Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 12 Août 2021
Tragiquement décédée en 1999 à seulement 38 ans dans un accident domestique alors qu'elle déménageait avec son époux et son fils, Kaoru Tada fut, pendant deux décennies, une autrice importante du shôjo au Japon, et plus spécifiquement de l'écurie Margaret des éditions Shûeisha où furent publiées toutes ses oeuvres. Ayant commencé sa carrière dès 1977 alors qu'elle était encore lycéenne, elle s'était, au fil des années, imposée dans un registre certes romantique avec nombre d'histoires d'amour généralement adolescentes, mais a pris soin de distiller des éléments qui lui tenaient à coeur en en faisant un peu sa marque de fabrique, notamment la musique et plus spécifiquement le rock de son époque (rappelons qu'elle était mariée à Shigeru Nishikawa, le chanteur du groupe de heavy metal PRESENCE), des faux bad boys au grand coeur, ainsi que des héroïnes qui, tout en recherchant l'amour de façon parfois un peu idéalisée, ne manquent pas de caractère pour leur époque. En France, son oeuvre la plus célèbre reste Aishite Knight, alias Lucile, amour et rock'n roll, la première série longue de sa carrière publiée au Japon entre 1981 et 1985, autrefois éditée en France par Tonkam, et qui est surtout connue chez nous, bien sûr, pour son adaptation animée qui a marqué un paquet de spectateurs des années 80. Mais sa carrière est très loin de se limiter à cela: en plus de très nombreux récits courts, la mangaka signa l'un des shôjo les plus populaires des années 1990, à savoir Itazura na kiss, une fresque longue de 23 volumes, entamée dès 1990 pour malheureusement rester inachevée suite au décès de l'autrice, et qui a connu plusieurs adaptations aussi bien en anime qu'en drama. Kaoru Tada fut donc une autrice de shôjo de premier plan, peut-être le serait-elle même encore aujourd'hui si elle ne nous avait pas quittés si tôt... Alors, on ne peut qu'apprécier que les éditions Black box aient décidé de la mettre quelque peu en avant dans notre pays, avec la publication en mars dernier d'un ouvrage ayant marqué son tout début de carrière.
Initialement sorti au Japon aux éditions Shûeisha en 1981 sous le titre Kakko Tsuken na yo!!, Arrête de frimer ! est un recueil d'environ 200 pages qui regroupe 4 histoires courtes datant donc des toutes premières années de carrière de Tada, juste avant le lancement d'Aishite Knight/Lucile.
Dans la première histoire, on suit Seiko, jeune fille de 17 ans un peu fleur bleue, élève dans un lycée pour filles, et qui commence à trouver que son prince charmant se fait attendre... C'est alors que sa route croise celle de Takuma, un beau blond avenant, pour qui elle est certaine d'avoir eu le coup de foudre ! L'adolescente se met alors en tête de le retrouver... mais ce qu'elle ne sait pas encore, c'est que dans le même temps, elle vient de taper dans l'oeil d'un camarade de classe de Takuma qui semble autrement moins sérieux: Yoshitsune, leader d'une petite bande de motards, qui est déterminé à faire d'elle sa copine ! Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la première vraie rencontre entre ces deux-là se passe très mal: Yoshitsune, peut-être un peu trop emporté par son statut de "voyou", ne trouve rien de mieux que d'embrasser de force Seiko, lui volant ainsi son tout premier baiser, ce à quoi la jeune fille répond avec une bonne gifle bien placée avant de partir en pleurant. Comprenant son erreur et désireux de s'excuser pour ce qu'il a fait, Yoshi tâche de retrouver Seiko. Déstabilisée, l'adolescente découvrira ensuite, petit à petit, que le loubard cache en réalité un garçon au grand coeur...
La deuxième histoire nous immisce auprès d'Urara, jeune fille de bonne famille qui, alors qu'elle atteint ses 18 ans, se voit déjà soumettre par sa mère une proposition de mariage arrangé avec un bon parti héritier d'une entreprise commerciale. Mais Urara ne l'entend pas de cette oreille: en plus de ses cheveux rouges et de sa tendance à fumer qui l'éloignent bien de l'image habituelle de fille de bonne famille, elle n'a aucunement l'intention d'accepter ce mariage ! Et c'est tout en se rebellant contre ce mariage que la jeune fille voit tourner autour d'elle, plus que jamais, deux camarades de classe: le beau gosse riche et sûr de lui Takahashi, tout juste revenu des Etats-Unis, et surtout Hamada, son ami de longue date, qui s'inquiète beaucoup pour elle, et qui n'a pas forcément encore conscience des sentiments réelles qu'il éprouve envers son amie...
Dans le troisième récit, place à Mizuki, lycéenne sportive faisant partie du club de basket et qui, depuis trois ans et l'époque du collège, a totalement idéalisé sa vision d'un jeune garçon du club de football qu'elle a vu shooter d'une manière si belle qu'elle a eu le coup de foudre. Depuis, elle a toujours entretenu son sentiment pour ce mystérieux garçon qu'elle n'a jamais pu revoir et dont elle ignore l'identité. Et c'est en racontant son histoire à l'une de ses amies que Mizuki se voit tournée en dérision par Fuyuki Watanabe, un camarade de classe dont elle a une piètre opinion. Playboy, nonchalant, peu sérieux... Fuyuki semble à l'opposé de son idéal. Mais de fil en aiguille, en se mêlant toujours plus de ses affaires, Mizuki risque bien de découvrir quel est le vrai Fuyuki, derrière les apparences qu'il se donne...
Enfin, la quatrième et dernier histoire nous plonge auprès de Nana, lycéenne qui, après un an d'une idylle avec son premier grand amour Takuya âge de deux ans de plus qu'elle, a été cruellement plaquée quand le garçon est tombé amoureux d'une autre à la fac, si bien que notre héroïne a décidé de ne plus faire confiance aux garçons, allant jusqu'à se couper les cheveux et à se donner involontairement une apparence bien plus gamine qu'avant. A l'occasion de portes ouvertes dans la fac où va Takuya, elle se fritte avec un certain Takashi Kudô, étudiant à la fac, pour une histoire de takoyaki. Autant dire que la première rencontre entre ces deux-là est un brin houleuse ! Mais très vite, Nana va recroiser par hasard Takashi et découvrir un tout autre garçon, au point de tomber amoureuse de lui tout naturellement. Sans savoir que sa relation avec Takashi va replacer devant elle Takuya...
Nous voici donc face à une succession d'histoires d'amour adolescentes qui, dans les faits, apparaissent classiques voire très prévisibles avec nos yeux d'aujourd'hui, mais qui ne l'étaient peut-être pas autant il y a 40 ans, en particulier pour le petit caractère que montrent chacune des 4 héroïnes. En effet, elles ont beau beaucoup penser à l'amour quitte à parfois être fleurs bleues ou à idéaliser les choses, ces filles-là n'ont aucune envie de se laisser marcher sur les pieds. Seiko n'hésite pas à envoyer une bonne gifle dans la face de Yoshitsune pour lui remettre les idées en place. Urara n'hésite pas à afficher fièrement son look peu féminin et peu digne d'une fille de bonne famille ainsi qu'à rejeter le mariage arrangé que sa mère veut lui imposer. Mizuki ne manque pas d'énergie notamment en voulant faire sortir Fuyuki de l'espèce de torpeur dans laquelle il reste depuis quelques années suite à un drame. Et Nana, suite à sa déception amoureuse initiale, est désireuse de ne plus se laisser avoir facilement par des garçons. En somme, des héroïnes plutôt pétillantes, pour une jeunesse pas toujours sage face à ce qu'on veut parfois leur imposer.
Quant au style de Kaoru Tada, il est évidemment bien ancré dans le début des années 80 via des designs qui peuvent sembler vieillots/inégaux de nos jours, mais on n'a pas non plus quelque chose de trop fleur bleue/guimauve. Peux d'yeux ultra pétillants/étoilés face à l'amour, pas de classiques motifs fleuris pour renforcer l'aspect romantique... Bien au contraire, Tada propose là un style qui, sans s'éloigner d'un certain romantisme, joue surtout sur l'expressivité, sur des personnages qui se chamaillent volontiers de façon régulièrement amusante... L'ensemble dégage quelque chose d'assez frais, tout en ayant un charme bien à lui, ainsi qu'une part d'insouciance propre aux années 80. La seule chose que l'on regrettera un peu plus, c'est la rapidité dans l'évolution de certaines situations amoureuses, en particulier dans la première histoire. Les récits restant plutôt courts, Kaoru Tada doit aller à l'essentiel, au risque de prendre quelques raccourcis, même si dans l'ensemble tout est toujours clair et très bien rythmé.
