Aigle écarlate et le Yéti - Vie de chasseurs dans les terres du Nord (L') Vol.1 - Manga

Aigle écarlate et le Yéti - Vie de chasseurs dans les terres du Nord (L') Vol.1 : Critiques

Hokuou Kizoku to Moukinzuma no Yukiguni Karigurashi

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 26 Février 2024

Développant doucement mais sûrement leur catalogue, les éditions naBan proposent en ce mois de février leur première adaptation d'une série de light novel, pratique ô combien répandue aujourd'hui, notamment dans le monde de l'isekai. Mais il n'est pas question d'histoire de réincarnation dans "L'Aigle écarlate et le yéti", mais plutôt d'une tranche de vie historique en territoire enneigé, presque hostile sur certains points. Avant que le récit nous parvienne au format papier, c'est via la plateforme numérique Piccoma qu'il a été publié.

À l'origine, l'œuvre est un roman par Mashimesa Emoto et illustré par Akaneko, dont les quatre volumes ont été publiés au Japon entre 2015 et 2019.
L'adaptation manga est signée Shikayo Shirakaba, artiste qui signe alors sa toute première série, mais aussi l'œuvre la plus longue de son début de carrière. Initié en 2018 dans la revue PASH! de l'éditeur Shufu to Seikatsusha, le manga s'est conclu au Japon en ce début de mois, avec son 10e volume. Une adaptation qu'on peut espérer complète, donc, là où bon nombre de titres adaptés de romans sont stoppés avant la fin de leur parcours, quand ce n'est pas la longévité de l'œuvre originale qui ne permet pas à l'adaptation graphique de trouver un point final.

Ritzhard Salonen Revontulet est un jeune homme qui peine à trouver une épouse. Chef d'un territoire éloigné et enneigé, lieu où le froid est intense et les journées parfois très courtes, c'est à cause des conditions de vie du village qu'il dirige qu'il n'a pu conquérir le cœur d'une dame. Lors d'un bal, il croise le chemin de Sieglinde Von Wettin, une fière soldate qui n'a plus de raison d'être depuis que la paix s'est installée dans le monde. Sous l'impulsion, Ritz demande la main de Sieg. Et contre toute attente... cette dernière accepte ! En suivant le garçon jusque chez lui, l'ancienne militaire espère trouver une nouvelle voie, mais elle a besoin de temps avant d'affirmer ou non leur mariage. Une cohabitation débute entre deux individus surnommés "l'aigle écarlate" et le "yéti", si différents, mais bien plus complémentaires que ce que l'on pourrait croire, dans une nouvelle terre qui sera synonyme de découverte et de dépaysement pour Sieg.

Dans ce premier tome, on retrouve un dépaysement qui rappelle les premiers instants du manga Golden Kamui. Après une amorce assez étonnant par son humour tant la formation des liens entre Ritz et Sieg est hâtive, c'est un voyage qui attend le lecteur qui s'identifie aisément à l'aigle écarlate dans la découverte des terres froides du fiancé de cette dernière. Si l'œuvre puise dans l'esthétique d'une Europe historique, le monde qui s'ouvre à nous est bien loin des grandes villes. Le territoire Revontulet est couvert de neige et régulièrement baigné par les aurores boréales, une esthétique presque enchanteresse qui cache parfois une certaine hostilité liée au froid et aux animaux sauvages qui peuplent la forêt. C'est à ce cadre que Sieg doit s'habituer, tandis que le lecteur le découvre par les yeux de la jeune femme. Et dès lors que le récit se met à développer les habitudes de vie de Ritz et de son peuple, on se laisse porter par ce cadre de vie qui, derrière sa simplicité, cache une véritable densité. Car ces terres ont une histoire qui ont forgé la mentalité de ses habitants, aussi ce premier tome aborde en filigrane et avec beaucoup d'humanité certains thèmes comme la peur de l'étranger et, au contraire, l'ouverte aux autres cultures.

Des sujets qui prennent vie grâce au quotidien des deux protagonistes qui ne perdent pas beaucoup de temps avant de nous être rendus attachants. Ritz est naïf tandis que Sieg est posée et réfléchie. Dans un tel cadre, ces deux tempéraments fusionnent pour créer une alchimie envoutante et qui fait un bien fou. À travers eux, l'auteur Mashimesa Emoto n'hésite pas à contrebalancer certains standards dans ce contexte historique aux mœurs rétrogrades, ce que le binôme développe naturellement dans ses interactions sans que le récit ait besoin de fortement insister dans sa narration. A chaque chapitre sa découverte pour Sieg, et ses avancées pour ce couple qui commence à s'affirmer, sans perdre de temps. Et parce que le cercle de villageois gravite autour de ces protagonistes, il y a une vraie dynamique qui est développée tout le long de l'ouvrage, plaçant Ritz et Sieg au centre d'un peuple tantôt effrayé par l'étranger et tantôt curieux par celle qui vient de contrées lointaines.

Enfin, on ne peut nier que cette efficacité du titre provient aussi de l'aisance qu'a Shikayo Shirakaba à donner une vraie atmosphère à cette aventure humaine. Son trait, rond et doux, accentue la douceur des personnages et les échanges entre ses deux figures centrales, quand le travail sur les décors donne une vraie aura aux terres enneigées de Revontulet. Visuellement ce premier volume a un charme indéniable, si bien qu'on souhaite d'avance à son auteur de pouvoir poursuivre sur de nouvelles œuvres à l'avenir, maintenant que sa première série longue est bouclée.

C'est donc un bol d'air frais et un début d'histoire touchante et parsemée de fines émotions que nous propose ce premier tome de "L'aigle écarlate et le yéti", un récit posé qui régale par ses tons et par ses personnages clés. La seule ombre au tableau viendra peut-être d'une scène de chasse et dépeçage qui dépendra essentiellement de l'affect du lecteur. Mieux vaut alors prévenir ce dernier pour ne pas lui imposer une lecture troublante. Pour le reste, on signe volontiers pour 9 tomes de plus aux côtés de Ritzhard et Sieglinde !

Du côté de l'édition, naBan reste dans ses habitudes avec un ouvrage soigné, tant dans le choix des matériaux proposés que dans les finitions. Il en résulte un tome au papier de belle facture et une couverture sans fioritures, mais totalement efficace, notamment grâce au logo conçu par Hayoung Lee. Signée Aurélie Babet du Studio Charon, la traduction donne un texte en phase avec les ambiances de l'œuvre, tandis que le lettrage de Florent Faguet est particulièrement solide et bien calibré.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
15 20
Note de la rédaction