Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 04 Juin 2025
De la fin d'année jusqu'à l'approche de la Saint-Valentin, les journées continuent de défiler agréablement pour Nomoto et Kasuga qui, ensemble, profitent encore d'un paquet de moments culinaires précieux: que ce soit pour la soupe du Nouvel An avec son lot de variations, lors d'une soirée mochi et pendant d'autres moments de partage, Nomoto concocte soigneusement des petits mets en montrant tout son talent (y compris pour cuisiner sans trop dépenser ou pour accommoder ce qu'elle a sous la main), tandis que Kasuga se fait un plaisir de se régaler de tout ça d'une manière toujours aussi communicative. Chacune d'entre elles trouve parfaitement son compte dans cette jolie relation pleine de partage et d'attentions. Et même si Nomoto sent bien que ses sentiments pour Kasuga vont désormais plus loin que l'amitié, l'heure est rarement à la déprime, d'autant plus que le petit cercle de personnages s'agrandit avec deux femmes gagnant ici en importance: Yako, la vieille amie de Nomoto à qui cette dernière peut se confier, et Sena Nagumo, nouvelle voisine au premier abord timide et peu sûre d'elle pour des raisons que l'on va vite découvrir.
Pourtant, au-delà des aspects culinaires et relationnels pleins de bonnes ondes entre les héroïnes de la série, Sakaomi Yuzaki continue, peut-être plus encore que dans les deux premiers tomes, de distiller un paquet de sujets de société qui gagnent toujours plus en consistance. Ici, en la personne de Nagumo, on a l'occasion de voir sur le devant le sujet compliqué de la phobie alimentaire et de tout ce que cela peut impliquer, y compris vis-à-vis de l'entourage et de l'impact psychologique, pour un résultat attachant puisque cette jeune femme, en se deux nouvelles voisines, trouve enfin des personnes aptes à l'écouter et l'accepter sans juger, sans la remettre en question, sans la pousser à se justifier, pour un résultat que l'on sent salvateur. Là, à travers les confidences de Nomoto à Yako, il est question de mieux découvrir et comprendre la façon dont le lesbianisme et l'asexualité peuvent prendre un nombre infini de formes, ce genre de séquences étant toujours utiles pour sensibiliser en douceur sur certains sujets. Mais c'est peut-être le cas de Kasuga qui interpelle le plus, dès lors que sa famille se rappelle à elle de manière difficile. Sur une tonalité un peu politique, mais sans pour autant faire de généralités, la mangaka parvient soigneusement à aborder la façon dont, selon les cas, la famille traditionnelle peut être une structure rigide où chacun doit rester à sa place, l'inhumain père de la jeune femme en étant ici un exemple très marquant... et très éprouvant. Car oui, régulièrement ici, malgré sa tonalité généralement feel-good et lumineuse, la série réserve son lot de moments plus difficiles, moments que l'autrice et l'équipe éditoriale tâchent à nouveau de toujours souligner en amont.
Il résulte de tout ceci une lecture toujours aussi réussie et franchissant même un certain cap dans l'abord de ses sujets, mais aussi dans les possibles évolutions relationnelles. Car tandis que Nomoto a de moins en moins de doutes sur ce qu'elle ressent, c'est aussi Kasuga qui, en réfléchissant à la notion de famille, trouve petit à petit ses réponses sur sa place et sur auprès de qui elle se sent au mieux. Trouvant le bon équilibre entre l'aspect positif et feel-good de son oeuvre et sa mise en avant réaliste, ni naïve ni idéalisée de certains sujets de société, Sakaomi Yuzaki nous conquiert de plus belle.