Bonne nuit Punpun! Vol.5 : Critiques

Inio Asano nous a surpris en faisant un saut de deux ans dans le temps à la fin du quatrième tome. Une sacrée fracture avait eu l'air de s'être passée dans la famille de Punpun, puisque l'oncle Yuichi a visiblement fugué. Le cinquième volume de Bonne nuit Punpun sera l'occasion d'en savoir plus sur ce qu'il s'est déroulé.
Je ne vais pas en dévoiler davantage sur le pourquoi du comment, mais le résultat est bien là: la structure familiale de Punpun va, une nouvelle fois, changer. Fini donc la vie à quatre avec sa mère, Yuichi et Midori. Maintenant Punpun va vivre dans un appartement avec sa mère. Inio Asano change donc toutes les bases de la vie du Punpun qui, alors qu'il vient à peine d'être admis au lycée, n'a qu'une seule pensée en tête: «Je veux faire l'amour». Ainsi, si Punpun semble être un garçon désabusé, qui ne parvient à trouver sa place parmi les autres, il n'en reste pas moins un adolescent avec des envies d'adolescent. Cette double facette de la personnalité de Punpun permet deux choses à Inio Asano. La première est de créer un personnage intelligent et détaché comme il a l'habitude d'en faire. Il intègre ses réflexions personnelles au personnage de Punpun, ce qui tend à rendre le personnage plus mature que son âge. Malgré tout, le fait que Punpun reste un gamin permet aux lecteurs de mieux s'identifier dans le personnage.

Mais Inio Asano casse son récit pour changer de protagoniste. Il passe de Punpun au duo formé par Seki et Shimizu. Seki, encore plus que Punpun, est un jeune garçon détaché. Il ne cesse de réfléchir à l'homme, la liberté, la société ou encore le bonheur. Des choses inutiles comme il les appelle, mais qui permettent à Inio Asano de dévoiler sa vision du monde qui l'entoure. Malgré ses airs de nihiliste, Seki désire une chose: de l'argent. Ainsi, avec son ami Shimizu, il va accepter un contrat d'homme à tout faire. Pendant que Shimizu devra «nettoyer» un appartement, Seki sera chargé de tuer un homme. Ni plus, ni moins...
Mais ce qui sera davantage développé dans cette partie, c'est la relation entre Seki et Shimizu. Elle n'est pas sans rappeler celle qui lie Noiro à Blanko dans le manga Amer Beton de Taiyô Matsumoto. Dans Amer Beton, Blanko dit qu'il lui manque des vis dans la tête, et que c'est pour ça qu'il est bête. Il raconte également que pour Noiro, c'est dans le cœur que les vis sont absentes. Il conclue en affirmant que celles qui lui manquent c'est Noiro qui les a, et inversement. Avec Seki et Shimizu, c'est la même chose. Comme Noiro, Seki est un garçon froid, sans morale et qui réfléchit beaucoup. Shimizu lui, à l'instar de Blanko, est un adolescent idiot, resté enfant. Il a une grande sensibilité et semble être lié à quelque chose de mystique. Même la morve coulant du nez de Shimizu rappelle Blanko. Inio Asano développe donc une relation de personnages rappelant celle du manga phare de Taiyô Matsumoto pour faire passer des messages qui lui sont propres.

Attention toutefois, ce cinquième tome n'est pas à mettre entre toutes les mains. En effet, un côté amoral, plutôt déstabilisant, se dégage de la lecture. Cela nous montrera l'influence de mangakas tels que Kazuo Kamimura ou Hideki Arai sur Inio Asano. On peut donc être choqué en lisant Bonne nuit Punpun, mais ce n'est pas gratuit. Ceux qui ont lu Le quartier de la lumière ou bien La fin du monde avant le lever du jour savent bien qu'Inio Asano a une propension à exagérer la réalité pour faire passer ses thèmes. A l'instar d'un mangaka comme Usamaru Furuya, l'auteur de Bonne nuit Punpun dessine des situations irréalistes, plutôt improbables, pour faire passer des messages et des idées qui touchent tout le monde. La justesse avec laquelle il fait ça est époustouflante.

Du côté artistique, vous savez bien qu'Inio Asano intègre des personnages cartoonesques dans un univers réaliste. Je ne vous apprend donc rien. Mais limiter le sens artistique du mangaka à cela est une bien belle erreur. Plus que jamais, certaines scènes sont à couper le souffle. Je pense notamment à une scène où, sans un mot, Punpun passe devant Aiko. La mise en page d'Inio Asano est impressionnante, à tel point qu'on reste ébahi devant son talent. Autre preuve de la virtuosité du mangaka, il change de personnage entre Punpun et Seki, tout en restant dans le même quartier et à la même période. Ainsi, de manière bien plus développée que dans Un monde formidable, on retrouve des scènes se déroulant à l'arrière plan de Punpun vues d'une toute autre manière à l'arrière plan de Seki. Du grand art, assurément.

En fin de tome on trouve deux faux courriers de lecteurs. Ces parodies hilarantes font un bonus plus qu'appréciable.

Tout en bouleversant les repères du héros, ce cinquième tome de Bonne nuit Punpun est dans la lignée du précédent. Que l'on soit rebuté par l'amoralité qui se dégage ou, qu'au contraire, on adhère au style de l'auteur, il est évident qu'on ne ressortira pas indemne de la lecture. Inio Asano a des messages à faire passer, et il parvient à le faire très clairement. La voie d'une génération s'est une nouvelle fois faite entendre.

Jojo81