Street Fighting Cat Vol.1 - Actualité manga
Street Fighting Cat Vol.1 - Manga

Street Fighting Cat Vol.1 : Critiques

Noraneko Sekai

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 05 Juillet 2017

C'est bien connu, le milieu des chats de gouttière est impitoyable, et tout le monde (ou presque) a déjà pu entendre dans la rue la nuit une bonne baston entre félins en conquête de territoire, ou apercevoir des matous balafrés à force de se battre pour conserver leurs acquis territoriaux. Mine de rien, c'est une petite organisation qui a lieu dans ce monde de félins... alors quoi de plus normal que d'en faire un manga de furyo ?! C'est l'idée assez géniale qu'a eue SP Nakatema, mangaka justement spécialisé dans les récits de baston entre "racailles". Officiant depuis le milieu des années 1990, il a notamment signé la saga B.M.N. - Black Monday Night ou encore un spin off de Gangking.


Ce n'est pas la première fois que les éditions Doki-Doki nous amènent en France un manga typé furyo un peu décalé : on se souvient du très fun Ping Pong Dash!! qui mêlait loubards et... ping pong, ou encore de Gewalt. Autant dire qu'on sera ici très loin de la jolie tranche de vie Sa Majesté le chat, premier manga félin de l'éditeur sorti au printemps dernier !


Street Fighting Cat débute sur une promesse : celle du chat à la drôle de moustache Hige (nom signifiant d'ailleurs "moustache") et de son ami Torao, décidés à trôner un jour au sommet de la hiérarchie féline de la ville. Un an plus tard, bien du chemin a été parcouru, et Hige est devenu... un bon gros tocard. Le dernier des derniers, le loser, rejeté par tous les matous depuis qu'il a "trahi" Torao en étant incapable de le sauver quand il en avait besoin. Hige traîne sa carcasse de raté, à la fois trop faible et trop peureux pour s'en sortir... jusqu'au jour où, alors qu'il est mal parti face à la bande de Torao et qu'il aimerait en finir avec la vie, un gros matou tombe littéralement du ciel. Un matou du genre mastard, qui déglingue Torao et ses sbires en un clin d'oeil. Hige voit en cette rencontre un signe du destin : c'est décidé, il pariera sur ce dénommé Nobunaga, ancien chat domestique qui a décidé de rejoindre la rue, pour enfin peut-être atteindre les plus hautes marches des luttes territoriales félines !


Assez addictif dès ses premières pages, le récit doit d'abord beaucoup à la patte visuelle d'un auteur plutôt bien inspiré, qui sait tirer pleinement parti de ses brefs moments de baston assez nerveuse, de ses décors urbains nocturnes, et surtout des bouilles hyper expressives et souvent hilarantes de ces chats cicatrisés, aux têtes de gros durs et se frittant sur leurs pattes arrières. Avec son expérience dans le manga furyo, SP Nakatema n'a aucune difficulté à retranscrire en version féline des jolies postures de bad boys des rues, pour un résultat décalé souvent savoureux.


Mais l'humour ne vient pas uniquement de là, et doit aussi beaucoup à certains visages, à commencer par Hige lui-même ! Véritable loser sur toute la ligne, il peine à évoluer, y compris une fois Nobunaga à ses côtés (à qui il sert de guide des environs), et même si l'on devine qu'il devrait quand même réussir à changer sur la longueur... Mais pour l'instant il n'est qu'un sous-fifre pour Nobunaga qui le renomme Hideyoshi (sympathique clin d'oeil à Nobunaga Oda et Hideyoshi Toyotomi, figures historiques de l'unification du Japon dont les liens étaient parfois un peu similaires à ceux de nos deux matous), et qui se sert surtout de lui pour se faire indiquer les bonnes adresses où faire les poubelles sans en laisser une miette à notre pauvre félin principal. Notons que la narration, qui se focalise souvent sur Hideyoshi et ses pensées souvent pas très courageuses, est excellente pour mettre en avant notre héros sous toutes ses coutures.


