Vaste le ciel - Actualité manga

Vaste le ciel : Critiques

Kokû Monogatari

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 14 Juillet 2015

Une auberge, dans le Japon du XIXème siècle. Le petit Heikichi vit avec sa sœur Karen, son grand-père et sa tante. Un jour, un voyageur, se présentant comme pharmacien, arrive dans leur petite vie. Conteur et philosophe, ses histoires vont passionner et faire grandir Heikichi…
Vaste le ciel d’Ôji Suzuki fait partie de ces récits que les auteurs élaborent sur des années et des années, au gré de leur humeur, quand ils se sentent capables d’écrire un chapitre de plus. Débuté dans le magazine Garo dans les années 1970, c’est en 2002 que Suzuki a finalisé le dernier chapitre et que le recueil est paru au Japon. 4 ans plus tard, les éditions Philippe Picquier le traduisent en Français, pour une audience confidentielle. Avec un rythme aussi lent, Suzuki a fait mûrir doucement ce récit poétique et typiquement japonais.
 
En effet, Vaste le ciel est emprunt de philosophie. Heikichi est un petit garçon qui vit reculé, entouré de nature. Les personnages de son entourage lui ouvrent les yeux sur son monde, que ce soient ce visiteur sur cette belle nature, en lui récitant des contes pour le moins tragiques, ou sa sœur sur l’amour et la sexualité. Vous comprendrez qu’avec ce dernier point, mieux vaut être un lecteur averti (même si les allusions sont peu nombreuses et pas forcément « très crues »). De toute manière, les chapitres finaux remettent en question ce que nous décrit à la base, et on comprend que Suzuki nous parle aussi de l’imagination que peuvent développer les gens solitaires, l’univers qu’ils se créent.
 
La lecture est particulièrement agréable de par son côté onirique. Malgré un dessin qui ne paie pas de mine, Suzuki arrive à nous étourdir dans la représentation des décors, le jeu avec les ombres… La nature est belle, luxuriante, presque dénué de tout aspect humain moderne. Dans son genre, le trait est parfaitement maîtrisé et contribue à cette atmosphère envoutante. Par moment, l’auteur nous emmène vers un chemin plus surnaturel. On y rencontre des créatures du folklore nippon. Ces moments s’intègrent parfaitement dans le cadre spirituel du manga.
 
Au final, il s’agit plus d’une histoire spirituelle que d’un récit axé sur la psychologie des personnages. La beauté philosophique du manga est globale, elle ressort à la fois des dialogues, du dessin, des situations, mais l’auteur s’attarde finalement peu sur les protagonistes, ils font partie d’un tout et c’est très cohérent avec la spiritualité asiatique telle qu’on se l’imagine. L’alchimie de tous les éléments est excellente.
 
Vaste le ciel fait partie de ces œuvres lyriques japonaises, teintées de mysticisme, centrées sur la pensée, l’âme… On peut penser à Miyazaki, ou à une certaine littérature japonaise lorsqu’on lit Suzuki. Ce genre de manga n’est pas malheureusement pas destiné à être vendu par millions d’exemplaires dans notre pays, mais on peut se réjouir que des éditeurs parviennent toutefois à nous en présenter des copies. Des auteurs comme Ôji Suzuki ont eu un réel impact dans le milieu de la bande dessinée japonaise, et il serait dommage de se priver de cette lecture si atypique, à la fois entrant dans le registre du manga alternatif et du patrimoine vintage de la bande dessinée.
 
L’édition de Philippe Picquier était relativement coûteuse lors de la sortie du livre (plus de 16€), mais c’est bien là son défaut le plus gênant. La copie est de bonne qualité, notamment au niveau du papier et de l’impression. La jaquette est originale : elle présente les personnages de Karen et d’Heikichi sur un fond bleu transparent, ce qui permet de voir les dessins de la première et la quatrième de couverture. On pourra peut-être juste regretter par moments les tournures un peu lourdes de la traduction, notamment dues à l’économie de ponctuation (manque de virgules…).
  
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Raimaru
15 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs