Bonne nuit Punpun! Vol.6 - Actualité manga
Bonne nuit Punpun! Vol.6 - Manga

Bonne nuit Punpun! Vol.6 : Critiques

Oyasumi Punpun

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 30 Avril 2013

L'entreprise qu'est de chroniquer un tome de Bonne nuit Punpun s'annonce très plaisante mais aussi complexe, complexe dans la mesure où il s'agit, à mes yeux, de bien plus qu'une simple série.

Lorsque l'on souhaite bien faire les choses, que l'on a la fibre un tant soit peu littéraire, la passion de la lecture et l'envie de sortir des sentiers battus, la chronique d'un livre peut s'avérer, à la longue, être un exercice difficile. Comment garder son propre style sans se répéter, ne pas se contenter des traditionnelles phrases d'accroche, des descriptions et des schémas prédéfinis, des qualificatifs redondants ? Comment développer une écriture différente mais qui ne serait pas celle d'un double nous ressemblant vaguement, à l'inverse comment rester soi même sans tomber dans la routine des tournures qui finissent par lasser ?

Ce dilemme se retrouve chez le mangaka. Témoin d'un Monde en perpétuel mouvement, confesseur de ses peines, de ses doutes, de ses joies, de sa folie, l'auteur se doit d'évoluer. Car son environnement se transforme, car lui même, touché par divers évènements, finit quelque peu par changer, le créateur ne peut se permettre de refaire indéfiniment les mêmes choses sous peine de stagner et finir par ne plus se ressembler. Malheureusement beaucoup font l'erreur de confondre évolution, processus perpétuel et naturel de transformation, et changement trop radical qui défigure leur art et les discrédite. Finalement, trop rares sont ceux qui ont réussi (ou réussissent) dans leur œuvre à constamment proposer quelque chose d'inédit sans pour autant se renier.

Maintenant qu'est sorti le sixième volume de Bonne nuit Punpun, nous pouvons l'affirmer, Inio Asano fait incontestablement partie de ceux là. L'attente était insoutenable après la leçon qu'Inio Asano avait infligé avec son cinquième tome : un volume impénétrable et étouffant, brutal et singulier. Depuis le départ, Inio Asano n'a cessé de nous surprendre en renouvelant constamment ses idées au sein de son récit et en jonglant habilement avec ses protagonistes pour éviter une focalisation trop importante sur le personnage principal de son récit : Punpun Punyama. Après s'être concentré sur l'oncle Yuichi et sur le duo Seki/Shimizu dans les précédents tomes, le mangaka nous plongera, par l'intermédiaire de ce sixième volume, aux côtés de la maman de Punpun.

Les relations entre Punpun et sa maman n'ont jamais été très simples, ces deux êtres humains n'étant pas sur la même longueur d'onde. La conclusion du volume précédent témoigne de ce désaccord, le petit Punpun se voyait contraint, après une dispute avec sa génitrice, de ne pas rentrer chez lui à la nuit tombée. Punpun avait réussi à trouver une certaine stabilité, que ce soit au niveau professionnel ou personnel. En effet, il avait réussi à intégrer illustre lycée pour poursuivre, à l'avenir, ses études et avait rencontré Azusa Kanie, une camarade de classe pour qui il commençait à avoir des sentiments. Cependant, cette escarmouche avec sa mère avait eu le mérite de refaire sombrer Punpun dans un brouillard pour le moins épais.

« Plus on s'élève... »

Nous retrouvons donc, au début de ce sixième tome, notre Punpun Punyama qui est bien occupé à élaborer toutes sortes de scénarios et déroulements en ce qui concerne son rendez-vous avec Kanie. Le talent d'Inio Asano opère et ce, dès les premières pages de l'ouvrage. Que ce soit au niveau visuel et narratif, le mangaka happera instantanément le lecteur dès les premières lignes et lui fera passer un tourbillon d'émotions et de sentiments. Ce maelström de sensations retournera l'estomac du lecteur à plusieurs reprises et ce dernier ressortira complètement hébété à la fin du volume, tout comme Punpun s'imaginant des scènes légèrement teintées d'érotisme avec sa bien aimée et finissant par perdre la tête au bout du compte.

