Black paradox - Actualité manga

Black paradox : Critiques

Black paradox

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 02 Novembre 2012

Possédant son cercle de fans, Junji Ito, maître nippon de l'horreur, continue d'imposer sa patte et de séduire ses plus fidèles lecteurs, malgré des oeuvres pouvant varier en qualité. Cette fois-ci, l'auteur revient avec Black Paradox, une histoire de 200 pages, soit bien plus longue que la plupart des récits de ce mangaka surtout connu et apprécié pour ses histoires courtes.

Tout commence pourtant comme une histoire courte : candidats au suicide s'étant rencontrés sur le site "Black Paradox", quatre jeunes gens se réunissent pour mettre fin à leurs jours ensemble. Marseau, jolie infirmière, s'inquiète sans cesse de l'avenir au point de ne plus le supporter. Baratchi ne supporte plus le visage défiguré que lui renvoie son miroir. Tableau est inquiété par les apparitions inquiétantes d'un sosie qui semble le haïr. Pitan, scientifique expert en nouvelles technologies, est sous le joug de son double robotisé.
Tout semble d'abord se dérouler normalement, les quatre suicidaires étant en route pour leur mort. Mais dans la voiture, le doute commence à s'installer chez Marseau : Baratchi n'a pas de reflet dans le rétroviseur. Quant à Pitan, il émet d'étranges bruits mécaniques... On devine rapidement où tout ceci va mener, mais le talent d'Ito est là : on retrouve son don pour croquer des personnages assez normaux, qui se voient déstabilisés par l'apparition d'événements inexplicables ou inquiétants. Tout se devinant rapidement et le surnaturel étant moins marqué, on ne pourra pas dire que ce premier chapitre est angoissant, mais l'ensemble s'inscrit dans la lignée des histoires courtes de l'auteur et est plutôt plaisant. C'est après que les choses se gâtent un peu.

Ayant survécu, nos quatre compagnons voient arriver face à eux des événements toujours plus étranges. Après être passé près de la mort, Pitan revient à la vie, comme ébloui par ce qu'il a vu de l'autre côté : un monde éblouissant, hypnotique, qui arrive bientôt dans le monde des vivants sous la forme d'étranges sphères faites dans un matériau inconnu, aussi dur que fascinant... Quel est exactement cet autre monde ? Que sont ces sphères ? Autant de questions d'abord inexplicables, qui font décoller dans un premier temps le récit dans la veine de ce que fait si souvent l'auteur : l'inconnu est bel et bien là. Mais l'effroi, non. Pourquoi ? Parce que loin d'être effrayés par ce qu'ils voient, d'être perdus face à ces événements incompréhensibles, les personnages finissent par se prendre de fascination pour eux. Les sphères captivent certains protagonistes, si bien qu'ils finissent par les rechercher. Ils sombrent petit à petit dans une chute psychologique, dans la folie, et c'est plutôt sur ça que joue ensuite l'auteur.

Dans les faits, pourquoi pas, car cela nous montre une autre facette de l'auteur. Le problème, c'est que plus l'histoire avance, et plus l'ensemble finit par tourner en rond et à mettre en avant les mêmes points, sans plus chercher à angoisser. Inconnus, l'autre monde et les sphères finissent petit à petit par se dévoiler un peu plus, tandis que les personnages chutent toujours plus. Mais au bout d'un moment, plus rien n'évolue, et l'on se contente de regarder les personnages devenir de plus en plus obsédés par ces sphères aux étranges propriétés, jusqu'à un final sans grande surprise, ouvert comme sait si bien le faire l'auteur. Mais après s'être trop étiré, l'impact angoissant n'est pas là. Le pouvoir d'attraction des sphères sur une humanité qui finit par être manipulée par celles-ci aurait pu offrir un final inquiétant, mais tombe finalement à plat, car Junji Ito, en rallongeant trop la sauce, a fini par oublier en route l'angoisse.

En somme, Black Paradox comporte de belles idées aussi étranges qu'inventives, qui finissent par s'étioler à force d'être étirées. Reste un récit globalement sympathique à suivre, qui renouvelle un peu la bibliographie du mangaka, mais qui ne restera clairement pas parmi les meilleurs d'un auteur qui ne révèle jamais mieux son talent horrifique que dans les histoires courtes.

C'est d'ailleurs une histoire courte qui arrive après, comme pour nous rappeler ce talent de l'auteur pour les récits courts. Le temps d'une trentaine de pages, "La Femme Langue" s'inscrit dans la droite lignée des nouvelles de l'auteur, en montrant des personnages tout à fait normaux soudainement confrontés à une situation inexplicable dont ils ne trouveront pas la solution : ici, une femme tuant les gens avec une langue très étrange et vraiment peu ragoûtante.

Quant à la dernière histoire de 4 pages, conçue pour présenter le site de l'expo Gifu 2105, elle vaut surtout pour le plaisir de voir le planches d'Ito colorisées.

Côté dessins, on a droit ici à du Ito assez récent, donc avec des traits plus maîtrisés, plus précis, plus fins que ce qu'il faisait par exemple au début des années 90. Mais ne comptez pas sur l'auteur pour trahir son style si caractéristique : on retrouve globalement les stéréotypes d'Ito, comme la belle brune aux longs cheveux lisses. Les silhouettes habituelles de personnages tout à fait classiques, voire "lambda", histoire de mieux faire ressortir les étrangetés qui apparaissent face à eux.

Côté édition, Tonkam s'est moins lâché que d'habitude sur la couverture, avec juste un vernis sélectif et un fond noir laissant deviner des silhouettes de corbeaux. Le rendu est sympathique. A l'intérieur, c'est le travail habituel : papier de bonne qualité, traduction de bonne facture où viennent juste pointer quelques fautes de frappe.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs