Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 28 Juin 2016
Critique 1
Après le captivant Prisonnier Riku, le nouveau shônen sur fond social des éditions Akata se nomme Billion Dogs, et est le fruit de la collaboration entre deux noms déjà connus en France : au scénario Muneyuki Kaneshiro à qui l'on doit le fou et intéressant Jeux d'enfants, et au dessin Naoki Serizawa, remarqué pour son style graphique très riche sur des oeuvres comme Resident Evil ou Saru Lock. Autant dire que l'on peut attendre beaucoup de l'alliance entre deux artistes pareils !
Tout commence par une violente rixe dans la ville banale d'Ichimatsu : un coup de couteau donné par Kyôsuke, un garçon à la mauvaise réputation, à Ichiru, le président du conseil des élèves et élèves le plus prometteurs de lycée le plus réputé de la ville (qui est aussi l'un des plus cotés du pays). L'événement semble marquer une rupture nette entre ces deux lycéens qui semblaient pourtant bien s'entendre auparavant. Et tandis qu'Ichiru est porté en gloire suite à la clémence qu'il veut montrer envers Kyôsuke, l'agresseur, lui, se voit viré du lycée.
Mais Ichiru est-il aussi clément qu'il le laisse paraître ? Très vite, il affirme vouloir se venger de Kyôsuke. Mais peut-être bien que tout ceci fait partie de manigances encore plus grandes, complotées par les deux principaux incriminés ! Mais dans quel but ? Hé bien, c'est simple : écoeuré par son pourri de père, maire de la ville fricotant avec des yakuzas et s'enrichissant sur le dos des autres, Ichiru a décidé discrètement de se rebeller contre son paternel corrompu et de le faire chuter du piédestal qui risque de l'amener jusqu'au poste de Premier Ministre du Japon. Pour cela, il a besoin de l'aide de Kyôsuke, avec qui il a monté ce plan pour ne pas éveiller les soupçons. Et c'est ensemble que les deux adolescents se mettent ensuite en quête de l'argent sale du maire...
Toute la phase d'introduction de Billion Dogs s'avère d'emblée maligne, dans la mesure où elle nous plonge tout de suite dans un récit rythmé et tendu (un coup de couteau dès la deuxième page, ça pose l'ambiance), et qu'elle permet de mettre en place deux personnages que l'on voit radicalement différents : tandis que l'un apparaît comme un loubard, un garçon des rues qui n'a jamais été gâté par la vie, l'autre se présente comme un jeune premier, beau garçon, populaire, intelligent, et qui plus est fils du maire de la ville. Mais la suite nous apprendra très vite qu'il ne faut pas toujours se fier aux premières apparences, et que des personnes a priori totalement opposées peuvent se compléter et devenir la plus jolie des alliances si elles sont nourries par un même objectif. Et c'est bien le cas d'Ichiru et Kyosuke, qui affichent tous deux des motivations qui, sans être ultra originale, s'avèrent très prometteuses.
Dès lors, on suit avec plaisir ces deux adolescents forts en gueule et révoltés à leur manière, dans le début de leur quête pour retrouver l'argent sale et pour faire tomber chuter les pourris. Et même si l'on n'évite pas quelques clichés, événements très prévisibles (par exemple, ce qui découle du vol de la statuette en fin de tome : on devine très facilement comment ça va tourner) et réactions nous rappelant qu'on est bien dans un shônen (les réflexions de Kyôsuke sur la beauté d'Ayaha, notamment), ça s'avère rudement efficace dans la présentation des manigances du maire et de ses alliances douteuses avec des yakuzas prêts à financer sa campagne politique (ce qui rappelle fichtrement notre réalité), dans l'avancée assez rapide du plan des deux ados, dans le rythme qui ne baisse jamais, dans le comportement de personnages clairement prêts à se bouger et à aller loin, et dans les dessins immersifs de Serizawa. Sur ce dernier point, on pourra regretter des expressions faciales parfois trop froides/rigides, par contre c'est du tout bon dans le dynamisme des corps, dans la richesse graphique de ceux-ci (mention spéciale aux vêtements ou aux cheveux), dans l'utilisation fine des trames, dans la richesse des décors urbains, et dans les angles de vue très vivants et nous immergeant pleinement dans tout ça.
On reste donc séduit par cette entrée en matière efficace, qui sait par-dessus tout souligner, à travers ces deux ados en colère, le besoin de voir émerger une nouvelle génération ambitieuse et moins pourrie que les vieilles élites se reposant sur leurs magouilles.
