Jeu Video - Actualité manga

Le test du jeu video:

Publié le Mardi, 17 Mai 2011

29 mai 2002, Final Fantasy X est enfin disponible en Europe. Sa sortie au Japon date de juillet 2001, c'est donc un euphémisme que d'affirmer qu'il est très attendu. Ce dixième opus entraîne des bouleversements majeurs par rapport à des règles de gameplay précieusement conservées tout au long de la série, si ce n'est un aparté effectué avec FFVIII. Il profite aussi du changement de support, en tant que premier épisode de la saga sur Playstation 2, pour se poser comme une nouvelle référence graphique.

Dans le monde de Spira, à Zanarkand, gigantesque cité futuriste, Tidus joue un match de blitzball, le sport le plus répandu sur la planète, pour célébrer les dix ans de la disparition de son père Jecht, légende de ce sport. Un tsunami s'abat sur l'arène. Guidé par Auron, un ancien ami de Jecht, Tidus assiste à la destruction de la capitale. Il finira par chuter dans un gouffre et sera téléporté un millier d'années dans le futur. Il apprend que Spira est confronté à un mal millénaire. Sin, une gigantesque créature marine et doté de pouvoirs mystiques, sème le chaos sur la planète tous les 10 ans. Cela constitue un frein à toute avancée technologique. Face à Sin, une religion, le Yevon, s'est développée et fait toujours plus d'adeptes. Tidus et des habitants de Spira joindront leurs forces dans un but commun : permettre à Yuna, une invocatrice, d'accomplir son voyage initiatique pour maîtriser l'ultime chimère, et ainsi se défaire de l'emprise maléfique de Sin.

Final Fantasy X propose une équipe de sept personnages. Tidus, qui débarque dans un futur qu'il ne connaît pas, est un joueur de blitzball âgé de 17 ans. Derrière un tempérament dynamique, il cache le malaise d'un abandon par son père. Yuna est une jeune invocatrice élue par ses pairs pour maîtriser les différentes chimères existant sur Spira et sauver le monde du chaos provoqué par Sin. Manquant de confiance en elle voire repliée sur elle-même, sa rencontre avec Tidus sera salvatrice. Originaire de Bevelle, elle est la fille du Grand Invokeur Braska. Sa mère est une Al-Bhed, Yuna est donc métis, possédant un oeil bleu et l'autre vert. Wakka est âgé de 23 ans et vit sur l'île de Besaid. Il est le capitaine et entraîneur de l'équipe de blitzball locale. Il recueillera Tidus, touché par sa ressemblance avec son jeune frère décédé Chappu. Désinvolte et maladroit, il peine à retrouver la confiance de Lulu, une magicienne taciturne qui ne se remet pas de la disparition de Chappu, dont elle était la fiancée. Kimahri est un Ronso venant du Mont Gagazet. Il a été banni de son clan, considéré comme un guerrier indigne après qu'on lui ait cassé sa corne. Il est le gardien de Yuna depuis son enfance. Auron, âgé de 35 ans, un ami des pères de Tidus et Yuna, fera une réapparition remarquée au cours de l'aventure. Rikku est une Al-Bhed de 15 ans, bilingue puisqu'elle maîtrise à la fois le langage Al-Bhed et la langue humaine. Espiègle, ses liens avec Yuna se resserreront au cours du voyage. L'équipe sera confrontée à Sin, union des pêchés commis par les Hommes, mais aussi à Seymour, un invokeur talentueux issu de la tribu des Guados, qui révélera des intentions malsaines envers Spira.

Si les personnages de FFX ne sont pas aussi intéressants que ceux des précédents volets, en ce qu'ils sont beaucoup trop stéréotypés, voire américanisés, le jeu parvient à maintenir une richesse scénaristique avec un nombre très important de cut-scenes et de séquences cinématiques en images de synthèse. Square a su se montrer généreux avec, mis bout à bout, plus d'une heure de cinématiques en CG qui en mettent plein la vue. Le studio japonais montre encore une fois tout son talent. A l'époque, s'agissant de ce type de cinématiques, seul Capcom avec les Onimusha pouvait rivaliser. Le scénario en lui-même est assez classique, mais les développeurs ont su proposer des retournements de situation suffisamment efficaces et une narration très dynamique pour maintenir un intérêt constant. Un excellent rebondissement (à savoir l'identité de Sin), intervenant avant l'ultime combat, saura produire son effet. Le joueur, comme dans les épisodes précédents, est donc souvent passif, pour mieux contempler les liens se tissant entre les personnages. Beaucoup de cinématiques en CG sont irrésistibles tellement les rebondissements y sont intenses. En matière de scènes cultes, on pensera notamment au tsunami s'abattant sur le village de Kilika, à la cérémonie funéraire qui s'en suivra ou encore au sauvetage in extremis de Yuna à Bevelle. D'autres sont plus improbables, telle l'embrassade aquatique entre les deux héros, avec pour fond sonore une pop japonaise insistante. Si le huitième opus avait su tisser une très belle histoire d'amour, FFX tombe dans les clichés et la guimauve pseudo-hollywoodienne. Les scénaristes, bien avisés, n'insisteront néanmoins pas trop sur cet aspect. Et il faut bien avouer que la très belle fin de cet épisode (à voir absolument en VO, nous y reviendrons plus tard dans ce test), résolument triste (c'est une première dans un Final Fantasy), nous réconcilie avec l'ensemble des personnages.

Ce dixième volet se distingue des épisodes précédents dans la façon selon laquelle le joueur évolue. Tous les lieux où le joueur peut se rendre sont physiquement connectés les uns aux autres. Il n'y a donc plus de carte du monde que l'on puisse explorer. Et l'on regrette fortement l'absence d'une telle carte. Cela entraîne en effet un aspect bien désagréable : le jeu est excessivement linéaire, les allers-retours sont interdits, et aucune liberté n'est laissée jusqu'au dernier donjon (il faut donc attendre plus de 40 heures de jeu pour quelqu'un qui prend son temps). Il existe bien un vaisseau aérien en fin de parcours, qui permet de se rendre instantanément à une destination donnée. Mais aucun voyage sur un atlas n'est permis. Le seul et unique halo de liberté ressenti prendra place dans des plaines... et encore, tout cela ne sera pas bien passionnant. Les décors de ce volet sont extrêmement variés et chatoyants. Mais le level-design peine à convaincre puisqu'on croirait évoluer dans des couloirs. Ce sentiment est renforcé par l'apparition d'une « carte du niveau » à l'écran... qui ne sert clairement pas à grand chose, si ce n'est à indiquer les éventuelles impasses où trouver des coffres. Beaucoup ont estimé que cet aspect très linéaire provenait du manque de maîtrise technologique de la Playstation 2 des équipes de Square (FFX figurant parmi les jeux sortis quelques mois après la sortie de la console), que les développeurs avaient dû s'adapter en conséquence. La richesse du scénario et la narration maîtrisée permettent de faire abstraction de ce défaut, puisqu'ils donnent une envie irrépressible de poursuivre l'aventure.

Du point de vue de l'ambiance, Final Fantasy X diffère des précédents volets. Final Fantasy VI baignait dans le steampunk, Final Fantasy VII dans le cyberpunk, Final Fantasy VIII dans la science-fiction et Final Fantasy IX dans un style européen médiéval. Ce dixième épisode se rapproche pour la première fois d'environnements asiatiques : Asie du Sud-est pour les villages littoraux et les jungles luxuriantes et Moyen-Orient pour les chemins enneigés et l'aspect troglodytique. Certains des personnages principaux ont d'ailleurs des noms d'origine japonaise ou aïnou (Tidus pour soleil, Yuna pour nuit, Wakka pour eau).

Final Fantasy X introduit de même une notion présente dans FF Tactics et dans les volets ultérieurs. Différentes races peuvent être rencontrées en cours d'aventure. Parmi elles, les Ronsos, de puissants guerriers félins bleus ; les Guados, des elfes vivant dans des cavernes ; les Al Bhed, qui ont su perpétrer la maîtrise technologique du Spira antérieur aux attaques de Sin, et qui parlent un langage différent. Final Fantasy X, bien avant Final Fantasy XIII, évoquait la discrimination des races, avec des Al Bheds, plus que marginalisés, véritablement pourchassés, et des Ronsos et Guados communautaristes.

Le gameplay de FFX constitue le point fort du jeu, et est sans nul doute l'un des plus aboutis avec ceux de FFVII et FFIX (qui restaient classiques mais terriblement efficaces) et FFXII (pour ceux qui ont aimé). Les combats se déroulent toujours selon le système de l'Active Time Battle. L'équipe de combat est formée de 3 personnages. On peut désormais remplacer n'importe lequel d'entre eux par un autre. Une fenêtre d'ordre des tours est aussi disponible, permettant à ce volet d'éviter les mauvaises surprises et d'acquérir une dimension stratégique non négligeable. Les traditionnels « Attaquer », « Magie », « Compétences », « Objets » sont présents. L'Overdrive est le nom des limites (coups spéciaux utilisables au bout d'un certain seuil de dégâts subis) de cet épisode. L'Overkill est le nom des coups critiques déclenchés via une attaque, qui sont désormais moins aléatoires. L'Overkill permet notamment de mettre fin rapidement à des combats menés contre des monstres au niveau bien moindre que celui des personnages contrôlés. Les invocations, qui ont un rôle capital dans le scénario, sont dénommées chimères et sont réservées à Yuna. Elles s'obtiennent en réussissant des épreuves dans des temples traversés en cours d'aventure. Dommage d'ailleurs que les énigmes proposés soient si rébarbatives... chaque arrivée dans un nouveau temple n'est généralement pas synonyme d'allégresse pour le joueur qui doit y supporter un level-design bien lourd. La majorité des donjons seront visités lors de l'intrigue principale, pas la peine donc de craindre de passer à côté d'atouts majeurs au combat. Les chimères sont désormais contrôlables lors des combats, remplaçant l'équipe de personnages pour un moment déterminé. La diminution du temps des séquences déclenchées lors des attaques spéciales est prévue dans les menus, ce qui est une bonne chose après les critiques adressées à FFVIII.

Toutes les compétences acquises par les personnages dépendent des choix faits par le joueur dans un menu appelé Sphérier. Ce système est à la fois simple et complexe si l'on veut monter son personnage à fond et avoir une équipe équilibrée. Le Sphérier se compose de différents types de sphères d'évolution : des sphères qui augmentent les caractéristiques (points de vie, points de magie, force, magie et autres classiques), des sphères qui permettent d'apprendre de nouvelles compétences (coups spéciaux, techniques, magies) et des limitosphères qui bloquent certains passages du Sphérier. Pour activer les sphères d'évolution, le joueur a besoin de sphères, qu'il reçoit le plus souvent en fin de combat. L'absence de points et de niveau d'expérience est donc caractéristique. Deux Sphériers existent dans le jeu : le Sphérier Standard, qui guide les personnages vers des compétences et des augmentations de caractéristiques leur correspondant le mieux, et le Sphérier Expert, conseillé aux initiés du RPG, plaçant les personnages au centre du plateau et permettant une plus grande liberté de mouvement. Avec ce Sphérier, le joueur peut radicalement changer la nature des personnages (transformer Tidus en mage blanc ou Lulu en chevalière...). Lors des combats comme dans le Sphérier, la stratégie acquiert une importance toute particulière, ce qui fait de ce FFX est un jeu extrêmement complet. De plus, la liberté qui n'est pas laissée au joueur dans l'histoire est laissée au niveau du gameplay, ce qui constitue un bon compromis ! Les points de sauvegarde répartis dans les niveaux (on ne peut donc toujours pas sauvegarder où l'on veut) sont toujours présents.

FFX reste fidèle à certaines traditions. Il propose de multiples références aux autres opus : les armes de Lulu, qu'elle utilise comme des peluches sont un Mog, un Pampa ou un Cait Sith, les chocobos servent à se balader (en dépit de l'aspect linéaire, ils conservent un intérêt en permettant d'aller beaucoup plus vite dans les couloirs). Le mini-jeu de FFX est le blitzball, une discipline aquatique, qui revêt une importance scénaristique, puisqu'il s'agit d'un sport international. Disputer des matchs sera obligatoire à un moment du jeu. Le reste du temps, le blitzball peut être pratiqué à partir d'un point de sauvegarde. Vous pouvez recruter des joueurs n'importe où dans le jeu en parlant à différents PNJ. Le blitzball n'est pas une simulation sportive mais un jeu assez stratégique via un système de statistiques. Il aurait été beaucoup plus classe (le blitzball mélangeant football, handball et waterpolo) d'en faire une simulation, un véritable jeu dans le jeu, mais cela n'était sans doute pas possible technologiquement.

FFX est livré dans une édition double DVD appréciable. Le DVD bonus contient des interviews, des bandes-annonce en avant-première, quelques musiques et clips et des galeries de portraits (mais le prix de lancement s'en faisait sentir... 70€ à la sortie du jeu !).

Ce dixième volet constitue le premier Final Fantasy à proposer un doublage vocal, possibilité permise par les capacités de la Playstation 2. Le choix a été fait de conserver le doublage anglais au détriment des voix japonaises, tandis que les textes sont intégralement traduits en français. Problème : un manque d'intensité flagrant ressort des voix anglaises. Les accents américains nasillards de Tidus et Wakka ne sont clairement pas appropriés à l'univers, et la voix de Yuna est insupportable. La fin est à pleurer de honte : totalement dénaturée en anglais, et au contraire superbe en langue japonaise ! Au jeu des sept erreurs, on se fait peur ! Car si la traduction a été aussi fidèle tout au long du jeu qu'à la fin, on se dit qu'on a dû passer à côté de la moitié de la richesse de narration ! Voyez plutôt : un Tidus en larmes en VO, et simplement affecté en version anglaise (on n'entend guère son chagrin) ; Wakka, Lulu, Kimahri, Rikku inquiets en VO, et profondément niais en version anglaise ; mais, surtout, un « Merci » de Yuna en VO, traduit par un « Je t'aime » dans notre version... depuis quand « Arigato » signifie-t-il « Je t'aime » ? Et que l'on nous ressorte pas la justification d'un quelconque double sens, ce serait juste ridicule. Bref, tout cela est confondant d'amateurisme, car l'essence-même du jeu est ici atteinte.

Restons d'ailleurs dans l'amateurisme, car on regrette l'absence d'option 60hertz, ou au moins d'un 50hertz optimisé ! Le jeu souffre terriblement de son passage à ce qui était à l'époque une pseudo-norme. On a ainsi droit à des bandes noires envahissantes, une image tassée, un problème technique de tremblement des personnages pendant les cut-scenes, des animations moins fluides, un aliasing plus évident : oui tout ça... Heureusement que les cinématiques en CG ne subissent pas de lacunes techniques ! Notons enfin que notre version européenne, qui propose des quêtes annexes absentes de la version originale (par exemple, les combats contre les chimères dans leur aspect dark dirons-nous), est buggée (freeze et bugs de collision lors de quêtes bonus).

L'adaptation européenne est une honte qui gâche incontestablement le plaisir de jeu. Il a fallu attendre 10 mois pour voir le jeu en Europe, et livrer une version de ce type est aberrant. Qui plus est, en 10 mois, les graphismes avaient eu le temps de prendre un léger coup de vieux, et voilà qu'une adaptation les tassait encore davantage.


Graphismes : Les environnements sont en 3D, rendus en temps réel, contrairement aux épisodes précédents où ils étaient en 3D pré-calculée. Le jeu conserve tout de même quelques écrans pré-rendus (notamment dans des endroits exigus, tels que des maisons). Profitant d'une toute nouvelle ambiance inspirée de l'Asie orientale et moyen-orientale, les graphismes sont chatoyants (superbes reproductions de l'eau turquoise et de la végétation luxuriante) et très variés. Le dynamisme des combats et leurs effets spéciaux impressionnent encore dix ans après.

Durée de vie : La durée de vie est particulièrement longue, et on a envie d'aller jusqu'au bout, tant le jeu s'appuie sur sa narration.

Bande-son : Le thème principal au piano, divin, est signé Nobuo Uematsu. Le compositeur a su adapter la bande-son à la nouvelle ambiance asiatique. Chaque ville ou décor, chaque personnage, parfois même une situation particulière, profite d'une musique renforçant l'intensité. La chanson pop intitulée Suteki Da Ne ne s'imposait cependant pas, tendant vers la niaiserie de l'histoire d'amour entre les deux héros.

Jouabilité : La caméra est dynamique, les angles étonnamment moins cinématographiques qu'auparavant. La maniabilité est connue pour être l'une des plus aisées des Final Fantasy dans les décors (très souple au joystick)... ce qui résulte de l'effet couloir.

Scénario : La narration est parfaitement maîtrisée, les effets dramatiques efficaces. Bon nombre de cinématiques en CG sont mémorables.

Jouissant d'un gameplay impeccable, d'une ambiance et d'une narration très travaillées et d'un scénario accrocheur, ce dixième opus est néanmoins plombé par un aspect dirigiste et linéaire trop prononcé ainsi que par une adaptation européenne honteuse. Nul doute qu'une version japonaise avec sous-titrage français et format d'image raisonnable aurait permis d'apprécier le jeu à sa plus juste valeur, à savoir comme un très grand RPG !

Note de la rédaction
Note des lecteurs