Arrête de frimer ! est, alors, une bonne petite surprise, permettant de découvrir les tout débuts de carrière d'une autrice qui a eu son importance, et de voir par certains aspect se poser les esquisses du style de Kaoru Tada, un style qu'elle peaufinera entre autres sur Aishite Knight. Après cette lecture assez enthousiasmante, on ne serait clairement pas contre la publication française d'autres récits de la regrettée mangaka. Et à ce titre, l'espoir est permis: dans sa postface, Alexandre Regreny, le responsable éditorial de Black Box, affirme son désir de pouvoir proposer plus tard d'autres oeuvres de Kaoru Tada, dont le fameux Itazura no kiss, ce qui serait un beau petit événement malgré le statut inachevé de cette série culte.
Enfin, l'édition française s'avère satisfaisante dans l'ensemble. Malgré une couverture et certaines pages au rendu un peu flou( sans doute l'éditeur a-t-il dû faire avec du matériel japonais assez ancien) ainsi qu'une légère transparence du papier, on a droit à une qualité d'impression convenable, à une traduction soignée et assez dynamique de Marina Bonzi, et à un lettrage honnête de la part de Cindy Bertet.
Initialement sorti au Japon aux éditions Shûeisha en 1981 sous le titre Kakko Tsuken na yo!!, Arrête de frimer ! est un recueil d'environ 200 pages qui regroupe 4 histoires courtes datant donc des toutes premières années de carrière de Tada, juste avant le lancement d'Aishite Knight/Lucile.
Dans la première histoire, on suit Seiko, jeune fille de 17 ans un peu fleur bleue, élève dans un lycée pour filles, et qui commence à trouver que son prince charmant se fait attendre... C'est alors que sa route croise celle de Takuma, un beau blond avenant, pour qui elle est certaine d'avoir eu le coup de foudre ! L'adolescente se met alors en tête de le retrouver... mais ce qu'elle ne sait pas encore, c'est que dans le même temps, elle vient de taper dans l'oeil d'un camarade de classe de Takuma qui semble autrement moins sérieux: Yoshitsune, leader d'une petite bande de motards, qui est déterminé à faire d'elle sa copine ! Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la première vraie rencontre entre ces deux-là se passe très mal: Yoshitsune, peut-être un peu trop emporté par son statut de "voyou", ne trouve rien de mieux que d'embrasser de force Seiko, lui volant ainsi son tout premier baiser, ce à quoi la jeune fille répond avec une bonne gifle bien placée avant de partir en pleurant. Comprenant son erreur et désireux de s'excuser pour ce qu'il a fait, Yoshi tâche de retrouver Seiko. Déstabilisée, l'adolescente découvrira ensuite, petit à petit, que le loubard cache en réalité un garçon au grand coeur...
La deuxième histoire nous immisce auprès d'Urara, jeune fille de bonne famille qui, alors qu'elle atteint ses 18 ans, se voit déjà soumettre par sa mère une proposition de mariage arrangé avec un bon parti héritier d'une entreprise commerciale. Mais Urara ne l'entend pas de cette oreille: en plus de ses cheveux rouges et de sa tendance à fumer qui l'éloignent bien de l'image habituelle de fille de bonne famille, elle n'a aucunement l'intention d'accepter ce mariage ! Et c'est tout en se rebellant contre ce mariage que la jeune fille voit tourner autour d'elle, plus que jamais, deux camarades de classe: le beau gosse riche et sûr de lui Takahashi, tout juste revenu des Etats-Unis, et surtout Hamada, son ami de longue date, qui s'inquiète beaucoup pour elle, et qui n'a pas forcément encore conscience des sentiments réelles qu'il éprouve envers son amie...
Dans le troisième récit, place à Mizuki, lycéenne sportive faisant partie du club de basket et qui, depuis trois ans et l'époque du collège, a totalement idéalisé sa vision d'un jeune garçon du club de football qu'elle a vu shooter d'une manière si belle qu'elle a eu le coup de foudre. Depuis, elle a toujours entretenu son sentiment pour ce mystérieux garçon qu'elle n'a jamais pu revoir et dont elle ignore l'identité. Et c'est en racontant son histoire à l'une de ses amies que Mizuki se voit tournée en dérision par Fuyuki Watanabe, un camarade de classe dont elle a une piètre opinion. Playboy, nonchalant, peu sérieux... Fuyuki semble à l'opposé de son idéal. Mais de fil en aiguille, en se mêlant toujours plus de ses affaires, Mizuki risque bien de découvrir quel est le vrai Fuyuki, derrière les apparences qu'il se donne...
Enfin, la quatrième et dernier histoire nous plonge auprès de Nana, lycéenne qui, après un an d'une idylle avec son premier grand amour Takuya âge de deux ans de plus qu'elle, a été cruellement plaquée quand le garçon est tombé amoureux d'une autre à la fac, si bien que notre héroïne a décidé de ne plus faire confiance aux garçons, allant jusqu'à se couper les cheveux et à se donner involontairement une apparence bien plus gamine qu'avant. A l'occasion de portes ouvertes dans la fac où va Takuya, elle se fritte avec un certain Takashi Kudô, étudiant à la fac, pour une histoire de takoyaki. Autant dire que la première rencontre entre ces deux-là est un brin houleuse ! Mais très vite, Nana va recroiser par hasard Takashi et découvrir un tout autre garçon, au point de tomber amoureuse de lui tout naturellement. Sans savoir que sa relation avec Takashi va replacer devant elle Takuya...
Nous voici donc face à une succession d'histoires d'amour adolescentes qui, dans les faits, apparaissent classiques voire très prévisibles avec nos yeux d'aujourd'hui, mais qui ne l'étaient peut-être pas autant il y a 40 ans, en particulier pour le petit caractère que montrent chacune des 4 héroïnes. En effet, elles ont beau beaucoup penser à l'amour quitte à parfois être fleurs bleues ou à idéaliser les choses, ces filles-là n'ont aucune envie de se laisser marcher sur les pieds. Seiko n'hésite pas à envoyer une bonne gifle dans la face de Yoshitsune pour lui remettre les idées en place. Urara n'hésite pas à afficher fièrement son look peu féminin et peu digne d'une fille de bonne famille ainsi qu'à rejeter le mariage arrangé que sa mère veut lui imposer. Mizuki ne manque pas d'énergie notamment en voulant faire sortir Fuyuki de l'espèce de torpeur dans laquelle il reste depuis quelques années suite à un drame. Et Nana, suite à sa déception amoureuse initiale, est désireuse de ne plus se laisser avoir facilement par des garçons. En somme, des héroïnes plutôt pétillantes, pour une jeunesse pas toujours sage face à ce qu'on veut parfois leur imposer.
Quant au style de Kaoru Tada, il est évidemment bien ancré dans le début des années 80 via des designs qui peuvent sembler vieillots/inégaux de nos jours, mais on n'a pas non plus quelque chose de trop fleur bleue/guimauve. Peux d'yeux ultra pétillants/étoilés face à l'amour, pas de classiques motifs fleuris pour renforcer l'aspect romantique... Bien au contraire, Tada propose là un style qui, sans s'éloigner d'un certain romantisme, joue surtout sur l'expressivité, sur des personnages qui se chamaillent volontiers de façon régulièrement amusante... L'ensemble dégage quelque chose d'assez frais, tout en ayant un charme bien à lui, ainsi qu'une part d'insouciance propre aux années 80. La seule chose que l'on regrettera un peu plus, c'est la rapidité dans l'évolution de certaines situations amoureuses, en particulier dans la première histoire. Les récits restant plutôt courts, Kaoru Tada doit aller à l'essentiel, au risque de prendre quelques raccourcis, même si dans l'ensemble tout est toujours clair et très bien rythmé.
Arrête de frimer ! est, alors, une bonne petite surprise, permettant de découvrir les tout débuts de carrière d'une autrice qui a eu son importance, et de voir par certains aspect se poser les esquisses du style de Kaoru Tada, un style qu'elle peaufinera entre autres sur Aishite Knight. Après cette lecture assez enthousiasmante, on ne serait clairement pas contre la publication française d'autres récits de la regrettée mangaka. Et à ce titre, l'espoir est permis: dans sa postface, Alexandre Regreny, le responsable éditorial de Black Box, affirme son désir de pouvoir proposer plus tard d'autres oeuvres de Kaoru Tada, dont le fameux Itazura no kiss, ce qui serait un beau petit événement malgré le statut inachevé de cette série culte.
Enfin, l'édition française s'avère satisfaisante dans l'ensemble. Malgré une couverture et certaines pages au rendu un peu flou( sans doute l'éditeur a-t-il dû faire avec du matériel japonais assez ancien) ainsi qu'une légère transparence du papier, on a droit à une qualité d'impression convenable, à une traduction soignée et assez dynamique de Marina Bonzi, et à un lettrage honnête de la part de Cindy Bertet.