Auto-école du collège Moriyama (l') - Actualité manga
Auto-école du collège Moriyama (l') - Manga

Auto-école du collège Moriyama (l') : Critiques

Moriyamachû Kyôshûjo

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 05 Octobre 2018

Après l'excellent Tokyo Alien Bros. et le recueil Holiday Junction, Le Lézard Noir poursuit son exploration des oeuvres de Keigo Shinzo avec ce qui est la toute première série de l'auteur. Prépublié en 11 chapitres en 2010 dans le magazine Gekkan! Spirits des éditions Shôgakukan, avant de sortir en un épais volume relié de 240 pages la même, Moriyamachû Kyôshûjo/L'Auto-école du collège Moriyama nous invite à suivre une petite galerie de personnages assez savoureuse, en tête desquels Kiyotaka, un étudiant plutôt déconnecté.


Tout commence alors que le jeune homme affirme à sa petite amie Matsuda, sans en faire grand cas, qu'il vaut mieux pour eux qu'ils arrêtent leur relation là. Dans la foulée, il lui dit sans transition qu'il va bientôt passer le permis, ce qui donne déjà une bonne idée de son côté un peu je-m'en-foutiste alors que Matsuda est limite au bord des larmes. Seulement, dans son coin perdu de campagne, il risque d'avoir du mal à trouver une auto-école... à moins qu'un coup du sort ne l'aide. Ou, plutôt, un coup de voiture. Renversé par une automobile alors qu'il est en vélo, d'abord considéré comme mort et balancé dans le coffre, il se réveille en ne faisant à nouveau aucun cas de ce qui vient de lui arriver, et se réjouit plutôt pour deux raisons. Tout d'abord, la voiture qui l'a renversée appartient à une auto-école, celle du collège Moriyama, où il va pouvoir passer son permis. Puis, il constate que le jeune homme qui l'a renversé n'est autre que Todoroki , un ancien camarade de lycée, avec qui il a peu parlé, mais dont il se souvient très bien. Les seuls petits hics dans tout ça: l'auto-école du collège Moriyama est tenue par des yakuzas et n'est pas homologuée. Quant à Todoroki, il doit passer son permis pour, plus tard, servir de chauffeur au chef de ces mêmes yakuzas.


Tranche de vie en cambrousse où Shinzo exploite plutôt bien le cadre de province, ce récit doit avant tout son charme à la manière dont l'auteur joue sur le caractère des personnages, souvent avec un humour fin. Cela passe en premier lieu par Kiyotaka, jeune homme qui est d'abord très, très centré sur lui-même, mais qui, en même temps, se fout de beaucoup de choses (on le voit dès le début). Grâce à ce caractère, il résulte de nombreuses phases de dialogues un peu décalées, prêtant à sourire, car elles donnent l'impression que les personnages ne se répondent pas vraiment, Kiyotaka se fichant bien souvent de ce qu'on lui raconte. Pourtant, au-delà de ce comique de situation apportant une ambiance assez légère, l'auteur distille un récit quotidien où, peu à peu, se dévoilent différents personnages qui ont, pour la plupart, leur propre petit background. Que ce soit Kiyotaka lui-même dont la famille vit des moments très difficiles (un père au chômage, une mère que l'on devine battue), Todoroki qui fut orphelin et qui ne semble pas totalement sûr de la voie qu'il prend, Saki la mère célibataire dont notre héros s'éprend un peu et qui donne les cours de conduite, sa mère Taki, son père dont on cerne vite le lien avec les yakuzas, le chef yakuza, certains autres personnages passant leur permis, où Matsuda qui semble vraiment amoureuse de Kiyotaka, on découvre des visages souvent un peu marginaux, ayant leurs propres problèmes, et entre lesquels existent différentes relations. Mieux, certains de ces problèmes laissent entrevoir des petits couacs de société qui restent actuels (statut de mère-célibataire, chômage, problèmes familiaux, difficulté à être sûr de la voie que l'on veut suivre...), et certaines de ces relations pourraient laisser entrevoir des évolutions chez Kiyotaka.


Ces relations sont plutôt au coeur de l'intrigue, mais de ce côté-là le mangaka insiste surtout sur celle entre Kiyotaka et Todoroki. Ce n'est pas nouveau, il nous l'a déjà bien montré dans Tokyo ALien Bros. et dans les histoires de Holiday Junction: Keigo Shinzo aime jouer sur la dualité entre deux personnages. Chacun des deux a des différences, entretient une certaine relation... et ici, tandis que Todoroki a une voie plutôt déjà tracée (devenir le chauffeur du chef yakuza) dont il n'est pas totalement sûr, Kiyotaka semble complètement déconnecté et égocentrique la plupart du temps, mais affirme fermement sa volonté de devenir écrivain. Le premier a été déscolarisé au lycée, tandis que le deuxième poursuit des études à la fac. Ils sont tous les deux bien différents, se parlaient à peine auparavant, et pourtant ils entretiennent ici une forme d'amitié très intéressante.


Visuellement, on sent qu'il 'agit de la première série de l'auteur, dans la mesure où le design des personnages est souvent un peu irrégulier. Mais on voit déjà le style de l'artiste se poser. On trouve une ligne assez claire et un soin de mise en scène qui rappelle ce que Minetaro Mochizuki a pu faire dans ses séries les plus récentes (Chiisakobe et Tokyo Kaido), certains angles et certaines perspectives évoquant Taiyô Matsumoto... Est-il nécessaire de rappeler que Mochizuki et Matsumoto sont deux des mangakas ayant fortement marqué Shinzo ? On remarque aussi, déjà, le goût de l'auteur pour conserver quasiment toujours une "caméra" à hauteur des personnages, sauf lors de certains moments de conduite où on a une vue de dessus.


L'auto-école du collège Moriyama est un one-shot très intéressant, qui voit se poser chez Keigo Shinzo la plupart de ses gimmicks: une histoire qui varie les tonalités, une écriture assez subtile, un jeu sur la dualité et la relation entre deux personnages principaux assez différents, des sujets assez actuels qui se dessinent en filigranes sans forcer...


Côté édition, on est dans les standards du Lézard Noir, avec un grand format et une couverture souple sans jaquette ni rabats. La traduction d'Aurélien Estager comporte 2-3 coquilles d'inattention très discrètes, et ça ne l'empêche pas d'être excellente, tant le traducteur parvient à retranscrire des textes assez fins. Le travail de lettrage est assez soigné, le papier est à la fois souple et épais, et l'impression est très bonne.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs