A sign of affection Vol.1 - Manga

A sign of affection Vol.1 : Critiques

Yubisaki to Renren

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 27 Mai 2021

En proie au silence, Trait pour trait, Nos temps contraires, Moi Aussi, A tes côtés, Don't Fake your Smile, A nos fleurs éternelles, et on en passe: le manga féminin fut très bien mis à l'honneur en 2020 par les éditions Akata, au gré de titres variés et ayant souvent beaucoup de choses à raconter, et les choses continuent dans cette voies en 2021 avec des oeuvres comme Wombs de Yumiko Shirai, merveille de SF, ou encore Le Siège des exilées d'Akane Torikai nous comptant une dystopie bourrée de réflexions. Et à présent, en cette fin mai, arrive enfin en version papier le tome 1 d'A sign of affection, série que l'éditeur a d'abord lancée en avant-première numérique, chapitre par chapitre, depuis novembre dernier.

Lancé au Japon en juillet 2019 sous le titre Yubisaki to Renren -A sign of affection-, ce manga est actuellement l'une des séries les plus en vue du magazine Dessert de Kôdansha (le magazine de Good Morning, Little Briar-Rose, Daisy, lycéennes à Fukushima, A tes côtés, Le garçon d'à côté...), et s'est affichée dans certains récompenses, notamment en finissant 10e meilleur "manga pour filles" au Kono Manga ga Sugoi ! 2021, ou encore en étant parmi les 4 finalistes des 45e Prix Kôdansha en catégorie shôjo. On doit cette oeuvre à suu Morishita, duo de mangakas que l'on avait découvert il y a quelques années en France chez Panini avec le très doux et positif Hibi Chouchou.

Etudiante en première année à l'université, Yuki est, a première vue, une jeune femme comme les autres, partagée entre les cours, ses amies à commencer par Rin qui est très proche d'elle, les sorties, les réseaux sociaux... Rien qui ne semble vraiment changer de l'ordinaire, en somme. Mais quand, dans les transports en commun, un étranger l'accoste pour lui demander sa route, elle est incapable de répondre, mais pas forcément parce qu'il parle une autre langue. Non, la raison est tout autre...

"Tout mon monde, depuis que je suis née, est un monde sans un seul son."

Ainsi est, depuis toujours, le monde de Yuki, sourde de naissance, et n'ayant donc visiblement jamais pu apprendre à parler oralement non plus. Bien sûr, au quotidien elle semble bien s'en sortir et ne pas trop souffrir de son handicap, que ce soit grâce à la langue des signes quand les gens comprennent celle-ci, à son tableau dont elle ne se sépare jamais et où elle peut écrire, à ses gestes parfois très expressifs, ou à l'attention de son entourage. Mais dans un cas comme celui dans les transports en commun, difficile pour elle de répondre, et elle ne peut alors que remercier l'intervention d'un jeune homme ayant fini par renseigner l'étranger à sa place. Cet homme, il s'agit d'Itsuomi, un garçon de la même université qu'elle, et envers qui elle se met très vite à ressentir un intérêt de par ses attentions. Grâce à Rin, notre héroïne ne tardera pas à apprendre que ce garçon fait partie du club international de la fac (tout comme Rin), que c'est un grand voyageur (il voyage beaucoup à l'étranger en backpacking) et qu'il est trilingue en maîtrisant le japonais, l'anglais et l'allemand. Et si la jeune fille montre vite pour lui un intérêt particulier, l'inverse semble tout aussi vrai...

Les éditions Akata ont déjà eu à coeur d'aborder le sujet du handicap au travers de certaines oeuvres, et après le handicap physique/anatomique dans Perfect World et Running Girl, ma course vers les Paralympiques, place ici à la surdité. Le sujet reste très peu représenté parmi les mangas parus en France, même s'il est inévitable d'évoquer la série à succès A Silent Voice. Cependant, la manière d'aborder les choses s'annonce d'emblée bien différente entre les deux séries, ne serait-ce que parce que dans l'oeuvre de suu Morishita il n'y a (du moins, pour le moment, peut-être que ça arrivera plus tard) pas de trace de harcèlement/discrimination, mais aussi parce que le duo de mangakas nous propose de vivre le début de ce récit exclusivement à travers l'héroïne sourde, ses pensées, ses points de vue, ses petites observations de ce qui l'entoure et où elle peut quand même cerner une ambiance ou de quoi on parle... Et ce dernier aspect est vraiment intéressant dès le départ, car on sent déjà que les deux autrices, en se renseignant directement auprès de personnes concernées par ce handicap dans la réalité, voudront présenter la chose de manière crédible... mais sans aucun doute aussi positive et bienveillante.

Car s'il y a une chose qui se dégage beaucoup de ce premier volume, c'est bien son atmosphère particulièrement douce, attentive, faisant presque chaud au coeur dans ce que les personnages véhiculent. On a une Yuki qui ne se morfond pas, qui semble bien adaptée tout en pouvant compter sur son entourage à commencer par Rin, mais en n'apparaissant jamais comme un poids. On ressent pour l'instant une égalité entre les personnages, le récit montrant alors d'emblée un vivre-ensemble bénéfique. Et c'est encore plus le cas via la découverte, à travers les yeux et les pensées de Yuki, d'Itsuomi, jeune homme qui va peut-être changer sa vie, tout comme elle changera peut-être la sienne. Il faut également souligner la présente d'Ôchi, un ami d'enfance de Yuki qui, s'il la taquine souvent, a pourtant appris la langue des signes pour elle, et se montre parfois protecteur envers la jeune fille.

"C'est quelqu'un qui a exploré toutes sortes de mondes..."

La relation naissante entre Yuki et Itsuomi est évidemment le point central, et elle s'annonce déjà très belle. Pas forcément autant pour les possibles enjeux amoureux qui se dessinent doucement mais sûrement (Yuki se demande si elle ressent de l'amour ou de l'admiration pour Itsuomi, se demande s'il a une petite amie...) que pour l'intérêt que les deux jeunes gens se portent à travers leur désir de communiquer l'un avec l'autre. Via l'héroïne, on découvre un garçon qui ne la juge pas, qui ne la voit pas comme une "bête curieuse" et n'est pas déconcerté quand bien même c'est la première fois qu'il rencontre une personne comme elle, qui se donne la peine de rendre plus lisible le mouvement de ses lèvres pour faciliter la compréhension de la jeune fille, qui est attentif en l'écartant d'un scooter qui passe, qui se demande comment on dit certaines choses en langue des signes jusqu'à vouloir commencer à apprendre la fameuse langue auprès de notre héroïne... On le voit bien à nombre d'instants, et c'est sans doute aussi pour ça qu'il voyage beaucoup et maîtrise déjà trois langues: pour Itsuomi, la communication avec l'autre est essentielle. Il le montre très bien au fil des pages, et il le confirme de plus belle dès les dernières pages du chapitre 1 avec son désir de "découvrir le monde de Yuki", puis par la suite en commençant à s'intéresser à la langue des signes. Alors, une chose est sûre: avec cette rencontre, le petit monde de Yuki va peu à peu devenir plus vaste, et ça devrait aussi être le cas pour Itsuomi.

Visuellement, la série nous rappelle d'emblée qu'elle est l'oeuvre des créatrices de Hibi Chouchou: c'est très doux, bourré de visages et de gestes bienveillants et chaleureux, où les principaux personnages font bien attention les uns aux autres. Les expressions faciales sont très réussies, que ce soit pour leur part de tendresse ou pour certains instants plus légers voire rigolos à observer. Et on appréciera aussi pas mal de réactions et de gestes très expressifs de Yuki, puisque le corps est lui aussi un excellent moyen de communication. Enfin, on a une écriture soignée, fluide et fine, bien portée par quelques métaphores plaisantes autour du monde ou de la neige (le prénom "Yuki" signifiant "neige").

"Fais-moi entrer dans ton monde, Yuki."

A sign of affection s'offre un début particulièrement joli. Enveloppé dans une atmosphère très douce et bénéfique où nos principaux personnages cherchent à communiquer ensemble comme il faut, le récit de suu Morishita semble bien parti pour aborder sur un ton positif le handicap, l'importance de bien communiquer, ainsi que l'ouverture au monde et ce qu'elle peut apporter.

Cette chronique ayant été réalisée à partir d'une épreuve numérique fournie par l'éditeur, pas d'avis sur l'édition. Mais on peut tout de même saluer la traduction claire de Rosalys, le lettrage intelligent (bonne idée d'inverser les lettres pour signifier les moments où Yuki ne comprend pas tout de ce qu'on lui dit), et le petit mot des deux mangakas sur les langues des signes japonaises.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs