20th Century Boys - Perfect Vol.1 - Actualité manga
20th Century Boys - Perfect Vol.1 - Manga

20th Century Boys - Perfect Vol.1 : Critiques

Nijuuseiki Shounen

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 04 Novembre 2020

Cette trouble année 2020 aura néanmoins été une très belle année pour les fans français de Naoki Urasawa, essentiellement grâce aux éditions Kana. En plus de nous apporter Asadora! la dernière série en date du maître, l'éditeur a bichonné l'auteur en proposant également Atchoum!, son dernier recueil d'histoires courtes, ainsi que le cultissime Yawara!, récit sportif (mais pas que) qui a fait décoller sa carrière au Japon à partir de 1989. Mais pour parachever cette année sous le signe d'Urasawa, c'est du côté des éditions Panini qu'il faut chercher, l'éditeur ayant choisi de remettre à l'honneur, à partir d'octobre, la série culte 20th Century Boys par le biais de son édition Perfect !

Tout commence par des premières pages en couleurs où, quelque part dans un collège japonais en 1973, une bande d'ados passe contre toute attente le mythique morceau de rock "20th Century Boys" de T-Rex. Puis nous voici à l'aube du XXIe siècle où, lors d'une grande cérémonie, un groupe d'individus mystérieux est accueilli sous les applaudissements de la foule après avoir sauvé l'humanité... tandis que, quelque part ailleurs, une jeune fille se réveille pour observer par sa fenêtre une inquiétante silhouette géante, en disant que "ça recommence"... Après cette poignée de pages énigmatique à souhait, place à l'année 1997 où l'on rencontre Kenji Endo. Ayant aux alentours de la trentaine, cet homme lambda, célibataire de surcroit, tâche de gérer la petite boutique familiale, anciennement un magasin d'alcool qu'il a transformé en convini sous tutelle d'une grande chaîne, tout en s'occupant de sa mère et surtout de sa nièce Kanna, nourrisson issu de père inconnu que sa grande soeur Kiriko leur a laissée avant de disparaître sans explication. Globalement, une vie des plus standard, au fil de laquelle Kenji continue de fréquenter certains de ses amis d'enfance comme le peureux Yoshitsune, l'enrobé Maruo ou la tête de crapaud "Croa-croa" qui s'apprête à se marier, quand bien même ce quotidien banal semble bien loin de ses rêves de musique rock de l'adolescence. Seulement, sa vie un peu morne risque bien de basculer avec l'arrivée d'une succession d'événements sordides. Tout d'abord, la disparition soudaine de toute une famille, les Shikishima. Puis le retour sous les yeux de notre héros d'un étrange symbole qu'il ne reconnaît pas tout de suite, mais qu'il a pourtant créé en 1969, quand il était enfant, avec ses copains dans leur "base secrète" alors qu'ils s'imaginaient des récits d'aventure et de menace sur le monde typiquement enfantines. Mais les inquiétants événements prennent une tournure plus forte quand "Donkey", un copain d'enfance de Kenji et de sa bande d'alors, meurt, apparemment d'un suicide... ce qui n'est pas sûr du tout. Très vite, des soupçons commencent à s'immiscer envers un certain "Ami", leader d'un groupe montant qui ressemble à une secte, et qui a précisément pour emblème le symbole créé par Kenji et les siens enfants. Alors que Donkey semblait vouloir le prévenir d'un immense danger, ces événements marquent pour le banal Kenji le début d'une quête folle, mystérieuse et effrénée avec, à la clé, un seul objectif: empêcher la destruction pure et simple du monde, prévue le 31 décembre 2020.

Tout. Tout a sûrement déjà été dit sur ce qui est l'un des thrillers les plus cultes et ambitieux de ces 20 dernières années (quand bien même sa conclusion en particulier a divisé), mais une rapide piqure de rappel ne fait jamais de mal quant à la maestria narrative d'un auteur qui s'engouffre ici dans ce qui deviendra une certaine marque de fabrique chez lui, à savoir les jeux temporels, une narration très étalée dans le temps, que l'on retrouvera ensuite dans Billy Bat et plus récemment dans Asadora!. Cette patte, le mangaka, épaulé au scénario par son compère de souvent Takashi Nagasaki, l'impose dès le début avec ces premières pages nous faisant passer rapidement d'une époque à l'autre en installant immédiatement nombre d'enjeux aussi mystérieux qu'ambitieux, qui auront évidemment tous une importance de premier plan au fil de la série. Et par ailleurs, le lecteur connaissant déjà la série pourra volontiers s'amuser, à la relecture, à repérer différents tout petits détails faisant écho à des choses qui auront leur importance bien plus tard, preuve d'un récit qui fut globalement bien pensé dès le début pour tenir sur la durée (même si 20th Century Boys souffrira également de diverses petites incohérences, généralement secondaires).