Bien d'autres félins viennent animer les pages, que ce soit de façon sérieuse comme Arashi (le boss du quartier ouest) ou plus humoristique comme les deux chats pas très futés suivant Hideyoshi à un moment. Mais c'est bien Nobunaga qui est vraiment l'autre chat attirant l'attention sur lui dans ce premier tome : avec son physique de colosse bien grassouillet, il impose d'emblée sa puissance et rétame facilement les chats se dressant sur sa route... alors qu'en fait il ne pense qu'à bouffer. Bouffer, bouffer et encore bouffer, quitte à ne respecter aucune des règles que Hideyoshi tente désespérément de lui apprendre.


Car oui, dans le monde de la gouttière, il y a des règles. Tout un code d'honneur, même. Un code digne de toute organisation yakuza ! Ne jamais abandonner un frère de griffes (chose que Hideyoshi a faite vis-à-vis de Torao...), ne jamais demander d'aide lors d'un combat singulier... mais tout tourne surtout autour du partage des territoires. Au total, six territoires dont une sorte de "no man's land" qu'aucun matou ne dirige, et pour chacun des 5 autres un boss régnant sur le domaine. Interdiction de fouiller les poubelles d'un territoire adverse, interdiction pour un boss de pénétrer sur un territoire qui n'est pas le sien... mais pour revendiquer un nouveau territoire, il suffit d'aller provoquer en duel son boss, qui ne peut refuser sous peine de passer pour un lâche. Tout au long du volume, l'auteur parvient à merveille à présenter tout cela, notamment à travers les explications que Hideyoshi adresse (ou tente d'adresser...) à Nobunaga. A tout c la s'ajoute un autre règle délirante, qui est même la règle numéro 1 : dès qu'un humain est dans les parages, il faut toujours se comporter comme un chat, avoir l'air penaud ou mignon et rester à quatre pattes ! Un peu comme si des loubards faisaient mine de rien quand des flics ne sont pas loin, une situation de haute tension et de baston peut alors retomber soudainement pour quelques secondes, le temps que l'humain s'éloigne, ce qui créer à quelques reprises des situations joliment décalées. Mais dites-le vous bien : la nuit, dehors, dès que vous avez le dos tourné, vos jolis minous deviennent des caïds se mettant sur la face sévère !


Ne se contentant pas d'une longue phase de présentation, SP Nakatema installe d'ores et déjà des enjeux qui ne demandent qu'à éclater, et au-delà des rivalités entre bandes et des guerres de territoires entre boss, cela passe surtout par la présence d'un ennemi n'appartenant à aucun clan : Gan, un chat tellement incontrôlable et irrespectueux du code d'honneur félin qu'il fut rejeté par tous...


Avec Street Fighting Cat, on retrouve le petit format shônen de Doki-Doki (celui de Full Ahead! Coco ou de Ping Pong Dash!!), que l'éditeur n'utilisait plus ces dernières années. Facile à prendre en main, le livre bénéficie d'un papier bien épais et d'une excellente impression effectuée en Italie chez Lego. Le travail de lettrage du Studio Charon est de très bonne facture, mais la palme revient à la traduction bien inspirée de Julien Pouly, qui offre un travail très vivant, avec un parler adéquat et des expressions félines très bien trouvées. Sur la jaquette, l'éditeur a imaginé un logo-titre bien lisible et dans le ton avec ses pattes de chat et ses coups de griffe. D'ailleurs, n'oubliez surtout pas de retirer ladite jaquette, pour découvrir sur la couverture des blablas assez longs et très intéressants de SP Nakatema sur la façon dont la série est née, sur ses difficultés à la faire accepter à un éditeur, sur ses doutes en tant que mangaka, sur le rôle important qu'ont eu ses amis et confrères mangakas Daiju Yanauchi (l'auteur de Gangking) et Kôichi Nagata... L'auteur se livre pas mal, ce qui est vraiment plaisant.


Un manga typé furyo/yakuza, avec ses guerres de territoire, ses boss, sa hiérarchie, son code d'honneur... le tout en version féline : il fallait tout simplement y penser, et sur ce premier volume SP Nakatema exploite d'excellente manière ce qu'il a imaginé. Drôle, survitaminé, immersif et addictif, le début de Street Fighting Cat est une excellente surprise !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction