Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 29 Avril 2025
Dame Aoi, l'épouse officielle du Genji, a fini par tomber enceinte, mais derrière l'heureux événement une certaine jalousie naît en l'une des amantes du beau jeune homme, dame Rôkurô. A l'heure où la fille de celle-ci doit être envoyée à Ise en tant que nouvelle prêtresse, elle vit mal le fait de ne pas être la première femme dans le coeur du Genji, et ce mal va s'accentuer après une pitoyable altercation entre escortes lors d'une fête, où elle est forcée de décaler son char pour laisser la place à l'épouse enceinte.
Dans le même temps, le Genji reste pris par ses différentes conquêtes: Aoi et Rôkujô bien sûr, mais aussi sa jeune et innocente protégée Murasaki avec qui il atteint un point de non-retour en voyant sa beauté s'épanouir, et enfin Oborozukiyo, la sixième fille du ministre de la droite, avec qui il a une relation interdite puisqu'elle est promise à l'empereur Suzaku. Bientôt, c'est dans ce contexte délicat que, derrière l'heureux événement qu'est la naissance de l'enfant du Genji, deux événements dramatique vont s'abattre sur lui concernant Aoi puis Oborozukiyo...
Assez vite dans ce volume, il se passe un paquet de choses qui vont beaucoup conditionner le déroulement de ces 400 nouvelles pages et, par la même occasion, le parcours du Genji, entre la disparition successive de certains proches et un exil forcé suite à ses petites moeurs dont certains sont bien décidés à profiter à des fins politiques. Et tout en suivant avec intérêt les enjeux et manigances de la cour à travers le parcours de l'homme donnant son nom à la série, on reste surtout passionnés par l'impact que celui-ci peut avoir sur les personnes qu'il est amené à côtoyer, en particulier les femmes qu'il conquiert sans mal grâce à sa beauté et dont, bien souvent, il semble se jouer sans en avoir totalement conscience, tant la chose pouvait sembler tristement naturelle à l'époque.
Ainsi, d'Oborozukiyo à Rokujô en passant par la nouvelle venue qu'est la Dame d'Akashi, chacune de ces figures féminines est l'occasion pour la romancière d'origine Murasaki Shikibu d'offrir un portrait au vitriol des moeurs douteuses de son époque, le tout à travers une écriture très introspective et psychologique que Waki Yamato, dans son adaptation, sait très bien rendre avec une grande clarté et tout en gardant une vraie élégance graphique même dans les moments les plus malsains. Et puisque l'on parle de malsain et de femmes, le personnage le pus marquant reste sûrement, dans ce qu'elle vit, subit et traverse, la jeune Murasaki, dont on ressent pleinement les tiraillements entre sa pureté, ses sentiments, ce qu'elle doit au Genji, et ce que ce dernier lui fait subir d'odieux et d'immoral.
Au fil des pages, la mangaka reste parfaitement maîtresse à la fois des avancées de l'histoire avec ce qu'elle implique d'intrigues politiques autour de la cour et d'enjeux amoureux rarement moraux, et des grandes thématiques de l'oeuvre autour des dérives de la cour de l'époque, du temps qui passe inévitablement en emportant beaucoup de choses et de la condition des femmes prisonnières de tout ceci. L'oeuvre reste mine de rien incisive et assurément dure et passionnante, et l'édition française continue de bien lui faire honneur avec notamment une douzaine de nouvelles pages en couleurs (dont une ravissante galerie d'illustrations sur sept pages en fin d'ouvrage) et, surtout, le début d'un interview de Waki Yamato, avec des premières questions déjà très intéressantes sur sa carrière, sur ses sujets récurrents, et sur les difficultés pour s'approprier une telle œuvre et l'adapter de nos jours.