Mais dans l'immédiat, le thriller temporel d'Urasawa démarre essentiellement, au fil de ces environ 400 premières pages, en nous partageant entre deux époques: 1997 et 1969, tandis que quelques brefs flashforward viennent régulièrement piquer la curiosité en évoquant des événements critiques sur le point d'arriver en décembre 2000. De ces trois périodes, l'oeuvre tire le meilleur avec un constat a priori assez simple: en 1997, pour sauver le monde menacé de destruction en 2000, Kenji, épaulé par ses vieux amis, devra en premier lieu prendre conscience que cette menace a un rapport avec lui, que son origine remonte à son enfance, et qu'il devra donc remonter le fil de ses souvenirs de 1969 en particulier. L'ouvrage alterne alors essentiellement entre moments présents de 1997 et scènes issues du passé en 1969, dans une narration qui se révèle d'orfèvre tant Urasawa et Nagasaki parvient à toujours être limpides, à toujours distiller ce qu'ilf aut quand il faut, en offrant dès lors un rendu particulièrement addictif.

Car ici, beaucoup de choses auront leur importance, et découleront avant tout de ce qu'Urasawa sait peut-être faire de mieux: une galerie de personnages d'ores et déjà passionnante à suivre, en ceci qu'ils n'ont à la base aucune prédisposition pour être des héros, bien au contraire. C'était déjà le cas du simple docteur Tenma dans Monster, tout comme ce fut ensuite le cas pour le simple dessinateur de comics Kevin dans Billy Bat, sans oublier nombre de personnages autour d'eux. Les personnages de 20th Century Boys, en tête desquels Kenji en vendeur de convini aux rêves de rock oubliés, sont ainsi tous des citoyens plutôt lambda, hormis quelques petites spécificités les rendant plus truculents. Si Kenji reste pour le moment le plus en avant, on retiendra également, par exemple, Yukiji, fille au sacré caractère et à la sacrée force, ou encore Dieu, sans-abri aux visions prémonitoires. Sans oublier Kiriko, la soeur disparue de notre héros, qui se dévoile beaucoup plus au fil du tome via les souvenirs de Kenji, mettant notamment en valeur son sens du sacrifice pour son frérot au point d'oublier ses propres rêves. Mais de Maruo à Yoshitune en passant par Otcho, Mon-chan, le défunt Donkey de qui tout part, ou même certains méchants emblématiques comme Manjôme et surtout Ami, tous auront leurs développements plus personnels, plus humains. Ce qui commence déjà, d'ailleurs, quand on entrevoit les sentiments de Yukiji et de Yoshitsune, ou quand, surtout au travers de Kenji, certains de ces adultes lambdas s'interrogent sur ce qu'ils voulaient vraiment faire de leur vie quand ils étaient enfants. Par exemple, pourquoi, au fond, Kenji a-t-il arrêter de jouer la musique rock qu'il adorait ? Lui-même ne le sait pas trop.

En dehors de ça, on a évidemment les qualités visuelles pures d'Urasawa, que ce soit dans le découpage des planches servant toujours le rythme et le suspense en donnant envie de tourner frénétiquement chaque page, ou dans les designs de personnages qui ont tous leur "gueule", leur allure, leur expressivité propre, ou encore dans le sens du détail en fond (aaaah, ces "Ga!" de Kanna bébé qui viennent régulièrement animer le second plan). Le mangaka, également, n'est pas avare en références d'époque accentuant l'immersion (T-Rex, Woodstock, le premier pas sur la Lune...) ou même en d'autres types de clins d'oeil. Par exemple, le personnage de Shôtarô Kaneda ne fait pas référence à Akira, mais à celui du manga Tetsujin 28-gô de Mitsuteru Yokoyama, considéré comme le tout premier manga mecha de l'Histoire à mettre en scène un robot géant. Quand on sait qu'il sera question de robot géant dans 20th CB, la boucle est bouclée.

Bref, découvrir ou redécouvrir 20th CB est un immense plaisir, addictif à souhait, encore plus au vu d'une édition Perfect qui, cette fois-ci, n'usurpe pas son nom. Bien loin de la "deluxe" sortie entre 2014 et 2016 et qui n'était tout compte fait rien d'autre qu'une édition double en grand format aucunement revue ni enrichie, cette nouvelle édition peut compter sur la Perfect nippone sortie dans son pays en 2016 et sur laquelle Panini se calque avec application. Ainsi, on a droit à un grand format double (deux tomes de la première édition en un) de 145x210mm bien sûr, mais aussi à une jaquette bénéficiant d'un chouette relief vernis du plus bel effet, tandis qu'une fresque reprenant le logo-titre de la série se dessinera une fois les volumes rangés en bibliothèque. A l'intérieur, les pages couleurs inédites dans les éditions précédentes sont au rendez-vous, ce premier opus en comptant 14. Le papier, lui, n'a rien à voir avec la toute première édition: sans transparence, souple tout en étant un peu plus épais (un signe qui ne trompe pas: les deux premiers tomes de la première édition réunis sont moins épais que ce premier pavé) et permettant une impression bien meilleure (alors que l'encre de ma première édition, à côté, bave toujours un peu, c'est beau). Sinon, l'éditeur nous promettait une traduction revue, relue et supervisée par son directeur de collection, mais de ce côté-là rien de très marquant pour l'instant: les textes initialement traduits par Vincent Zouzoulkovsky sont toujours là (et étaient très bons, en tout cas sur ce tome 1, et de mémoire pour la suite), et leurs corrections semblent surtout tenir en de tout petits ajustements (par exemple, "nigiri" devenant "onigiri" en première page du chapitre 14. On saluera plutôt le lettrage entièrement revu et plus moderne, mieux adapté. Enfin, n'oublions pas la présence, dans chaque volume, d'un maque-page, petit plus toujours appréciable.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs