée avec son ambiance 80's très rétro trouveront aussi certainement leur compte avec cette version manga tout aussi plaisante. Pas une grande oeuvre donc, mais un cocktail qui pourrait bien s'avérer détonnant et nous surprendre dans une certaine mesure.
Glass Heart