Plaire à tout prix - Actualité manga

Plaire à tout prix : Critiques

Hana to Mitsubachi

Critique de la série manga

Publiée le Jeudi, 23 Octobre 2014

Que les mecs ayant rigolé devant le sort réservé à la lunatique Shigéta dans Happy Mania ravalent leur salive, car Moyoco Anno a décidé de s’amuser avec eux et surtout avec le pauvre Masao dans Plaire à tout prix. Vous allez comprendre ce que veut dire être « victime » de la mode !

Moyoco Anno est folle. Et ce n’est pas parce qu’elle a épousé Hideaki Anno, le créateur génial et lui aussi un peu fou d’Evangelion, quoi que cela donne une certaine idée de sa différence et de son originalité. Les jeunes femmes ont pu déjà le constater avec Happy Mania, les petites filles avec Chocola & Vanilla et maintenant c’est autour des mecs de s’en rendre compte, et d’en prendre un peu pour leur grade, avec Plaire à tout prix. Sur le principe déjà, ce manga en 7 volumes débuté en 2000 dans Young Magazine n’est pas banal. Bien qu’il s’agisse à n’en pas douter d’un seinen, il se présente par son auteur et son sujet comme un shôjo ou josei pour garçons. Une première du genre, dont l’éditeur Pika déconseille la lecture aux moins de 12 ans et qui finalement s’adresse surtout aux plus de 16 ans. Non pas parce qu’il est question de sexe, mais plutôt parce que c’est l’âge minimum qu’il faut pour appréhender et apprécier au mieux les délires, obsessions et frustrations du jeune Masao Komatsu. D’une certaine manière, il n’est pas sans rappeler cette délurée et délirante de Kayoko Shigéta dans Happy Mania. Les lectrices adoraient la détester et pouvaient autant rire que flipper de se reconnaître dans ses comportements naïfs, imprévisibles et parfois autodestructeurs.

Welcome to Beauty World

Il en est de même avec ce pauvre Masao, lycéen timide et physiquement passe-partout. Transparent voire déconsidéré aux yeux de ses camarades, et plus encore à ceux du sexe opposé, il traîne son existence et supporte les remarques. Mais c’est surtout lui qui se met la pression. Ainsi, après un masque régénérant, l’épilation des sourcils et un coup de baume à lèvre, il se croit métamorphosé et le tombeur de ces dames, avant bien sûr que sa voisine de table Sakura ne lui balance qu’il a une sale coupe, en forme de casque, alors que lui croit s’être fait la coupe de Teru, le chanteur du groupe Glay. Il y a donc de quoi se prendre la tête entre les mains et hurler intérieurement, ce qui pourrait être le deuxième passe-temps de Masao. C’en est trop pour lui, et après avoir vu un beau gosse entré dans un institut de beauté pour hommes, il décide de franchir les portes de Beauty World. Une équipe d’homosexuels exubérants s’en tortillent les moustaches et le relookent de la tête aux pieds. « Je ne serais plus jamais timide, ni réservé », se répète Masao, ce qui montre bien qu’il n’a rien compris. Car si avec sa coupe courte et ses sourcils à taille variable, il attire bien les regards des filles, c’est parfois pour le meilleur mais souvent pour le pire. Ainsi, il est snobé par Noriko, une top-modèle et idole du quartier, mais une jeune femme l’aborde de but en blanc dans la rue pour aller au love hôtel avec lui. Elle est vierge et est prête à le faire avec n’importe qui. Même Masao ? Pourquoi pas, sauf lorsqu’elle se rend compte qu’il est entièrement épilé !

Humilier à tout prix

Le problème de Masao n’est pas qu’il joue de malchance, mais bien qu’il est aussi naïf que débile, une vraie bonne poire et un cobaye entre les mains d’esthéticiennes sans scrupules. Difficile de ne pas en dire autant de la mangaka Moyoco Anno qui semble prendre un malin plaisir à humilier son héros. Le sort que lui réserve les deux nouvelles gérantes et dragonnes du Beauty World n’est à envier à personne. Après l’avoir ruiné, l’avoir utilisé comme larbin, elles n’hésitent pas à le violer histoire de lui donner une bonne leçon et surtout de s’amuser. Masao se voit déjà en homme comblé, alors qu’il a été une nouvelle fois victime des deux prédatrices et d’un gros délire du manga. Car à partir de moment-là, l’histoire ne suit plus aucune logique, si ce n’est d’en faire voir de toutes les couleurs à notre fashion victim. Moyoco Anno plaisante elle-même dans les notes qu’il n’est pas question elle le rende heureux tant qu’elle n’est pas mariée, avant d’ajouter un « Hihihihi ». Impossible alors de prendre Plaire à tout prix au sérieux, d’éprouver de l’empathie pour Masao ou une quelconque sympathie pour les personnages féminins. La dessinatrice a cette capacité à s’affranchir des codes, des convenances et à croquer en totale liberté un peu d’elle et beaucoup de notre société.

Miroir, oh mon beau miroir

Car derrière son trait impulsif, approximatif ou énervé, la mangaka ne rend compte que des énergies, obsessions et paradoxes qui régissent notre vie. En a-t-elle conscience ? Ce n’est pas très important, mais il est sûr que son travail comme chroniqueuse dans un magazine de cosmétique et de mode y est pour beaucoup. Elle a en effet écrit plusieurs essais sur la beauté féminine, que cela soit vestimentaire, diététique ou plus généralement sur le style de vie. En fait, à l’instar du Masao de Plaire à tout prix ou de la Shigéta de Happy Mania, elle aussi est victime (pour le coup consentante) de la mode, du matérialisme et la société de consommation. Elle ne s’en cache pas et se libère à coups de planches de manga et de situations improbables. Délirant pour certains, rebutant pour d’autres, son témoignage n’en reste pas moins essentiel, de même que sa douce folie. A chaque manga, à chaque volume, elle tend un miroir déformant aux lecteurs et lectrices. Il se peut donc que le lecteur mâle n’apprécie pas Plaire à tout prix, mais en riant beaucoup de Masao, il apprend un peu à rire de lui-même. Sinon, les filles s’en chargeront. En effet, difficile de ne pas avouer que n’importe quel mec a à un moment (de déprime, de délire) rêver de plaire à toutes les filles, de faire de la chirurgie esthétique, de participer à un concours de beauté ou de perdre son pucelage coûte que coûte. Une bonne fois pour toutes, « no big deal », comme dirait l’autre. Et vu le sort réservé à Masao à ce niveau-là, pauvre de nous, Moyoco Anno n’a pas fini de se moquer de nous ! Et si c’était de nouveau au tour des filles ?

Hoagie


Note de la rédaction

Evolution des notes des volumes selon les chroniques:

14.00,16.00,17.00,17.00,19.00,19.00

Les critiques des volumes de la série