Sto:Rage Vol.1 - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 31 Août 2017

Plutôt adeptes des séries courtes, les éditions Komikku nous en apportent une nouvelle, dans le registre du polar d'anticipation. Un choix pas forcément étonnant de la part de cet éditeur qui semble aimer le genre. 


Terminé en deux volumes, Sto:Rage a été prépublié au Japon en 2015-2016 dans le magazine Gekkan Comic @ Bunch de Shinchôsha. On doit ce récit à Jirô Andô, un auteur qui est déjà connu en France pour les dessins de Kings of Shogi. L'oeuvre nous plonge en 2019 et se repose sur un concept très intéressant : celui de la mémoire visuelle. Ici, dans ce futur proche où Tokyo s'apprête à accueillir les Jeux Olympiques, une nouvelle technologie très avancée permet d'analyser la mémoire oculaire des personnes vivantes ou mortes depuis peu. Et en étant accompagné de la jeune Hitomi Tachibana qui est une spécialiste de cette nouvelle avancée technologique, le policier Souta Aoba aura bien besoin de la mémoire visuelle pour lever le voilà sur une affaire qui non seulement est plus compliquée qu'il n'y paraît, mais qui en plus pourrait finir par l'impliquer personnellement dès lors que son passé dramatique va le rattraper...


Tout commence par une sombre affaire, celle d'un corps retrouvé debout, et complètement calciné sauf au niveau de la tête où le globe oculaire gauche a été retiré. Rapidement résolue au fil du premier chapitre et ne réservant pas de surprise, cette première enquête pose néanmoins assez bien le concept et les principaux personnages, en plus d'installer comme il se doit le ton général en offrant une atmosphère de polar assez sombre que le trait soigné de Jirô Andô sert sans problème. Dès le départ, le principal regret vient du manque de consistance et de présence de visages secondaires pourtant présentés comme étant assez importants, on pense ici à la chef Shinjyo et plus encore à Kanji Kusakabe, un inspecteur qui a tendance à trop vite faire parler les poings quand il s'agit de protéger Hitomi. Et Hitomi elle-même entre en scène de façon plutôt convenue. En revanche, l'essentiel est assuré concernant notre héros, qui intrigue facilement, car assez rapidement on cerne qu'il y a quelque chose de pas net concernant son oeil et son passé. Andô distille sans trop insister ses indices, poussant le lecteur à bien observer les choses, ce qui est plutôt agréable. SI bien que les choses intriguent facilement quand le récit commence à s'emballer, dès lors qu'est découvert un deuxième cadavre calciné qui va replonger petit à petit Aoba dans son enfance meurtrie.


On regrette que le mangaka ait tendance à confondre vitesse et précipitation. Si son entrée en scène souffre un peu de la présentation trop rapide des personnages secondaires, elle a au moins le mérite de ne jamais traîner et d'offrir une histoire qui ne laisse pas le temps au lecteur de s'ennuyer. En revanche, certaines avancées auraient clairement mérité d'être détaillées un peu plus. Ici, on pense surtout à l'ellipse qui est faite entre la fin du chapitre 3 et celle du chapitre 4, où Aoba, Hitomi et leurs alliés retrouvent bien vite leur cible sans qu'on sache comment ils ont fait, ne serait-ce qu'un peu... Quelques pages là-dessus auraient pourtant suffi, mais elles n'existent pas. Etrange.


Néanmoins, l'univers global, bien que pas forcément hyper détaillé au vu de la brièveté de la série, tire clairement son épingle du jeu grâce au soin que l'auteur veut y apporter. 


Evidemment, le principal intérêt de l'oeuvre est son concept de mémoire visuelle, où analyser l'oeil des gens permet de découvrir ce qui s'est déroulé, leur passé leur mémoire. Andô aborde la chose plutôt intelligemment, en évoquant même brièvement les limites de la vie privée qu'implique ce procédé, ou surtout en l'opposant à la mémoire du cerveau. Peut-on toujours se fier à la mémoire du cerveau, étant donné que certains souvenirs peuvent être falsifiés par celui-ci, voire être oubliés volontairement pour se protéger, et n'être finalement que des illusions ? Selon le récit d'Ando, le regard, lui, n'oublie rien et ne peut falsifier la réalité. 


On reste également intrigué par ce que l'auteur va faire de la période qu'il a choisie : juste avant les J.O. de Tokyo, ce qui se ressent beaucoup au fil de la lecture, car certaines choses sont directement en lien avec l'arrivée imminente des jeux. Le premier cadavre calciné est retrouvé dans un bâtiment du futur village olympique, et il faut alors veiller à ce que ça ne s'ébruite pas. Et l'auteur évoque aussi certains problèmes liés aux jeux. Par exemple, celui des travailleurs étrangers exploités, ou le fait que la police a abaissé ses critères d'embauche en vue de l'événement en manquant de considération pour les jeunes recrues. C'est le genre de détails qui encrent un peu plus le récit dans une certaine réalité et le rendent plus immersif.


Il y a des maladresses dans ce tome 1, surtout liées au sentiment que les choses vont trop vite, mais dans l'ensemble on tient une lecture qui intrigue très facilement et qui est immersive. Si bien que l'on a aisément envie de savoir ce qui attendra Aoba et les autres dans le deuxième et dernier volume.


Komikku offre ici ses habituels standards de qualité : papier épais et souple, excellente impression chez Aubin, adaptation graphique soignée, traduction claire de Masaya Morita malgré de discrètes coquilles (un "s'en au lieu de "sans", entre autres).


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
13.5 20
Note de la rédaction