Comme indiqué précédemment, le personnage qu'a choisi de disséquer Inio Asano au sein de ce tome est la mère de Punpun. C'est une mère de famille complètement perdue que le spectateur retrouvera lors de la lecture, la génitrice de Punpun préférant avoir des relations sexuelles avec une de ses connaissances plutôt que de s'occuper de son fils. Punpun aurait d'ailleurs bien besoin d'une présence à ses côtés pour pouvoir le réconforter mais qu'importe, sa mère préfère laisser de côté la chair de sa chair et continuera de sombrer inexorablement. Si jusqu'à présent Inio Asano avait laissé en retrait le personnage de Punpunmama Onodera, il passera au crible les états d'âme, les sentiments de cette mère désemparée. Le traitement que subira Punpunmama sera identique à celui que l'auteur avait infligé à l'oncle Yuichi auparavant : un procédé sidérant, brut, très aigre mais en même temps très sincère et authentique.

Les trois quarts de ce sixième volume seront donc un véritable chemin de croix que le lecteur devra parcourir, Inio Asano dépeignant une fois de plus les épreuves douloureuses que chaque être humain pourrait être amené à traverser lors de son existence. La mention « Pour public averti » située en bas de la quatrième de couverture prend alors toute son importance . Tout comme son ainé, ce sixième tome est doté d'un réalisme poignant et immoral qui pourra fragiliser le lecteur. La prudence est donc de mise, il faudra bien se préparer mentalement avant de se lancer dans la lecture. À l'instar d'Un Monde formidable, les œuvres d'Inio Asano sont empreintes d'un pessimisme ainsi qu'un défaitisme prononcé, Bonne nuit Punpun reste toujours dans ce côté noir, déprimant, et ne se tourne pas, pour le moment, vers un avenir très radieux. Malgré tout ses efforts, Punpun ne parvient jamais à garder longtemps la tête hors de l'eau et replonge, malgré lui, en apnée.

« … et plus dure sera la chute. »

Le summum de toute cette violence ne surviendra que dans la dernière partie de ce livre, Punpun broyant une nouvelle fois du noir et Punpunmama étant dans une situation désespérée. Le coup de crayon d'Inio Asano témoigne de cette situation extrême et l'auteur nous offre même une double pages on ne peut plus saisissante. Le contexte dans lequel évolue tant bien que mal Punpun est toujours poisseux, très dur et le mangaka arrive constamment à retranscrire tout cette sévérité au lecteur. Les dernières pages de l'ouvrage, quant à elles, assènent un dernier uppercut au lecteur, crochet qui lui sera fatal. Rajoutons à tout ceci une édition impeccable de la part de Kana, que ce soit au niveau de l'orthographe ou de la syntaxe et nous obtenons le meilleur volume de la série jusqu'à présent. Inutile de préciser que nous attendons de pied ferme le prochain tome.

Il est de ces livres qui secouent au point tel que le spectateur semblait être quelqu'un d'autre avant de les lire. Des œuvres non pas réalisées pour combler des attentes ou satisfaire un public. Des projets qui sont avant tout préparés, mis en chantier et réalisés afin de raconter une histoire, et la faire partager au plus grande nombre avec la plus grande humilité possible. Plus qu'un simple livre, ce sixième volume de Bonne nuit Punpun est une expérience incroyable et qui laissera une empreinte indélébile dans l'esprit de chaque lecteur. Inio Asano partait sur une idée somme toute très simple au départ mais il a su la faire évoluer et la bonifier au fur et à mesure. Ce sixième tome est le fruit de toute cette mutation et confirme, une fois de plus, l'excellence de cette série si atypique. Une œuvre indispensable pour un enrichissement culturel certain.


 


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Kimi
19 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs