Critique du volume manga
Publiée le Vendredi, 13 Avril 2012
Alors que l'on pensait la série terminée, Blessures nocturnes, le manga social de Seiki Tsuchida, inspiré d'histoires vraies narrant la lutte d'Osamu Mizatani pour remettre des enfants dans le droit chemin, nous revient en ce mois de mars avec un dixième volume. Mais si Casterman l'inscrit logiquement en tant que tome 10, il s'agit en réalité d'un spin-off de 150 pages, nous proposant de suivre une seule longue histoire.
Cette histoire, c'est celle de Jun, lycéenne a priori comme les autres, suivant ses études auprès de son ami d'enfance et de ses copines de lycée, et connaissant son petit succès auprès des garçons. Pourtant, côté famille, rien ne va : la mère est alcoolique, si bien que le père, lassé, finit par laisser en plan sa famille. Il n'en faut pas plus à la jeune fille pour sombrer et découvrir l'appel de la drogue... Un appel sans retour.
Le hasard voudra que sa route croise celle de Mizutani, et malgré sa chute de plus en plus profonde, c'est bien de sa propre volonté qu'elle s'accrochera à la seule personne susceptible de l'aider à s'en sortir. Mais Mizutani pourra-t-il seulement tenir sa promesse ? Parfois, la trahison peut-être une solution, surtout face à une horreur comme la drogue...
Une nouvelle fois, l'humilité et la sincérité du "Guetteur" frappent. Ce héros qui n'en est pas un reste avant tout un humain, peut enchaîner les erreurs ou choisir une voie peu flatteuse si celle-ci est la seule solution. Et face à un fléau comme la drogue, Mizutani devra se résoudre à faire des choix douloureux, face à son incapacité toute humaine à ne pas pouvoir tout régler de la meilleure des manières.
Mais plus que Mizutani, le point central de ce volume est bel et bien Jun, et c'est son parcours que nous suivons ici en détail. Un parcours bien expliqué, via une narration allant à l'essentiel, et qui nous laisse aisément comprendre comment la jeune fille en est arrivée à se droguer. A partir de là, Seiki Tsuchida, via son trait sobre mais faisant passer des émotions bien humaines, dresse un véritable portrait du fléau qu'est la drogue. Ainsi suit-on la chute de plus en plus profonde de Jun, qui en arrive à se prostituer pour pouvoir acheter ses doses, ce qui ne manque pas d'amener autour d'elle des adultes peu scrupuleux. Entre prises de conscience et rechutes, la situation nous laisse comprendre que sortir de la drogue est une mission quasi-impossible, mais qu'à force de volonté, on peut se relever, même si ce n'est jamais totalement.
Les origines de la chute de Jun, les effets qu'ont la drogue sur elle, les inévitables conséquences : tout est dépeint sobrement, sans esbroufe, de manière réaliste. Le tout touche par la simplicité de ton.
Pour conclure cette histoire de 150 pages, les auteurs nous proposent en fin de tome de plonger plus profondément dans l'univers et les douleurs de Jun, via un long entretien d'une trentaine de pages, qui finit de nous dépeindre les doutes et les douleurs de la jeune fille, des douleurs qui ne disparaîtront jamais totalement.
Une fois de plus, Blessures Nocturnes réussit un coup d'éclat sans forcer, avec ce spin-off engagé et pertinent. Cette histoire renforce brillamment l'effrayant réalisme du propos et l'humanité de Mizutani, histoire de finir sur une excellente note la série. Mais est-ce réellement la fin ? On se le demande, puisqu'un nouveau spin-off semble prévu au Japon pour juin 2012. Après tout, la lutte du Guetteur dans le monde de la nuit ne se terminera jamais vraiment, et c'est aussi pour ça que l'on admire son combat.