L'édition d'Akata est plaisante à prendre en main. On y regrettera parfois des bulles trop proches de la reliure, ce qui oblige à parfois ouvrir le tome comme un bourrin pour bien tout lire. Par contre, le travail sur la traduction, sur les onomatopées, sur les choix de police et sur l'impression est, comme souvent chez l'éditeur, excellent.
Critique 2
Bien naïfs sont ceux qui pensent que nous vivons dans un monde où tout est blanc et réglo. Cette idée, c'est ce que veut nous montrer Billion Dogs, nouveau titre paru chez Akata qui aime sortir des récits qui rompent avec les cadres habituels. Prépublié sur Manga Box (une appli pour smartphone au Japon), Billion Dogs est le résultat de la collaboration entre deux auteurs déjà connus dans nos contrées, à savoir Muneyuki Kaneshiro au scénario à qui l'on doit Jeux d'Enfants, et Naoki Serizawa au dessin qui a déjà croqué Saru Lock et les mangas issus de la franchise Resident Evil.
L'histoire nous mène dans la ville d'Ichimatsu, bourgade paisible ou du moins qui en a l'air. C'est là où vit Ichiru, élève modèle qui excelle en tout point et qui sans surprise est président des élèves de son lycée, le plus prestigieux de la ville. Un avenir brillant lui tend les portes, surtout avec son père qui est maire de la ville ! Mais ce n'est pas à quoi aspire le jeune homme. Au contraire même, son souhait est de déjouer les tours de son paternel, car derrière ses actes se cache un homme malsain qui n'hésite pas à fricoter avec les yakuzas et se servir de l'argent sale afin de financer sa campagne électorale pour être Premier ministre du Japon. Alors qu'Ichiru sait que son père a détourné trois milliards de yens, il va tout mettre en oeuvre pour récupérer ce pactole et prendra à ses côtés Kyôsuke, l'élève fauché du lycée dont les parents sont décédés. Alors que le premier enquêtera dans un univers politique, Kyôsuke lui va plonger dans le monde mafieux à ses risques et périls. Mais jusqu'où leur quête va-t-elle les mener...?
Premier constat à la lecture des premières pages de Billion Dogs : on ne perd absolument pas de temps. Grâce à la prépublication en ligne, on sent tout de suite une plus grande liberté dans le récit, que ce soit dans les thèmes ou la manière de les raconter ce qui rend la lecture très agréable. L'histoire a l'avantage de nous plonger dans un Japon qu'on ne connaît que trop peu, bien loin de ce que reflètent la plupart des clichés et certains titres. À l'instar d'un Ushijima (bien que celui-ci pousse le vice plus loin et plus rapidement), Billion Dogs nous présente un récit pas si loin de la réalité où la corruption est le maître mot. Mais ce qui accroche le lecteur rapidement, c'est avant tout le fait que nous avons un héros qui doit ici enquêter sur son propre père; le duel familial est une idée qui ne peut qu'être intéressante au fil de l'histoire.
Bien que ce premier tome soit une introduction à la quête de nos héros, les faits s'accélèrent et ceux-ci commencent déjà à agir. Kyôsuke suit en filature "l'homme clé", celui qui garderait chez lui le fameux pactole. Il ne faut que peu de temps avant que notre héros se retrouve, par un ensemble de circonstances, au front face à des yakuzas qui sont loin d'être là pour marchander. On sent donc que les auteurs visent à nous plonger dans un univers violent et que la volonté de nos deux élèves ne sera pas une mince affaire. Pour le coup, on repensera un peu à Death Note, notamment au fait que Light soit Kira et que son père cherche à démasquer le criminel qui est en fait son fils.
Autre point remarquable : les personnages. Leur caractère s'avère assez unique et relativement travaillé. Ichiru n'est pas seulement qu'un élève surdoué, c'est aussi une sorte de taré (qui s'empirera certainement avec le temps) qui n'hésite pas à voir son entourage comme des pions, même si leur vie et en jeu et que ce sont des amis à lui. On sent que c'est de famille puisque son père, à l'allure joviale, devient une tout autre personne lorsqu'on semble rentrer dans ses affaires. Le duo père/fils nous prévoit de bonnes scènes futures et l'on sent que nous ne sommes pas au bout de nos surprises.
Au final Billion Dogs commence très bien. L'histoire se veut simple, mais efficace, en tout cas au point de vouloir rapidement lire la suite pour savoir à quoi vont mener tous ces plans. Les personnages sont richement travaillés et le dessin de Naoki Serizawa, toujours armé de son trait réaliste, colle parfaitement à l'ambiance. On remerciera également le travail éditorial qui nous offre une traduction très bonne pour le ton souhaité, et un livre en soi de qualité. Une histoire à suivre et qui risque d'être particulièrement prenante dans les pages à venir !