Boichi SF Short Stories Vol.1 : Critiques

Boichi Original SF Tanhenshû

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 17 Avril 2025

Les fans de longue date de Boichi le savent bien: le talentueux dessinateur est un fan invétéré de science-fiction, et il l'a largement démontré au fil de sa carrière, depuis son recueil Hotel jusqu'à sa série Origin, en passant par Space Chef Caesar, le spin-off de Terra Formars dédié à Asimov ou encore, bien sûr, la partie visuelle qu'il a assurée sur le grand succès Dr.STONE. Il n'y a donc rien d'étonnant à constater que le mangaka a, au fil des années, continué à s'intéresser à ce genre à travers différentes histoires courtes, jusqu'à avoir donné naissance au Japon en août 2021 à deux nouveaux recueils parus sous le titre "Boichi Original SF Tanpenshû" ("Tanpenshû" désignant les histoires courtes). Nommé "Jiku no Tabibito" ("Les voyageurs de l'espace-temps"), le premier volet comporte huit histoires, tandis que le second opus, intitulé "Na mo Naki Senshi" ("Le guerrier sans nom") en regroupe six. Chaque ouvrage propose des commentaires du mangaka ainsi que les pages couleur issues de la prépublication japonaise initiale. C'est en ce mois d'avril que les éditions Glénat, fidèles à l'artiste autant que possible, nous proposent de découvrir le premier de ces deux recueils... même si, pour une parti du lectorat, le terme "découvrir se révélera être un bien grand mot.

En effet, les fans qui possèderaient déjà le recueil Hotel (paru lui aussi chez Glénat en 2011, actuellement quasiment impossible à trouver en neuf si bien que son prix en occasion s'est malheureusement envolé, mais toujours disponible à prix décent en version numérique) auront vite fait de constater que la majeure partie de ce premier tome est commun avec ce précédent recueil: six des neuf histoires d'Hotel (à savoir "HOTEL - Since A.D. 2079", "Present", "Rien que pour les thons", "Diadem", et les Short SF de deux pages chacun ""Lot" et "Kenji le roi de l'invention") se retrouvent à nouveau ici sans changements notables, les seuls récits d'Hotel manquant à l'appel étant "Stephanos", une histoire de 23 pages, ainsi que les Short SF "Migraine" et "L'escadron sushi". En soit, rien de choquant: la pratique est courante au Japon, et les recueils d'histoires courtes de Junji Ito paraissant aux éditions Mangetsu ne cessent de nous le rappeler. Qui plus est, ce premier tome sera naturellement largement bienvenue pour les fans de Boichi qui, à l'époque, seraient passés à côté d'Hotel. La seule chose qu'on a envie de reprocher un peu, c'est la communication un peu trop évasive de Glénat sur ces très grosses similitudes avec Hotel: l'éditeur a certes souligné que certaines nouvelles étaient déjà parues dans ce précédent recueil, mais cette communication a été discrète, et surtout on parle tout de même des trois quarts du bouquin (plus de 150 pages sur environ 210), si bien que SF Short Stories 1 a plus des allures de version augmentée ou mise à jour d'Hotel qu'autre chose. Ce que l'on appréciera beaucoup en revanche, c'est que cette fois-ci Boichi a accompagné chaque histoire (sauf les Short SF) d'assez longues et bavardes postfaces qui permettent beaucoup mieux de voir où il a voulu en venir, et qui témoignent constamment de sa passion pour le genre de la SF.

Conséquence de tout ceci, votre serviteur ne va pas revenir ici sur les histoires communes à Hotel: pour ça, il y a déjà la chronique de ce précédent recueil où l'on analysait déjà suffisamment les qualités, les défauts, les maladresses et les belles promesses de ces récits qui avaient tout du coup d'essai pour un auteur qui était alors encore en tout début de carrière, puisque la plupart de ces histoires courtes marquèrent littéralement ses premiers pas en tant que mangaka grand public.

Intéressons-nous alors plus spécifiquement aux deux seules histoires inédites, dont la première, intitulée "La tête dans le ciel, les pieds sur terre", compte 30 pages, et a initialement été prépubliée dans le numéro 27 de 2019 du Young Magazine des éditions Kôdansha pour faire suite à un prix gagné par Boichi au Japon avec sa série Origin, ce qui explique le fait que l'on retrouve précisément Origin dans ce récit (mais pour découvrir toute la genèse et les ambitions initiales de l'auteur autour d'Origin, lisez sa passionnante et riche postface). On plonge ici dans un futur où on nous dit dès la première phrase que l'humanité n'a sans doute pas survécu. Tout commence en 2068, alors qu'une petite équipe d'astronautes a pour mission l'exploration de Vénus, ou en tout cas de son ciel puisque la planète elle-même est inhabitable. Hélas, l'équipe va de mal en pis au fil des années, sans même savoir réellement si la vie humaine a pu perdurer sur Terre, et en ne pouvant compter, pour survivre, que sur l'énergie de Vénus et surles actes d'un ersatz d'Origin. Se déroulant sur plusieurs décennies en si peu de pages, se récit est forcément très bavard par moments, mais il se révèle assez bien pensé (ne serait-ce que sur ce que Boichi imagine concernant l'exploitation de Vénus), et livre une vision particulièrement pessimiste de la conquête spatiale et de sa vanité.

Quant à la deuxième histoire inédite, nommée "La légende de la nuit", elle se révélera potentiellement précieuse pour tout grand fan de Boichi puisqu'il s'agit, à ce jour, de la plus ancienne histoire du maître publiée en France. Récit de jeunesse de l'auteur qu'il a conçu en décembre 1996 (alors qu'il n'avait que 23 ans) pour le magazine coréen Wink de l'éditeur Seoul Cultural Publishers, elle a été revue pour lui-même pour ce recueil et atteint un total de 16 pages. Dans un style graphique forcément moins abouti mais empli d'une certaine poésie, on y suit le conte, pour le coup plus proche de la légende fantastique que de la SF, d'une vendeuse d'étoiles condamnée à la solitude à cause de son soi-disant passé de sorcière, du moins jusqu'à sa rencontre avec un bébé qui, en devenant grand, va bouleverser sa raison d'être. C'est très joli à suivre,d 'autant plus que l'on connaissait très peu Boichi sur ce genre d'histoire.

A l'arrivée, ce premier recueil pourra frustrer ou intéresser selon votre cas. Les personnes ayant déjà lu Hotel auront surtout l'impression de lire une version mise à jour de ce précédent recueil tant il y a peu d'inédit. Quant aux autres, malgré les inégalités des récits, ils pourront découvrir de nombreuses facettes de Boichi concernant son attrait pour la SF sous différentes coutures, et évidemment profiter du travail visuel généralement impressionnant de l'artiste. Désormais, on espère juste que le deuxième recueil proposera plus d'inédits, ce qui devrait fort logiquement être le cas.

Enfin, côté édition, c'est du tout bon pour Glénat, qui a pu conserver les nombreuses pages en couleurs (28 au total, quasiment toutes déjà présentes dans Hotel) sur papier glacé, propose une qualité de papier et d'impression convaincante, et offre une jaquette soigneusement adaptée de l'originale nippone avec même un vernis sélectif sur le logo-titre. Soulignons aussi le lettrage correct de Bakayaro et la traduction assez claire de Hiroe Sasaki et Charles Lamoureux, ces deux aspects ayant été légèrement réajustés quand nécessaire par rapport à Hotel.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
13.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs